La ministre de l’Environnement a rappelé la bonne marche de son ministère dans l’affaire Traversini, tout en promettant de ne pas donner suite à la demande de démolition de l’abri de jardin tant que la justice ne se sera pas prononcée. (Photo: Capture d’écran/Chamber TV)

La ministre de l’Environnement a rappelé la bonne marche de son ministère dans l’affaire Traversini, tout en promettant de ne pas donner suite à la demande de démolition de l’abri de jardin tant que la justice ne se sera pas prononcée. (Photo: Capture d’écran/Chamber TV)

La Chambre des députés a débattu, jeudi matin, de la déclaration de la ministre de l’Environnement Carole Dieschbourg dans une ambiance survoltée.

La séance publique avait commencé avec la suite des débats déjà houleux sur le , avant de laisser la parole à Semiray Ahmedova (Déi Gréng) pour une confession encore timide, quelques fois émue, mais optimiste sur son engagement dans la politique et à la Chambre – notamment en matière de logement et d’aménagement urbain, logique pour cette architecte de métier.

Les hostilités ont toutefois rapidement repris après ce court intermède. Place à  (Déi Gréng) dans sa à la Chambre sur l’implication de son ministère dans l’affaire dite de l’abri de jardin, après et trois de l’environnement.

Sur le gril depuis la révélation par l’opposition de Differdange de travaux , alors député-bourgmestre, sur un abri de jardin situé en zone verte, la ministre de l’Environnement répète une nouvelle fois qu’«il n’y a rien d’anormal ni d’irrégulier dans le traitement de ce dossier». «Il était important que je présente les détails devant la Chambre comme devant les citoyens, et c’est pour cela que j’ai demandé à prononcer une déclaration», ajoute la ministre – sachant que cette déclaration avait également été réclamée par le CSV.

Je n’ai pas accordé de faveur.
Carole Dieschbourg

Carole Dieschbourgministre de l’Environnement

Revenant sur la chronologie de l’affaire, Mme Dieschbourg estime que la procédure a été correctement exécutée, qu’il s’agisse de l’autorisation accordée a posteriori à M. Traversini pour la rénovation de l’abri de jardin ou des travaux de terrassement et d’élagage non autorisés et qui sont actuellement .

Seul fait nouveau par rapport aux éléments déjà précisés lors de sa conférence de presse ou par les médias: des statistiques sur le délai de traitement des demandes d’autorisation de travaux en zone verte, puisqu’«il a été reproché que la demande de M. Traversini a été traitée très rapidement». Ainsi, en 2010, 7% des plus de 2.000 demandes avaient été expédiées en moins d’un mois et 26% en trois mois, tandis qu’en 2017, avec plus de 2.600 demandes, le ministère avait traité 20% d’entre elles en un mois et 83% en moins de trois mois. Et la ministre de souligner l’effort demandé à l’administration pour raccourcir ces délais, avec des résultats tangibles.

«Je n’ai pas accordé de faveur», affirme-t-elle encore, demandant aux députés de laisser la justice trancher les «divergences d’interprétation» en cause dans le dossier. Un recours a en effet été déposé devant le tribunal administratif contre son autorisation par des propriétaires s’estimant lésés. «Le ministère ne rendra aucune décision sur la demande de démolition de l’abri de jardin tant que le travail de la justice ne sera pas achevé», promet la ministre, alors que l’opposition craignait justement que la disparition de l’objet du litige éteigne toute investigation.

La ministre a engagé sa responsabilité politique.
Michel Wolter

Michel Wolterdéputé CSV

Prenant la parole pour plus d’une heure, le député , héraut tardif du CSV dans le dossier, enchaîne les attaques et les mots durs, tout en rejouant le match du  qui avait ébranlé la coalition Juncker-Asselborn II en 2012, un an avant l’affaire de la montre. Il cite avec délectation les interventions des ministres  et  (Déi Gréng), à l’époque fers de lance d’une opposition en quête de réponses, mais qui avaient échoué à obtenir l’ouverture d’une commission d’enquête.

«C’est le devoir de l’opposition et de tout le Parlement de veiller à la pleine transparence et à ce que les cartes soient mises sur la table pour en tirer les conséquences politiques appropriées», cite M. Wolter devant une majorité médusée.

Passant en détail les anomalies du dossier Traversini, M. Wolter répète à plusieurs reprises que «le subterfuge a été révélé» et que «la ministre a engagé sa responsabilité politique», soulignant encore qu’elle n’a ni annulé l’autorisation en cause ni diligenté d’enquête interne. Et de rappeler, comme , que les travaux d’envergure réalisés à l’automne 2018 sur la parcelle en cause n’ont jamais fait l’objet de poursuites ou de sanctions malgré l’intervention du garde forestier sur les lieux. De quoi, selon lui, confirmer l’hypothèse d’un «traitement de faveur» à l’égard de M. Traversini et de l’«inactivité» des services du ministère de l’Environnement alors que Mme Dieschbourg a vanté «des mécanismes de contrôles qui fonctionnent bien».

