Partenariats, montée en compétences, veille attentive: Mario Grotz dessine les priorités. (Photo: Nader Ghavami)

Partenariats, montée en compétences, veille attentive: Mario Grotz dessine les priorités. (Photo: Nader Ghavami)

Après près d’un quart de siècle au ministère de l’Économie, Mario Grotz prendra la succession de Sasha Baillie à la tête de Luxinnovation le 1er mars. Avec des projets et une connaissance fine de la technologie et des besoins des entreprises.

Mario Grotz qui prend la tête de Luxinnovation, c’était une petite surprise, non?

. – «Ça fait 24 ans que je suis au ministère de l’Économie. J’ai commencé ma carrière auprès de la Chambre de commerce et de la Chambre des métiers, pour conseiller les entreprises. Je me suis intéressé à différents sujets, du développement de la stratégie au développement des zonings industriels et des différents secteurs, jusqu’à la finalisation de la stratégie sur l’intelligence artificielle (IA) et autour des données. Je me suis dit que ce serait intéressant pour moi de retourner un peu plus sur le terrain et de réengager beaucoup plus avec les entreprises. L’occasion s’est présentée avec le départ de Sasha Baillie. Luxinnovation est une organisation que je connais bien et depuis des années, et dont je suis le président du conseil d’administration.

Être fonctionnaire au ministère de l’Économie et préparer le travail du politique, ce n’est tout de même pas la même chose que d’être en première ligne au sein de l’agence publique de l’innovation…

«Luxinnovation est quand même le bras armé du ministère de l’Économie pour implémenter sa politique sur le terrain. Il y a une certaine logique et c’est important qu’on garde cette logique entre le ministère et l’agence. Mais oui, on est beaucoup plus visibles que Luxinnovation!

Justement, on imagine que Luxinnovation est une agence d’innovation, mais elle a beaucoup de tâches qui sont liées à la mise en œuvre des politiques publiques, comme l’accès aux aides nationales ou européennes.

«Non, l’agence est presque toujours en relation avec des projets technologiques ou avec de l’innovation. Luxinnovation n’est pas responsable de la mise en œuvre de la loi PME, où les entreprises peuvent demander des aides pour des investissements plus traditionnels, par exemple. Mais le rôle de Luxinnovation est de guider les entreprises dans tous les sujets relatifs à l’innovation, à la recherche ou au niveau de la décarbonisation de l’industrie ou des PME. Les entreprises vont recourir à des technologies innovantes afin de diminuer leur empreinte carbone.

Au CES de Las Vegas, le Luxembourg a été reconnu comme un des leaders mondiaux de l’innovation. Quand on est dans le petit écosystème luxembourgeois, on a toujours l’impression que ça ne va pas assez vite. Où est-ce qu’on en est?

«Nous sommes dans un monde qui progresse très rapidement. Nous le voyons particulièrement avec l’IA. Nous en parlons depuis 20 ou 30 ans et il a fallu l’arrivée de ChatGPT pour que tout le monde teste ces technologies et veuille les intégrer dans ses processus. Le Luxembourg a sa carte à jouer sur certains sujets et doit surtout bien choisir ses niches et ne pas faire des investissements dans un grand nombre de domaines. En fait, on ne parle plus vraiment de niches aujourd’hui, mais de développement de compétences dans certaines technologies clés. Si, aujourd’hui, le Luxembourg se positionne vraiment dans l’économie des données, c’est parce que l’économie des données jouera un rôle important dans tous les secteurs.

C’est dans ce contexte que le ministère a développé sa stratégie au niveau des données, combinée aujourd’hui avec une stratégie sur l’IA. Viendra ensuite la stratégie sur le quantique. L’ensemble va aider le développement de tous les secteurs d’activité. C’est aussi le rôle de Luxinnovation d’aider le ministère à implémenter cette stratégie, comme c’est son rôle d’aider les entreprises à bien comprendre cette stratégie et à bien bénéficier des développements qui sont financés à travers l’État.

L’économie des données jouera un rôle important dans tous les secteurs.
Mario Grotz

Mario GrotzCEOLuxinnovation

Ce n’est pas un peu compliqué, dans un petit pays comme le Luxembourg, d’identifier les technologies ou les investissements qu’on devrait faire des fois beaucoup plus tard dans un univers qui évolue très vite?

