Le CEO de Proximus Luxembourg, Gérard Hoffmann, et le CEO de LuxConnect, Paul Konsbruck, au moment de dévoiler l’identité visuelle de la joint-venture qui commercialisera le cloud souverain et déconnecté. (Photo: Maison Moderne)

Le CEO de Proximus Luxembourg, Gérard Hoffmann, et le CEO de LuxConnect, Paul Konsbruck, au moment de dévoiler l’identité visuelle de la joint-venture qui commercialisera le cloud souverain et déconnecté. (Photo: Maison Moderne)

Ce mercredi soir aux Rotondes, en présence du Premier ministre, Xavier Bettel (DP), personnellement impliqué, Proximus et LuxConnect ont officialisé leur joint-venture: Clarence, qui utilisera la technologie de Google Cloud pour proposer le premier cloud souverain et déconnecté d’Europe.

L’Europe, droguée aux technologies américaines depuis toujours, a-t-elle une chance de récupérer le contrôle de sa vie numérique? À quel prix? Le règlement européen sur la protection des données a été une claque aux stones consentants, qui ont ouvert les yeux après avoir longtemps ouvert porte-monnaie ou accès libre à leurs données. Comme ce voyageur un peu distrait qui surprendrait un pickpocket la main dans son sac. Jusqu’au matin de ce mercredi 25 octobre, quelques-uns de ces «pickpockets» ont essayé de s’en sortir en annonçant le lancement d’un «cloud souverain». Amazon Web Services, qui a rendu publique une initiative en Allemagne ce mercredi, Oracle en juin dernier et Microsoft en juin 2022 pour certains clients.

Trois versions qui ont été à peine égratignées, sens de la diplomatie oblige, par le Premier ministre, (DP), dans une de ses dernières apparitions publiques en cette qualité. «Les autres disent qu’ils conservent les données dans leurs centres de données en Europe…» Le geste qui accompagne la phrase dit combien il est difficile de s’assurer qu’elles ne fileront pas aux États-Unis. «Nous, nous stockons tout au Luxembourg. Nous avons besoin de la transparence, de la sécurité, de la confiance. Les gens croient dans le gouvernement, qui conserve beaucoup de leurs données personnelles. Vous ne pouvez pas jouer avec la confiance des citoyens. Surtout avec ces données si sensibles.»

La technologie Google sans Google

Car ce mercredi soir, aux Rotondes, le Luxembourg a annoncé son plan pour couper la main des «pickpockets»: au Luxembourg, le stockage des données (chez LuxConnect); au Luxembourg, l’opérationnel et la maintenance de la technologie de Google (via Proximus); au Luxembourg, la formation aux technologies de Google Cloud.

«C’est comme si Google nous avait donné toute la technologie et les clés pour faire tout fonctionner», murmure un expert. Même si Google a dépêché à Luxembourg son managing director Benelux, Joris Schoonis, et son VP Emea South Google Cloud, Anthony Cirot, le géant joue profil bas. «C’est la première fois que nous allons déployer cette technologie en dehors de nous», assure d’ailleurs M. Cirot sur scène. «Je suis content de voir un pays comme le Luxembourg aux avant-postes.»

 «Vous savez», glisse-t-il comme une anecdote qui en dit long. «À la fin de l’été, dans une conférence à San Francisco, le directeur de Google Cloud a mis le Luxembourg sur la carte. C’était juste fantastique de voir cela devant des centaines de milliers de personnes!» Le petit Luxembourg sur la carte du géant. Sur l’estrade, tout ce que le pays compte de décideurs dans la technologie, des avocats, le régulateur financier, les opérateurs de télécommunication, les dirigeants des centres de recherche, quelques invités triés sur le volet de la Fédil ou de la Commune de Luxembourg, boit du petit lait.

La contraction de «clarity» et «transparence»

Le premier cloud souverain déconnecté est né ce soir aux Rotondes. Il s’appelle Clarence – la contraction de «clarity» et «transparence» – pour la joint-venture de Proximus et de LuxConnect. Il aura fallu pour en arriver là l’imagination débordante de (qui avait imaginé LuxConnect en 2006), celles de ceux qui ont créé une infrastructure de connectivité de premier plan réunie autour du LuCix, les discussions de , le CEO de Proximus Luxembourg il y a trois ans… et la volonté du Premier ministre, rappelée par celui qui a travaillé dans son ombre pendant huit ans.

Alors que la partie officielle était officiellement terminée, le CEO de LuxConnect, , est en effet revenu sur scène deux minutes en déployant trois feuilles de papier. Un hommage appuyé à l’engagement de M. Bettel assis au premier rang, au côté de la vice-Première ministre belge et ministre de la Fonction publique, des Entreprises publiques, des Télécommunications et de la Poste, Petra De Sutter, et du CEO de Proximus, Guillaume Boutin. «Tout est venu de votre visite chez Google à Mountain View il y a six mois», s’enflamme-t-il. «Tout le monde chez Google sait où est le Luxembourg et qui est le Premier ministre. Vous avez combattu pour le succès de cette initiative!»

Le succès viendra en réalité de l’adoption de cette proposition de valeur unique en Europe, qui vient en complément des e-embassy. Le marché est-il prêt à imaginer protéger ses données de toute ingérence extérieure avec Clarence? La notion de cloud souverain est tellement galvaudée que même l’ajout de «déconnecté» a laissé les spectateurs assez partagés. «On verra», disent les uns. «Si cela répond à nos besoins», répond un autre.