Utilisez votre énergie pour trouver des solutions à la mobilité, au logement, au droit du travail, aux questions sociales qui intéressent les citoyens.
Georges Engel

Georges Engeldéputé LSAP

Preuve ultime – et nouvelle au dossier –: les travaux n’auraient pas été arrêtés le 8 juillet en attendant l’autorisation du ministère, comme l’assuraient M. Traversini et la ministre. Il dégaine deux CD avec des photos prises le 7 juillet et le 11 août montrant que le statu quo n’a pas été respecté. «Vous régularisez, vous légalisez et vous ne contrôlez pas!», assassine-t-il. Par provocation, il dépose une motion demandant la légalisation de toutes les constructions en zone verte et retourne à son siège.

 pour le DP,  pour le LSAP et  pour Déi Gréng se succèdent à la tribune, rappelant que «les députés ne sont pas des juges» et qu’il revient à la justice de se prononcer. «La Chambre a certes le devoir de contrôler le gouvernement, mais pas d’interpréter la loi sur la protection de la nature», souligne M. Engel, s’appuyant aussi sur le récent communiqué de l’asbl StopCorrupt. «Utilisez votre énergie pour trouver des solutions à la mobilité, au logement, au droit du travail, aux questions sociales qui intéressent les citoyens» plutôt que d’«entretenir consciemment un climat de défiance envers la politique», lance-t-il.

Dénonçant elle aussi des «calculs politiciens» alors que son parti réalise une véritable «autocritique» après les actes de M. Traversini, Josée Lorsché maintient son soutien à Mme Dieschbourg et «n’a aucune raison d’interroger sa déontologie».

Nous avons demandé trois fois le verbatim des séances. Je ne comprends pas pourquoi la majorité ne le veut pas.

David Wagnerdéputé Déi Lénk

Au tour de  (ADR) d’intervenir, commençant par épingler l’attitude de la majorité durant la dernière commission dédiée à l’affaire. «L’image de la muselière est vraie, sur le fond: un parti ne peut pas dévoyer la procédure pour éviter de s’expliquer», attaque-t-il, alors que le CSV et l’ADR accusent la majorité d’avoir rejeté des questions supplémentaires et écourté la séance.

Le député ADR note ensuite une «tendance à la bagatellisation», rappelant qu’une affiche de l’ADR avait tourné en scandale avant les élections européennes, mais que la majorité voudrait faire de l’affaire de l’abri de jardin une «bagatelle».

 (Déi Lénk), lui, fait part de ses «doutes», constatant qu’une commission ordinaire donnait peu de moyens d’investigation aux députés et que la ministre a fait une «interprétation extensive» du secret de l’instruction. «Nous avons demandé trois fois le verbatim des séances. Je ne comprends pas pourquoi la majorité ne le veut pas. Cela donne l’impression que la majorité fait exprès de mal s’y prendre.» Disant avoir la «conviction intime de l’honnêteté de Mme Dieschbourg», il ajoute que «même les personnes honnêtes font des erreurs».

Il faut un code de déontologie contraignant au niveau du gouvernement.
Marc Goergen

Marc Goergendéputé Piratepartei

Pour conclure par une autre intuition «troublante»: «Nous trouvons cela étrange que le président de l’Union des propriétaires (l’avocat Georges Krieger, ndlr) rue dans les brancards» à travers sa «lettre de lecteur» à RTL et son recours administratif. «Peut-être que certains propriétaires mécontents de la politique de logement actuelle voudraient déstabiliser le gouvernement…», hasarde-t-il. Tout en appelant le gouvernement à «travailler avec plus d’intelligence et de transparence».

Pour  (Piratepartei) enfin, cette affaire est bien celle de l’égalité de traitement devant la loi. «Nous en sommes loin ici au Luxembourg», affirme-t-il, renvoyant, à la surprise générale, au «favoritisme dans un autre domaine: celui dans l’attribution des postes au sein de l’État ou des entreprises d’État». Et de citer  (DP), «placée par son parti» au poste de commissaire générale auprès de l’Expo 2020 Dubaï, ou encore  (ministère de l’Économie),  (Luxembourg for Finance) et Steve Schleck (ministère de l’Éducation nationale).

Motion rejetée

Là,  (DP) enjoint au député de s’en tenir à l’ordre du jour, tandis que François Bausch sort de ses gonds, réclamant «des preuves et des excuses». Ravi du tollé provoqué, M. Goergen «[s]’excuse d’avoir dit que [ces nominations] étaient automatiques» et reprend son sérieux pour considérer que «cette affaire montre qu’il est temps d’organiser la transparence au niveau du gouvernement et qu’il faut un code de déontologie contraignant». Comme l’avait d’ailleurs suggéré un certain François Bausch en 2011.

Dans un dernier tour de table au vitriol, M. Wolter lance une dernière attaque à Mme Dieschbourg. «Vous êtes ministre depuis six ans et vous ne connaissez pas la loi!». M. Bettel s’interpose et rappelle qu’il convient de respecter une «clause de rendez-vous» – autrement dit, la décision de la justice. Les députés se retirent finalement après près de trois heures de débat et une motion fantasque du CSV rejetée par 33 voix (2 abstentions, 25 pour).