«C’est un problème européen avec la fragmentation du marché européen. Prenons l’exemple de nos investissements dans le superordinateur. Aux États-Unis, on donne beaucoup d’argent à deux centres et on monte ces deux centres en compétences. En Europe, il y a 27 pays et tous ces pays essaient d’acquérir leur propre ordinateur. On ne parviendra jamais, dans ce contexte-là, à faire concurrence aux États-Unis, parce qu’on aura finalement un réseau d’une douzaine ou d’une quinzaine de centres qui n’auront jamais la même envergure ou les mêmes compétences que les centres américains. On a essayé, en tout cas au niveau européen, de limiter les investissements dans les superordinateurs. On a aujourd’hui sept sites différents qui développent des compétences, dont le Luxembourg. Le rapport Draghi montre très bien toute la problématique.

À part l’intelligence artificielle, le gouvernement dit vouloir jouer un rôle dans le secteur de la santé ou dans les technologies militaires. Quelles sont les tendances sur lesquelles on peut s’attendre à voir Luxinnovation travailler?

«Les secteurs restent toujours les mêmes. La logistique, la santé, le spatial, la mobilité… Nous avons avancé beaucoup plus rapidement dans certains secteurs, mais, par exemple au niveau de la santé, on n’a pas progressé aussi rapidement qu’on le voulait. Mais, à nouveau, l’avantage que peut avoir le Luxembourg n’est sûrement pas au niveau du développement de médicaments, de certaines procédures ou d’écosystèmes. Probablement plus autour des données, de l’accès aux données, de l’infrastructure, du traitement des données de façon sécurisée… Ça veut dire d’abord qu’il faut qu’on ait une stratégie claire au niveau des données nationales. Des efforts énormes sont accomplis au niveau du ministère de la Santé afin de créer ce healthtech hub.

Ensuite, il faudra combiner ces données avec des données européennes, voire internationales. Et ce rôle, je suis convaincu qu’on peut le jouer davantage dans le futur. Il y a de premiers projets dans lesquels Luxinnovation est impliquée, comme entre la Corée du Sud et le Luxembourg. Là encore, on est confrontés en Europe à cette fragmentation du marché qui n’existe pas dans les autres grands marchés comme la Chine ou les États-Unis. Mais si on veut réussir, c’est uniquement sur cette voie-là qu’il faut réussir. L’automobile, c’est également un secteur clé où, on peut être beaucoup plus rapides que les autres pays européens, mais les mêmes questions se posent si on parle de mobilité. Si on parle de conduite autonome, on parle à nouveau de données, comment utiliser ces données pour développer des services, et le Luxembourg a quand même aujourd’hui, en Europe en tout cas, une carte à jouer dans tous ces domaines.

En matière de santé, il s’agit de faire accepter que les citoyens européens partagent leurs données de santé à un moment donné pour faire progresser la recherche pure et la recherche des labos.

«Le plus grand problème aujourd’hui, c’est que nous avons quatre hôpitaux et différentes institutions qui ont des données de patients. Il faut d’abord pouvoir structurer les données de ces différents acteurs pour qu’elles puissent être utilisées ensemble. Des négociations sont en cours avec différents acteurs et j’ai aujourd’hui beaucoup moins d’inquiétudes qu’il y a quelques années. Mais si le Luxembourg n’a pas assez de données au niveau des patients et qu’on ne parvient pas à réunir nos données pour les utiliser dans des projets de recherche, il sera alors difficile de démontrer aux autres, au niveau international, qu’on est capables de le faire. C’est la première chose à faire! Si on structure bien les données, qu’on les rend interopérables et qu’on peut démontrer aux patients la valeur ajoutée de ces études, il est très rare que les patients ne donnent pas leur accord pour participer.

Si on agit en tant que précurseur ou pionnier en Europe, on a quand même une bonne chance de créer des opportunités afin de positionner le Luxembourg davantage dans le domaine de l’automobilité.
Mario Grotz

Mario GrotzCEOLuxinnovation

Est-ce que, dans un petit pays comme le Luxembourg, l’État n’aurait pas intérêt à créer un modèle et à l’imposer à ses acteurs?

