Au premier trimestre, plus de 100.000 femmes ont recommencé à travailler, encouragées par la flexibilité qu’apporte la nouvelle stratégie irlandaise. (Photo: Shutterstock)

Au premier trimestre, plus de 100.000 femmes ont recommencé à travailler, encouragées par la flexibilité qu’apporte la nouvelle stratégie irlandaise. (Photo: Shutterstock)

Sans même attendre la fin de la pandémie, l’Irlande a déployé une stratégie nationale sur le télétravail dès janvier 2021: droit de l’obtenir, hubs, abattement fiscal composent un cadre… qui donne déjà des résultats.

N’en déplaise aux grincheux qui diront directement que l’Irlande est entourée d’eau, que le Luxembourg compose avec plus de 200.000 frontaliers venus de ses trois pays voisins, le gouvernement irlandais n’a pas traîné pour lancer, dès le 15 janvier 2021, une stratégie nationale du télétravail.

La «» s’articule en cinq points, dont certains sont encore en cours de déploiement, commente un porte-parole du Premier ministre irlandais:

- un droit à demander à télétravailler sera «offert» aux salariés. La loi devrait être adoptée d’ici la fin de l’année. Une discussion porte sur le moment auquel le salarié pourra le demander: 26 semaines dans le projet de loi, 12 semaines pour des organisations paritaires;

- un droit à la déconnexion est en place depuis avril 2021;

- le gouvernement a lancé une plateforme de hubs de télétravail, où les salariés peuvent trouver un emplacement d’où travailler et pour lequel ils bénéficient d’un bon de trois jours d’essai gratuits pour les premiers 10.000 télétravailleurs jusqu’à fin août 2022: ;

- le gouvernement s’est fixé pour ambition de parvenir à 20% de télétravail dans le secteur public. Un cadre à l’intention des autorités a été publié en mars;

- le budget 2022 prévoit un abattement fiscal de 30% des frais de chauffage, d’électricité et liés aux besoins de connectivité.

100.000 femmes reprennent le travail

À la différence de tant d’autres initiatives dont l’impact n’est jamais mesuré avant que l’on s’interroge sur l’argent qui y est investi, le gouvernement irlandais a décidé de placer directement cette stratégie sous surveillance.

En mai dernier, . Il dit que:

- 8% des hommes et 6% des femmes télétravaillaient avant la pandémie; ils sont 28% pour les hommes et 28% pour les femmes aujourd’hui;

- la productivité en mode «télétravail» augmente. Une autre étude montre ainsi que le télétravailleur utilise 60% de son temps de transfert domicile-bureau pour travailler;

- le télétravail est plus inclusif pour les salariés en situation de handicap, domaine où l’Irlande avait jusqu’ici le quatrième plus mauvais chiffre européen (36% de ces salariés télétravaillent);

- le télétravail booste la demande immobilière dans des zones rurales, abandonnées au fil du temps en raison de l’augmentation de l’activité dans les villes, d’autant qu’il s’accompagne de deux autres stratégies en faveur du développement régional, dont le Regional Enterprise Plan 2024 pour que les entreprises s’implantent durablement dans ces zones;

- le télétravail a permis d’éviter l’émission de 164.000 tonnes de CO2, pour une valeur supérieure à 7,6 millions d’euros;

- les surcoûts de chauffage et d’électricité sont de 79 euros et 30 euros, mais le salarié économise en moyenne 413 euros liés à ses déplacements. Le salarié gagne 93 heures en moyenne annuelle, estimées à une valeur de 1.103 euros;

- les entreprises peuvent économiser jusqu’à 1.492 euros par employé, dans le coût d’achat ou de location de bureaux, soit près de 25% d’économies;

- plus de 100.000 femmes ont recommencé à travailler au premier trimestre 2022, soit 1,2 million au total;

- l’impact de l’abattement fiscal et des mesures est encore un peu dans le flou, mais le coût de la stratégie est estimé à 110 millions d’euros pour 2022.

En juin, le taux de chômage était historiquement parmi les plus faibles de l’histoire irlandaise, à 4,8% pour 72,8% de taux d’emploi (record à 73%).

Des difficultés subsistent

Tout n’est pas rose pour autant et ça n’a rien de surprenant. Les entreprises sont au milieu du gué, note , une ONG dédiée à l’accompagnement des entreprises dans ces nouveaux modèles: après la phase de télétravail obligatoire liée à la pandémie, les entreprises ont du mal à changer de modèle et devraient aller vers l’un ou vers l’autre dans les mois à venir, dit sa cofondatrice. Dans beaucoup d’entreprises, il ne s’agit pas de basculer d’un modèle à l’autre du jour au lendemain.

Cette hésitation est en partie gommée par la publication de 20% d’offres d’emploi en télétravail, selon Linkedin Irlande. 71% des entreprises comptent recruter dans les six mois à venir, et 79% investir plus massivement dans la transformation de leur business, selon le Labour Market Pulse, réalisé avec l’IDA (l’agence irlandaise de promotion économique), Facebook et Linkedin.


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, ses sociétés membres ont créé près de 17.000 postes de plus l’an dernier, à 275.384 dont 55% à Dublin, et suscité 249 investissements, dont 133 en dehors de la capitale. Pourtant, comme les postes disponibles dépassent le nombre de candidats, ceux-ci font monter les enchères.

Dans le secteur technologique, selon une étude du cabinet de recrutement Morgan McKinley, 51% des candidats refusent les offres qui ne leur permettraient pas en théorie de travailler complètement à domicile. Du côté des employeurs, ils refusent encore, pour beaucoup, de considérer des candidats qui n’habitent pas dans la région de l’entreprise, pour éviter que la pénurie de logements n’empêche leurs futurs salariés de devoir habiter trop loin.