Alors que la Luga bat son plein, Julie Schadeck rappelle que chaque citoyen devrait voir au moins trois arbres depuis son domicile, bénéficier de 30 % de couverture arborée dans son quartier, et ne pas vivre à plus de 300 mètres d’un parc ou espace vert. (Photo: Julie Schadeck)

Alors que la Luga bat son plein, Julie Schadeck rappelle que chaque citoyen devrait voir au moins trois arbres depuis son domicile, bénéficier de 30 % de couverture arborée dans son quartier, et ne pas vivre à plus de 300 mètres d’un parc ou espace vert. (Photo: Julie Schadeck)

UNature est co-organisateur de la quatrième édition de la World Conference on Forests and Parks for Public Health (WCFPPH), qui se tiendra du 21 au 23 mai à Luxexpo The Box. Sa directrice générale, Julie Schadeck, met en évidence le potentiel inexploité de solutions naturelles pour répondre à de grands enjeux de société.

Notre société est en pleine transition collective — à la fois en termes de connaissances et dans la manière dont nous prévoyons de relever nos plus grands défis. Les solutions à la crise de santé mentale, une approche plus proactive et participative de l'éducation à l'environnement, ainsi qu'un changement de paradigme dans le développement urbain sont trois leviers que les experts considèrent comme essentiels à cette transition.

Un ensemble croissant de recherches montre qu’il existe un outil facile à mettre en œuvre et relativement abordable pour nous accompagner dans cette transition. Les interventions basées sur la nature ont fait l’objet de nombreuses études récentes et se sont révélées être une méthode puissante et encore sous-utilisée pour améliorer la santé et le bien-être des individus, des communautés, des systèmes et des organisations.

Voici ce que la recherche a révélé.

Nature et santé mentale

En octobre de l’année dernière, une étude sur le comportement sanitaire de près de 8.000 jeunes luxembourgeois âgés de 11 à 18 ans a révélé une augmentation de l’usage problématique des réseaux sociaux, une baisse de la satisfaction de vie et une hausse du sentiment de solitude, en particulier chez les filles. Ces tendances sont des indicateurs significatifs d’une crise croissante de santé mentale chez les jeunes — l’étude a conclu que 18 % des garçons et 34 % des filles au Luxembourg âgés de 17 à 18 ans sont à risque de dépression.

Ces chiffres sont similaires à ceux des adultes: près de 20 % de la population luxembourgeoise souffrait d’un trouble de santé mentale en 2019. Avec environ 3 % du PIB luxembourgeois (1,6 milliard d’euros), les coûts économiques liés à la santé mentale sont considérables — et largement évitables.

Le cortisol — la principale hormone du stress — diminue dans les environnements naturels comme les forêts, selon plusieurs études. Le contact avec la nature a également montré qu’il permet de restaurer l’attention et de soulager la fatigue mentale. Le résultat, pour tous les groupes d’âge, est une réduction de la «superposition de dopamine» liée à la surutilisation des écrans, et une augmentation de la sérotonine, l’hormone stabilisatrice de l’humeur.

Ces connaissances peuvent servir à concevoir des interventions pour traiter les troubles mentaux, mais aussi pour les prévenir. La prévention, en particulier, est au cœur des préoccupations des chercheurs et praticiens qui souhaitent faire évoluer les patients — et le système de santé dans son ensemble — d’un modèle centré sur la maladie mentale vers un modèle axé sur le bien-être mental. Il existe également des incitations économiques à ce changement de paradigme. Selon un rapport de la Z Zurich Foundation, chaque euro investi dans un programme de prévention en santé mentale permet d’en économiser 24 par la suite.

Le contact avec la nature s’est révélé être un outil clé en matière de prévention en santé mentale. Bien qu’il soit utilisé par certains praticiens pionniers au Luxembourg, la question reste posée: comment faire en sorte que ces approches préventives, fondées sur la nature, deviennent la norme?

Éducation à l’environnement

C’est une évidence, étayée par des études scientifiques: plus une personne est en contact avec la nature, plus elle est susceptible d’adopter des comportements qui la soutiennent et la protègent.

Pour tous les groupes d’âge, la recherche met en lumière un «fossé entre les valeurs et les actions» persistant entre la conscience climatique et les comportements concrets. Pour opérer une transition vers une société plus durable, il faut impérativement combler ce fossé.

Les données suggèrent que notre approche actuelle de l’éducation à l’environnement ne permettra pas d’y parvenir. En réalité, une approche abstraite qui se limite aux aspects techniques de la crise climatique, sans contact réel avec la nature, risque d’élargir encore davantage ce fossé.

Prenons l’exemple d’une étude menée en 2021 auprès de jeunes du monde entier âgés de 16 à 25 ans — 59 % des répondants se disaient très ou extrêmement inquiets à propos du changement climatique, et 45 % affirmaient que cela avait un impact négatif sur leur quotidien et leur fonctionnement.

Comment pouvons-nous réimaginer un avenir où l’écoanxiété des jeunes au Luxembourg est canalisée vers une action positive? Comment pouvons-nous orienter notre éducation environnementale vers un discours proactif qui renforce la résilience de tous les Luxembourgeois, quel que soit leur âge?

Urbanisme fondé sur la nature

Selon l’office luxembourgeois des statistiques, Statec, la population du Grand-Duché dépassera le cap du million d’habitants d’ici 2050. Que ressentira-t-on en vivant dans les centres urbains luxembourgeois à mesure que la densité augmente? Comment garantir que la population à la croissance la plus rapide de l’UE ait toujours accès à des espaces verts?

Les chercheurs, urbanistes et autres experts du secteur affirment que la densification ne doit pas être redoutée au Luxembourg, car si elle est bien pensée, elle peut en réalité améliorer l’accès aux espaces verts pour tous. Des méthodes de conception urbaine intelligentes et innovantes — qui évitent l’urbanisation des terres agricoles ou forestières, tout en favorisant la connexion à la nature — peuvent être mises en œuvre à l’échelle locale.

Plusieurs référentiels internationaux peuvent orienter ces efforts, comme la règle du 3-30-300. Cette règle stipule que chaque citoyen devrait voir au moins trois arbres depuis son domicile, bénéficier de 30 % de couverture arborée dans son quartier, et ne pas vivre à plus de 300 mètres d’un parc ou espace vert.

Des initiatives telles que les micro-forêts, les améliorations ciblées de la biodiversité, les jardins communautaires, les projets immobiliers innovants qui priorisent le contact avec la nature, et l’amélioration de l’accès aux espaces verts du Luxembourg peuvent nous aider à nous rapprocher de cet objectif pour tous.

Faire progresser des solutions concrètes face aux défis les plus complexes de notre époque nécessitera un changement de paradigme dans notre manière de penser et d’agir sur de multiples plans. Cela exigera un réel engagement à repenser nos systèmes, ainsi qu’une collaboration entre les secteurs privé et public — entreprises, responsables politiques, groupes communautaires, et citoyens eux-mêmes.

Bien que les interventions fondées sur la nature ne soient pas une solution miracle, elles offrent une boîte à outils efficace et étayée par des preuves pour la santé publique — un potentiel encore largement inexploité.

*Julie Schadeck est directrice générale de UNature asbl. UNature est co-organisateur de la quatrième édition de la (WCFPPH), qui se tiendra du 21 au 23 mai à Luxexpo The Box. À ce jour, plus de 110 scientifiques de 34 pays différents, couvrant tous les continents, sont déjà inscrits.