«Il faut laisser la liberté aux différents acteurs, mais développer les différents standards et promouvoir ces standards afin que chacun les utilise pour faciliter l’interopérabilité entre les différents systèmes. Par le passé, on parlait beaucoup de ces grands data lakes. La plupart des acteurs n’y croient plus vraiment. Par contre, à travers des projets concrets, des use cases, développer des standards communs et favoriser l’interopérabilité semblent aujourd’hui une voie préconisée non seulement par tous les acteurs, mais aussi dans différents secteurs. Luxinnovation a aussi un rôle à jouer ici.

Concernant la voiture autonome, la seule chose qui compte, au final, c’est de mettre des voitures autonomes sur les routes luxembourgeoises en encadrant les risques, non?

«Oui. Il y a un groupe de travail au niveau du gouvernement, entre différents ministères, qui imagine de façon très concrète comment développer un plan d’action avec Luxinnovation. Ce plan d’action devra agir sur plusieurs domaines. Au niveau de la législation, pour permettre aux voitures de circuler. Mais aussi au niveau des assurances, de la technologie, des données, et il faut avoir une approche cohérente entre les différents acteurs, que ce soit le gouvernement, les acteurs sur le terrain ou des agences comme Luxinnovation. Il n’y a que si tous les acteurs travaillent ensemble à imaginer un plan d’action et à le mettre en œuvre que nous aurons une chance de réussir.

Il y a quand même énormément de voitures qui roulent à San Francisco, dans d’autres villes aux États-Unis ou en Chine. La technologie est déjà assez bien maîtrisée. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’accidents dans le futur, mais il y a aussi des accidents qui arrivent sans cette technologie-là. À certains moments, il y a également un risque politique à prendre afin de continuer à développer cette approche. Si on agit en tant que précurseur ou pionnier en Europe, on a quand même une bonne chance de créer des opportunités afin de positionner le Luxembourg davantage dans le domaine de l’automobilité.

Est-ce que ça passe aussi par des investissements dans l’infrastructure routière ou autoroutière? Il fut un temps où l’on évoquait une infrastructure connectée, puis seulement le besoin de voitures connectées entre elles…

«Effectivement, la tendance des grands constructeurs automobiles est de considérer que les voitures doivent communiquer entre elles. Elles doivent être capables d’appréhender les différentes situations sans avoir besoin de l’intelligence de l’infrastructure. Mais au niveau de l’infrastructure, il reste toujours important quand même de devenir plus intelligent, parce qu’il y a tous les aspects de la congestion et de la sécurité. Plus on a d’informations, plus on est capables d’offrir d’autres services qui ne sont pas uniquement liés à la conduite de la voiture, mais qui vont avec la mobilité. Dans ce contexte-là, oui, des investissements dans des infrastructures intelligentes restent un sujet important.

Nous n’avons pas parlé de la défense, mais entre les engagements du Luxem­bourg à respecter le niveau de financement de l’Otan et le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, avec sa volonté d’augmenter encore la contribution de ses alliés de l’Otan, il paraît clair qu’il va falloir trouver des investissements à faire ou un bout d’économie à développer, non?

«Je ne suis pas un expert de la défense, mais il y a quand même deux aspects qui sont très liés au développement économique: la cybersécurité – et la défense investit déjà dans un cloud souverain, avec des compétences qu’on a montées au Luxembourg depuis des années; et le spatial, probablement le domaine où l’on peut espérer le plus de retours économiques.

Au fil des années, on constate que le spatial exige des investissements considérables et qu’il s’agit d’un secteur très «cash burning», où le coût pour transformer une idée en solution est extrêmement élevé. Même l’avenir de ceux qu’on présentait comme de futurs champions semble compliqué…

«Sauf pour le volet défense, où l’on accompagne également les entreprises du spatial afin de développer des technologies dual use au niveau de la défense. Ce n’est pas le rôle de Luxinnovation de développer le secteur de la défense, mais celui de l’agence spatiale. Avec l’initiative qu’on a prise, on a quand même augmenté le nombre d’entreprises au Luxembourg, de 25 à plus de 80 entreprises. On a plus que doublé le nombre d’emplois dans le secteur. L’objectif principal était de donner une chance à un nouveau secteur qui connaîtra des développements exponentiels dans le futur.

