Carole Dieschbourg se défend bec et ongles dans l’affaire Traversini. (Photo: Paperjam)

Carole Dieschbourg se défend bec et ongles dans l’affaire Traversini. (Photo: Paperjam)

La ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable a répondu pied à pied aux critiques formulées à son encontre dans le dossier Traversini et aux accusations à l’égard de ses parents, visés par le bourgmestre d’Echternach ce week-end.

C’est avec le sourire que s’est présentée devant la presse lundi après-midi. Mais un sourire empreint de fermeté lorsqu’elle s’est employée à apporter son éclairage sur l’ comme sur celle qui la concerne personnellement, intervenants à l’appui. Loin d’elle la tentation de jeter l’éponge dans les suites d’une affaire qui a déjà provoqué la démission du premier concerné.

«Le dossier en cause a été traité de la même façon que les 3.000 autres» reçus par le ministère chaque année, assure la ministre Déi Gréng. Et de détailler la chronologie des événements: le 8 juillet, le garde forestier signale à  - bourgmestre Déi Gréng de Differdange depuis 2014 - qu’il a besoin d’une autorisation pour mener les travaux déjà engagés sur l’abri de jardin situé en zone Natura 2000. «S’il n’y a pas de risque imminent pour la nature, le préposé informe les personnes qu’ils doivent arrêter les travaux et poser une demande», précise la ministre. En l’occurrence, M. Traversini s’est exécuté et a envoyé le lendemain une demande d’autorisation.

Il s’agissait d’ajouter un bardage à une maisonnette existante, ce qui est possible selon l’article 7 de la loi sur la protection de la nature si cela se fait en harmonie avec l’environnement alentour.

Michel Leytemchef de l’arrondissement SudAdministration de la nature et des forêts

Produisant une copie de ladite demande, le ministère de l’Environnement montre que le dossier a été «encodé» le 18 juillet, date du tampon faisant foi. Selon la procédure, il envoie la demande à l’Administration de la nature et des forêts. C’est en effet elle – dont dépend le garde forestier – qui est compétente pour examiner la légalité des travaux entrepris.

«D’après nos premières constatations, l’abri de jardin existait déjà mais se trouvait dans un mauvais état», indique Michel Leytem, chef de l’arrondissement Sud de l’ANF. «La législation en matière de réserves naturelles est claire: elle n’autorise aucune nouvelle construction. Toutefois il s’agissait d’ajouter un bardage à une maisonnette existante, ce qui est possible selon l’article 7 de la loi sur la protection de la nature si cela se fait en harmonie avec l’environnement alentour.»

Selon le rapport remis le 29 juillet à l’ANF par un préposé, les travaux déjà engagés par l’ancien bourgmestre de Differdange concernent la mise en place d’un bardage sur les quatre côtés de l’abri, le remplacement de trois fenêtres existantes (une quatrième ayant été percée) et le remplacement de la toiture présentant des problèmes d’étanchéité. Des travaux que le préposé recommande d’autoriser sous certaines conditions, comme la finition naturelle du bardage, l’obligation de murer la quatrième fenêtre, l’interdiction d’utiliser des «couleurs criardes» et la limitation de l’usage de l’abri au dépôt de matériel de jardin.

Je n’ai jamais parlé de ce dossier avec M. Traversini.
Carole Dieschbourg

Carole Dieschbourgministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable

«Ce n’est pas une procédure inhabituelle», répète Mme Dieschbourg, qui a signé le courrier de réponse à la demande d’autorisation comme elle a signé une série d’autres courriers. «Je n’ai jamais parlé de ce dossier avec M. Traversini», assène-t-elle, rejetant les accusations sous-entendant qu'elle aurait délivré une autorisation de complaisance au député-bourgmestre de son parti.

Reste un écueil: l’abri était-il déjà sorti de terre au moment de la première loi sur la protection de la nature? M. Traversini a expliqué au préposé qu’il «a été érigé il y a longtemps par le propriétaire précédent et qu’une autorisation de construction ministérielle ou même communale fait défaut». «Les personnes qui ont travaillé sur le dossier ont considéré qu’il s’agissait d’une construction existante», souligne Mme Dieschbourg, qui «a suivi l’interprétation» de ses agents. «Si on regarde les autres autorisations, on voit que la maison a été construite en 1961», ce qui peut laisser penser que l’abri a été édifié au même moment. «Ceci peut être discuté devant le tribunal administratif», indique-t-elle.

Je déplore que ma famille ait été thématisée.
Carole Dieschbourg

Carole Dieschbourgministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable

Mme Dieschbourg rappelle qu’un volet pénal est également ouvert dans l’affaire Traversini, concernant les «travaux non autorisés, voire non autorisables», relevés par l’entité mobile chargée d’évaluer les travaux en cours. Or, celle-ci est «directement rattachée au Parquet et non au ministère». La ministre se refuse «par respect de la séparation des pouvoirs» à en dire plus – elle en sait d’ailleurs moins que le Parquet. D’après les informations récoltées par l’opposition à Differdange, il s’agit des travaux de déblaiement et d’élagage de haies derrière l’abri de jardin.

A priori, la coupe des arbres bordant l’abri, également réalisée par M. Traversini, n’est pas susceptible de poursuites. «M. Traversini avait demandé conseil au garde forestier en novembre 2018, qui a recommandé la coupe des frênes, car ils présentaient un état avancé de la maladie qui touche tous les frênes d’Europe actuellement», indique M. Leytem. «C’est la pratique même dans les forêts publiques.»

Mme Dieschbourg a par ailleurs tenu à faire toute la lumière et «en toute transparence» sur les accusations portées ce week-end contre ses parents. Propriétaires d’un moulin près d’Echternach, ils ont bénéficié d’une compensation à la suite de l’élargissement des berges décidé dans le cadre de la renaturalisation de la rivière de Lauterbour après les inondations de 2016. «C’est le Haut-Commissariat pour la protection de la nature qui a supervisé la planification des travaux et leur suivi afin d’éviter les conséquences d’une nouvelle montée des eaux», rappelle Luc Zwank, directeur adjoint de l’Administration de la gestion de l’eau. «Je déplore que ma famille ait été thématisée», conclut Mme Dieschbourg, dénonçant les sous-entendus du bourgmestre d’Echternach (CSV) visant à l’atteindre à travers ses parents.

Droite dans ses bottes, la ministre de l’Environnement ne compte donc pas se laisser impressionner par les remous des derniers jours. Elle défendra de nouveau sa position en commission parlementaire la semaine prochaine.

Mise à jour du 1er octobre à 9h35 : Les agents du ministère de l'Environnement ont confirmé à la presse que M. Traversini avait déposé la semaine dernière une demande d'autorisation pour démolir l'abri de jardin au coeur du scandale.