Luxembourg-ville concentre à elle seule 28% du nombre total de frontaliers du pays, soit 62.295 personnes. (Photo: Shutterstock)

Luxembourg-ville concentre à elle seule 28% du nombre total de frontaliers du pays, soit 62.295 personnes. (Photo: Shutterstock)

Dans quelles communes les frontaliers viennent-ils travailler, où résident les actifs résidant à l’étranger et travaillant au Luxembourg, quelle est la distance moyenne domicile-travail des actifs du Luxembourg? Une enquête menée par le Liser fait le point sur ces questions.

«Le Statec publie régulièrement des données avec les chiffres de l’emploi du pays, ou le recensement de la population. Mais ce que nous avons voulu faire avec cette publication, c’est apporter une vraie réponse sur la notion d’aménagement du territoire. C’est la première fois que l’on utilise à la fois les données de l’Administration des contributions directes, du Statec et du DATer (Département de l’aménagement du territoire)», annonce Frédéric Durand, chercheur au Liser au sein du département Développement urbain et mobilité, qui publie «L’Emploi des actifs occupés au Luxembourg», présentée ce lundi 12 mai à la presse, dernier numéro de la série «Des cartes et des chiffres» du DATer dans le cadre des travaux de l’Observatoire du développement territorial. Un observatoire qui a d’ailleurs changé de nom et qui s’appelait auparavant Observatoire du développement spatial.

«Nous avons eu accès à une information détaillée, spatiale. Nous sommes descendus à une échelle municipale. C’est un travail sur quasiment six mois que nous avons réalisé à trois chercheurs du Liser, en sus de nos autres travaux de recherche quotidiens», poursuit Antoine Decoville, chercheur au sein du département Développement urbain et mobilité. «C’est un fichier de 500.000 personnes, datant de 2023, qu’il a fallu nettoyer, mettre dans un système géographique. Seul petit bémol, nous n’avons pas pu analyser la situation des quelque 15.000 fonctionnaires internationaux et européens, étant donné qu’ils ne sont pas comptabilisés dans les données de l’Administration des contributions.»

Une croissance de 44% du nombre d’emplois en 13 ans

Parmi les principaux résultats de cette publication, on apprend par exemple que le Luxembourg est le champion d’Europe du nombre d’emplois par habitant. «La très forte croissance observée du nombre d’emplois dans le pays a été encore plus rapide que la croissance du nombre d’habitants en valeurs relatives. La croissance du nombre d’emplois a été de 44% en seulement 13 ans. Le ratio emploi par résident est même de 1,22 pour l’agglomération de Luxembourg-ville (qui couvre dix communes dont la capitale du pays, mais aussi Bertrange, Leudelange ou encore Niederanven) pour 251.680 emplois, soit plus de la moitié des emplois du pays, dont 42,10% sont occupés par des frontaliers», ajoute Antoine Decoville.

Luxembourg-ville concentre à elle seule 28% du nombre total de frontaliers du pays, soit 62.295 personnes. À titre d’exemple, la région Sud concentre 91.225 emplois, soit un ratio de 0,50 emploi par résident, «dans la moyenne européenne», mais 50,45% des emplois sont occupés par des frontaliers. Dans la Nordstad, 15.275 emplois sont recensés, soit un ratio de 0,62 et 22,57% des emplois sont occupés par des frontaliers.

70% des résidents de Luxembourg-ville y travaillent

La Ville de Luxembourg est la commune présentant la plus forte part des actifs occupés dans leur commune de résidence, avec près de sept personnes sur dix. Cela s’explique par la très forte concentration de l’emploi dans la capitale. Elle se démarque radicalement des autres communes du pays, puisque seules six communes ont un taux supérieur à la moyenne nationale (24,3%): il s’agit de Wiltz, Echternach, Vianden, Weiswampach, Esch-sur-Alzette et Clervaux, qui ont un taux de résidents actifs occupés vivant et travaillant dans la commune, situé entre 25 et 30%, bien loin des 70% de Luxembourg-ville.

En 2023, le pays comptait 216.522 travailleurs frontaliers et 18.343 travailleurs déclarés à l’étranger, soit 47% du total des emplois. «Ces travailleurs déclarés à l’étranger sont soit des futurs résidents ou des futurs frontaliers qui n’ont pas encore régularisé leur situation, soit des personnes qui viennent ponctuellement travailler au Luxembourg», analyse Valérie Feltgen.

Un peu plus d’un résident sur deux réside en France et plus précisément, les principaux pôles émetteurs sont la communauté d’agglomération de Thionville (18.000 actifs occupés), de Longwy (14.891), du Val de Fensch (11.801) et la communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette (10.137). Trèves recense de son côté 10.346 actifs occupés.

Réduire le besoin de déplacement

Les chercheurs ont analysé les distances moyennes domicile-travail des actifs occupés en 2023, «en nous basant uniquement sur des simulations de trajets en voiture, donc avec des kilomètres théoriques, en nous basant sur le lieu de résidence et celui de travail», note Antoine Decoville. «Les frontaliers couvrent des distances presque trois fois plus importantes, en moyenne, que les habitants du Luxembourg. Pour les travailleurs résidant en Allemagne, la distance moyenne est de 48 kilomètres, pour ceux de Belgique elle est de 53,9 kilomètres, pour ceux de France elle est de 44,7 kilomètres et pour les résidents du Luxembourg elle est de 16,7 kilomètres, soit une moyenne pour l’ensemble des 481.638 travailleurs recensés en 2023, de 30,6 kilomètres par trajet.» Soit 61,2 kilomètres hypothétiques pour un aller-retour.

Une des conclusions apportées par l’équipe du Liser est de «réduire le besoin de déplacement en favorisant le télétravail ou en créant des espaces de coworking, de promouvoir la mixité fonctionnelle dans les nouveaux quartiers pour permettre de vivre et travailler à proximité l’un de l’autre, ou encore de relocaliser les emplois qui peuvent s’y prêter (notamment les emplois publics) dans les centres urbains secondaires, pour soulager la pression sur la capitale», explique Frédéric Durand.