Toutes les études prouvent que le secteur du spatial sera l’un des secteurs clés dans le futur. Il est clair que c’est un secteur de longue haleine. Ce n’est pas en deux semaines qu’on ira sur la Lune. Il faut miser sur un engagement d’au moins 10 ans. Nous ne sommes qu’à la moitié et les retombées sont déjà énormes, et si on m’avait dit à l’époque ‘vous êtes capables d’attirer des entreprises, d’augmenter le nombre d’entreprises de façon très significative et il y a un intérêt constant des entreprises à venir au Luxembourg parce qu’elles veulent faire partie de cet écosystème’, moi, je ne l’aurais pas cru. Les cinq prochaines années seront clés.

Luxinnovation joue aussi un rôle très important auprès des entreprises luxembourgeoises et surtout des PME, qui composent tout de même la grande majorité du tissu économique. Elles n’ont pas toujours les ressources humaines et financières pour faire face à la digitalisation et à la transition environnementale. Comment Luxinnovation peut-elle agir à ce niveau?

«Il y a trois catégories d’entreprises. Tout d’abord, les PME luxembourgeoises, qui sont encore dans les mains d’actionnaires luxembourgeois. Ils savent très bien qu’ils sont confrontés à une concurrence internationale et ils sont très en avance. Ils intègrent bien les technologies et sont obligés de le faire pour rester concurrentiels.

La deuxième catégorie d’entreprises, ce sont les filiales de grandes entreprises au Luxembourg, des filiales de taille moyenne, où il y a 200-300 personnes au Luxembourg, mais qui dépendent clairement de leur maison mère. Il faudra davantage montrer aux maisons mères que le Luxembourg peut jouer un rôle de précurseur, dans leurs entreprises aussi. Il y a deux, trois exemples très concrets, comme Avery Dennison ou le projet de Goodyear à Dudelange, où une nouvelle technologie a été développée. Il faut beaucoup plus favoriser ces initiatives de notre côté, sinon ce sera difficile d’obtenir de nouveaux financements des maisons mères pour rester concurrentiels…

Le spatial, probablement le domaine où l’on peut espérer le plus de retours économiques.
Mario Grotz

Mario GrotzCEOLuxinnovation

Et ensuite, il y a quand même aussi les entreprises de type plus artisanal, où peut-être Luxinnovation n’a pas été assez sur le terrain jusqu’à présent. Il faudra faire beaucoup plus d’efforts. Et là, notre objectif n’est pas d’aider les entreprises à digitaliser, mais vraiment à innover. Et il faut trouver celles qui veulent innover. Maintenant, développer un nouveau logiciel ou intégrer un logiciel, ce n’est plus le travail de Luxinnovation. C’était le travail de Luxinnovation il y a 20 ans. Aujourd’hui, Luxinnovation doit aider ceux qui veulent automatiser leur production ou utiliser l’IA. Il faudrait que Luxinnovation monte en compétences, afin d’aider également les entreprises artisanales familiales à se développer davantage.

Est-ce que l’État ou Luxinnovation aurait intérêt à avoir un catalogue de solutions plus ou moins clés en main à proposer à ces petits acteurs?

«C’est sur cet aspect que Luxinnovation a travaillé les deux dernières années. C’est un travail conséquent que la direction actuelle a fourni pour vraiment restructurer Luxinnovation en interne à partir de ce qui s’est passé au cours de temps des 20 dernières années. On a toujours rajouté des activités à Luxinnovation : d’abord soutenir l’artisanat, puis le Digital Innovation Hub, jusqu’à créer nous-mêmes des silos. Depuis deux ans, toute l’équipe de Luxinnovation a quand même travaillé sur une autre approche, plus ‘Salesforce’, qui connaît tous les instruments, qui va démarcher les entreprises pour montrer ces instruments pour les aider d’un côté et pour montrer que Luxinnovation a tous ceux qui peuvent mettre en œuvre ces solutions, de l’autre côté.

