Compter les escaliers gravis, surveiller son rythme cardiaque à la course, analyser son sommeil avec une bague connectée : autant de gestes devenus familiers grâce aux objets de santé connectée. Mais pour la société taïwanaise Dbio, ces outils peinent à convaincre. Trop imprécis, aux fonctionnalités restreintes, et parfois trop intrusifs dans le quotidien des utilisateurs.
Leur réponse? Une nouvelle génération de technologie portable fondée sur l’AIOT – l’intelligence artificielle appliquée aux objets. À la clé: des données plus fines, plus fiables et plus utiles. Dbio mise sur une approche plus discrète, mais ambitieuse, incarnée par sa dernière innovation: le GMOT Cloud.
Il s’agit d’une semelle intelligente, souple et fine, truffée de capteurs, qui s’insère dans n’importe quelle chaussure. Elle analyse en temps réel la démarche, la pression plantaire, le centre de gravité, l’intensité de l’activité physique ou encore les calories brûlées. Autant d'informations précieuses, destinées aussi bien aux sportifs de haut niveau – footballeurs, golfeurs, cyclistes – qu’aux particuliers soucieux de leur bien-être.
«Notre objectif est d’intégrer la technologie dans la vie des utilisateurs sans la perturber», résume Edward Chou, directeur de la stratégie marketing de Dbio. Grâce à une application mobile dédiée, les données collectées par les semelles sont traduites en analyses personnalisées, suggestions d’entraînement et retours instantanés. Autonomie moyenne: 24 heures avant recharge.
Discrètes, intelligentes, quasi invisibles, ces semelles pourraient bien redéfinir la manière dont nous interagissons avec notre corps – et notre santé.
La healthtech taïwanaise Dbio pose ses valises en Europe — et c’est au Luxembourg qu’elle a décidé d’implanter son siège régional. L’annonce a été faite ce jeudi 24 avril lors d’une conférence de presse, au cours de laquelle l’entreprise a également dévoilé son intention d’y créer un centre de recherche dédié à l’intelligence artificielle appliquée à la santé numérique et aux technologies portables.
La veille, des représentants de l’entreprise avaient sillonné plusieurs sites potentiels à travers le pays, à la recherche de l’endroit idéal pour accueillir ce futur pôle d’innovation. Selon Edward Chou, directeur de la stratégie marketing de Dbio, l’équipe cherche un espace de 100 à 150 mètres carrés, suffisamment vaste pour installer ses équipements de pointe et mener des tests ainsi que des simulations en conditions réelles.
Un projet qui n’aurait pu voir le jour sans l’appui des institutions luxembourgeoises. M. Chou a tenu à souligner le rôle clé joué par Luxinnovation, l’agence nationale d’innovation, ainsi que par le bureau du commerce et des investissements du Luxembourg à Taipei. «Le gouvernement luxembourgeois fait preuve d’un engagement exceptionnel en matière de santé numérique», a-t-il déclaré. «Ce voyage a été une formidable opportunité, et le soutien que nous avons reçu nous a clairement convaincus.»
Une vision partagée par Mario Grotz, CEO de Luxinnovation, qui s’est félicité du choix de Dbio:
«Le Luxembourg est une plateforme idéale pour développer ses activités en Europe. Nous sommes au cœur du continent, proches de marchés majeurs comme l’Allemagne et la France, et nous disposons d’une main-d’œuvre multilingue, hautement qualifiée.»
Depuis plusieurs années, le Luxembourg investit massivement dans la numérisation et l’économie des données, des atouts majeurs pour les industries de demain. Le secteur de la santé, en particulier, est identifié comme stratégique dans la stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, dont la publication est prévue la semaine prochaine. «Nous ne pouvons pas investir dans tous les domaines», a reconnu Mario Grotz, «mais nous avons choisi avec soin quatre ou cinq niches à fort potentiel. La santé en fait partie.»
Les activités de Dbio, qui reposent sur la collecte et l’analyse intelligente de données pour améliorer le bien-être des utilisateurs, s’inscrivent donc pleinement dans cette ambition. Et la conclusion de M. Grotz, non sans une pointe d’humour, résume bien l’enthousiasme suscité: «Nous sommes très heureux que vous ayez choisi le Luxembourg. Maintenant, je serais encore plus heureux si vous choisissiez Liverpool comme l’un de vos premiers clients!»
Dbio muscle son CA avec un ancien cadre de Nike et Puma
La start-up taïwanaise Dbio ne se contente pas d’innover en matière de technologies de santé connectée : elle renforce aussi ses rangs avec des figures de poids. L’entreprise a annoncé l’arrivée de Hubertus Hoyt en tant que conseiller du conseil d’administration. Ancien joueur de tennis professionnel, Hoyt a notamment été vice-président et directeur général de Nike Europe de l’Ouest et EMEA, et a également occupé des postes stratégiques chez Puma.
Pour cet expert du sport de haut niveau, les technologies développées par Dbio sont appelées à devenir incontournables dans la quête de performance. «Si vous voulez gagner le Tour de France, vous avez besoin de ces données. Vos entraîneurs, vos équipes techniques ont besoin de ces données», explique-t-il. «Il y a des athlètes obsédés par le moyen de gagner un demi pour cent de performance. Et parfois, c’est exactement ce demi pour cent qui fait toute la différence entre la première et la deuxième marche du podium.»
Mais la vision de Dbio ne s’arrête pas à l’élite sportive. Les outils qu’elle développe visent aussi le grand public et les usages médicaux. Les données collectées peuvent, par exemple, être précieuses pour accompagner la rééducation de personnes blessées. L’entreprise explore ainsi une approche hybride, entre technologie de performance et santé préventive.
Autre innovation notable: le Stethocloud, un capteur miniature de 15 grammes capable d’enregistrer le rythme cardiaque tout au long de la journée. Objectif : fournir un tableau précis de la santé cardiovasculaire de l’utilisateur, détecter les anomalies et, à terme, contribuer au suivi médical. «Nous voulons, à terme, collaborer plus étroitement avec la communauté médicale», affirme Edward Chou, directeur de la stratégie marketing. Dbio travaille d’ores et déjà avec plusieurs instituts de recherche à Taïwan, notamment sur l’analyse de la démarche chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.
La start-up, qui emploie actuellement environ 25 personnes à Taïwan, s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire composée d’experts en intelligence artificielle, en matériel informatique, et en semi-conducteurs, ces derniers ayant œuvré à la miniaturisation des capteurs intégrés dans les semelles intelligentes. Toutes les technologies de Dbio sont développées en interne et protégées par brevet, précise Edward Chou, qui insiste également sur la sécurité des données des utilisateurs, un enjeu central dans l’ère des objets connectés. « La confidentialité est un pilier de notre développement. » Une fois installée au Luxembourg, l’entreprise prévoit également de recruter des talents locaux, a-t-il conclu.
Cet article a été rédigé initialement en anglais, traduit et édité pour le site de Paperjam en français.