Ce ne sont pas des vendeurs, mais ceux qui ont vraiment des compétences beaucoup plus spécifiques, qui savent exactement comment rédiger des projets, structurer des projets ou mobiliser les instruments disponibles. Il y a le troisième volet, celui de la business intelligence pour vraiment développer aussi en interne le know-how. C’est un travail qui a été fait, qui n’est pas encore finalisé, qu’il faut continuer à développer cette année-ci. Mais ce catalogue-là est aujourd’hui sur la table, il n’est pas encore tout à fait digeste, mais c’est un travail qui se fait.

Peut-être encore un mot sur les start-up, parce que ça reste aussi dans le périmètre de Luxinnovation: qu’est-ce que vous avez envie de faire de cet écosystème-là?

«On a progressé clairement au niveau du nombre d’entreprises, mais pour vraiment arriver à ce que l’on appelle la start-up nation, il faudra à mon avis continuer à augmenter le deal flow au Luxembourg. Je pense qu’il y a 60 ou 70 entreprises qui se sont créées l’année passée, mais il faudra augmenter ce nombre. On reste toujours trop petits pour développer un écosystème qui pourrait être attractif pour des VC et d’autres acteurs pour vraiment regarder en détail le marché luxembourgeois. Donc, le rôle de Luxinnovation sera de continuer à créer, d’essayer de créer davantage avec les programmes Fit4Start, entre autres, pour continuer à élever le nombre de start-up au Luxembourg. Même si un certain nombre d’entre elles ne vont pas réussir. Le deuxième volet, c’est quand même aussi celui du scale-up. Aujourd’hui, de premiers projets connaissent quand même une belle réussite, qui vient de ce qu’on a investi il y a 5 à 10 ans dans l’écosystème. Que ce soit Talkwalker ou Salonkee.

Il faudrait que Luxinnovation monte en compétences, afin d’aider également les entreprises artisanales familiales à se développer davantage.
Mario Grotz

Mario GrotzCEOLuxinnovation

Mais il n’y a pas la masse critique pour le scale-up, ce qui, de toute façon, est un problème dans toute l’Europe, pas uniquement au Luxembourg, mais encore davantage pour le Luxembourg parce qu’on n’a pas assez de deal flow. Cela passera uniquement à travers des collaborations internationales. Même dans 5 à 10 ans, le Luxembourg n’aura jamais un grand nombre de scale-up, mais il faudra quand même avoir des partenaires internationaux sur lesquels on peut se reposer, et c’est le développement de ces partenariats qui sera une des priorités. Développer un programme pour vraiment accompagner les start-up, donner de la crédibilité à ces start-up et ensuite développer un réseau international d’acteurs qui peuvent intervenir à ce moment-là pour compléter l’écosystème luxembourgeois.

Il y a aussi des entreprises comme Goodyear qui ont leur propre fonds de venture capital, comme au Japon ou ailleurs, et il faudra à mon avis aussi travailler beaucoup plus avec ces entreprises, parce qu’en fait, elles ont déjà un deal flow et elles ont aussi un lien naturel avec le Luxembourg. Nous avons noué les premiers contacts, mais il est tout à fait clair que là, c’est plutôt des ‘low-hanging fruits’ pour attirer ces entreprises – ou en tout cas des succursales ou des filiales de ces entreprises – vers le Luxembourg, afin d’intégrer l’écosystème luxembourgeois dans les différents domaines cibles qu’on a identifiés sur les start-up.

Sur des sujets comme le tax shelter, les statuts de digital nomad ou d’entrepreneur européen ou encore le compte bancaire, comment vous positionnez-vous? De quoi est-ce qu’on a besoin ou envie pour que le Luxembourg puisse devenir plus intéressant pour les start-up?

«Les discussions et les projets en cours de développement sont effectivement ceux pour améliorer la fiscalité au niveau des start-up. Si on nous compare aux autres pays européens, on voit que l’on n’a pas des conditions aussi favorables que les autres. Il faudra travailler là-dessus et je suis convaincu que le gouvernement va venir avec des solutions très prochainement. Le rôle de Luxinnovation, c’est en fait de pouvoir formuler des propositions… On regarde ce qui se passe au niveau des pays européens et on soumet des propositions au gouvernement. À lui de prendre ses décisions… Le deuxième sujet, ce sont les talents. À nouveau, un élément au niveau de l’attraction, c’est le régime fiscal des personnes qui vont travailler au Luxembourg, et j’espère qu’il y aura des changements dans le futur.

Le problème le plus difficile, c’est probablement celui du logement. Et pas seulement pour les start-up, mais pour toutes les entreprises. On a besoin de compétences spécifiques et pour attirer ces personnes-là, il faudrait une solution. Je sais qu’il y a des projets pilotes en discussion, mais c’est toujours un sujet très délicat. Je serai à la fois dans la continuité de Sasha Baillie et proposerai un certain nombre de projets au gouvernement pour améliorer l’écosystème national de l’innovation.»

La région, bonne échelle pour les compétences

«Dans le temps, on essayait toujours de jouer la carte territoriale, mais finalement, les entreprises vont choisir elles-mêmes où elles vont se localiser, assume Mario Grotz. Par contre, le développement des compétences et la complémentarité entre les compétences, c’est très important aujourd’hui. Par exemple, Luxinnovation est entrée en contact étroit avec la Sarre pour définir ce qu’on peut offrir au secteur manufacturier afin qu’il puisse continuer à se développer. Le Luxembourg n’aura jamais toutes les compétences en interne pour aider ces entreprises manufacturières à se développer. La Sarre non plus. Par contre, si au niveau du Digital Innovation Hub, on crée vraiment ce réseau en disant ‘on va travailler ensemble dans ce domaine-là’, là, j’y crois beaucoup.» Un nouveau modèle de collaboration à inventer.

Le paradoxe UE-Musk

Elon Musk critique l’Europe, qui critique Elon Musk. Après s’être moqués de SpaceX pendant des années, les Européens ne sont pas près d’avoir une souveraineté du lancement. «C’est clair, concède Mario Grotz. On a besoin de SpaceX pour lancer toutes nos constellations… que nous lançons pour faire de la concurrence à Musk. Cette grande dépendance n’est pas très bénéfique pour l’Europe. Si tout va bien avec Arianespace, nous aurons un lancement par mois, tandis que SpaceX lance tous les trois jours… Musk est peut-être un entrepreneur visionnaire, mais tout a été financé par la Nasa. En Europe, pour chaque euro investit par l’Esa, il doit y avoir un euro qui revient obligatoirement au pays. Ce sera toujours difficile de rivaliser avec la Nasa, qui identifie un entrepreneur et met le paquet pour le soutenir. Si on développe une mission en Europe, il faut qu’on fédère une dizaine d’entreprises de différents pays.»

Le mapping, très précieux

«Dans le temps, la défense savait très bien ce que SES faisait, mais ne savait pas qu’il y avait encore 100 entreprises dans différents secteurs qui pourraient également contribuer à ce secteur. Le mapping nous a vraiment permis de contacter ces entre­prises, d’identifier celles qui ont un intérêt, qui ont déjà des technologies et qui ont un intérêt pour intégrer toute cette procédure, également pour être accréditées afin de participer à cet écosystème.» Aujourd’hui, ajoute le nouveau CEO de Luxinnovation, on sait très bien qu’il y a «un grand besoin de consultance pour toutes les grandes entreprises», dans le secteur de la cybersécurité. «Avec le mapping, on voit qu’on ne sera pas capables de développer toutes les chaînes de valeur ici et qu’il faudra agir dans le cadre d’une Grande Région.»

L’espace, bien sûr

«J’aime le spatial. Parce qu’il intègre tous les volets. Il faut avoir une vision et avec le spatial, clairement, on peut développer différentes visions: avancer sur la Lune, sur Mars… Ensuite, le Luxembourg n’a pas vocation à être le premier pays sur Mars. Par contre, on peut quand même réussir à jouer notre rôle dans le développement de ces visions», explique Mario Grotz, interrogé sur les technologies qui le fascinent. Avant d’enchaîner sur l’intérêt de développer un système cohérent entre les autres technologies différentes qui, combinées, auront un impact largement supérieur.

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de parue le 29 janvier. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

 

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