À quelques semaines de la manifestation unitaire prévue le 28 juin, et alors que la table ronde sociale promise le 14 janvier dernier par Luc Frieden a disparu des radars, l’OGBL et le LCGB ont vivement critiqué l’action du gouvernement, appelant à l’union dans la lutte — sans toutefois définir clairement les contours d’une action commune.
Premier à monter au front, le président national du LCGB, , s’est adressé à ses membres réunis à Remich. Il a dénoncé un gouvernement accusé d’attaquer les syndicats et de vouloir démanteler le modèle social luxembourgeois, fondé selon lui sur quatre piliers: les négociations tripartites, les conventions collectives, les pensions et la sécurité sociale.
Patrick Dury déplore une alliance entre le gouvernement et le patronat, conclue au détriment des salariés du secteur privé. Il appelle à la mobilisation et à une collaboration renforcée entre le LCGB et l’OGBL pour défendre les acquis sociaux, n’excluant pas, en dernier recours, le recours à une grève générale.
L’un des points de friction majeurs concerne la volonté d’ouvrir aux délégations dites «neutres» – que Patrick Dury qualifie de délégations patronales – le droit de négocier et de signer des conventions collectives. Une réforme qui, selon lui, priverait les syndicats représentatifs comme le LCGB et l’OGBL de leviers «essentiels» dans le rapport de force avec le patronat. «Il s’agit ni plus ni moins de renverser complètement l’équilibre des forces dans l’entreprise», a-t-il martelé.
Le leader du LCGB a également critiqué la manière dont la directive européenne sur les salaires minimaux adéquats est en passe d’être transposée, estimant qu’elle ne fera qu’aggraver la situation actuelle. Pour lui, en agissant ainsi, le gouvernement tourne le dos aux syndicats et enterre le modèle social luxembourgeois.
Un enterrement qui, selon Patrick Dury, ouvre la voie à une flexibilisation accrue du temps de travail, à une remise en question des salaires et à une réduction des pensions. Trois dossiers sur lesquels il a réaffirmé fermement les positions du LCGB : «le refus d’une déréglementation et d’une flexibilisation à la Donald Trump».
Pour ce qui est de la réforme des retraites, il accuse le gouvernement et le patronat de susciter un effet de panique pour imposer des solutions qui entraîneront une réduction «substantielle» des pensions, une «solution inacceptable pour les syndicats». Comme lors du, a essuyé un feu nourri de critiques: «Une ministre qui, aujourd’hui encore, ne peut ou ne veut pas dire quelle sera la politique du gouvernement dans un dossier aussi crucial que celui des retraites doit se demander si elle ne se moque pas éhontément des salariés du secteur privé et de leurs représentants… Une ministre qui s’est jusqu’à présent fait remarquer dans la presse par ses déclarations populistes et peu réfléchies sur le sujet des pensions.»
La question de l’égalité de traitement entre la fonction publique et le secteur privé se pose dans notre pays.
Si la CGFP n’organise traditionnellement pas de manifestation la 1er mai les fonctionnaires ont été très présents dans le discours de Patrick Dury. Revenant sur , il a fait le parallèle entre ce bon accord et les réticences du gouvernement à négocier avec les syndicats. «Sur le fond, la question de l’égalité de traitement entre la fonction publique et le secteur privé se pose dans notre pays», a-t-il commenté en ajoutant que «le gouvernement ne mène pas cette politique par responsabilité envers le pays, mais pour s’arranger avec la fonction publique. Ce qui compte, ce sont les élections, et la politique du gouvernement est définie en fonction de considérations électorales». Et il a demandé le droit de vote aux élections législatives pour tous les habitants de ce pays. «Peut-être alors notre Chambre des députés sera-t-elle à nouveau élue par un plus grand nombre de personnes, à l’instar de la Chambre des salariés, qui est aujourd’hui la seule instance capable de représenter l’ensemble des salariés et des retraités du secteur privé.»
Pour Patrick Dury, le gouvernement et ses collègues de l’UEL sont en train de mettre en place une politique qui mènera inévitablement à une confrontation frontale avec les syndicats. Il est loin l’esprit sinon de concorde, mais d’écoute qui prévalait suite à la réception de Nora Back et de Patrick Dury par Luc Frieden pour discuter de l’amélioration du dialogue social.
, mais pour quoi faire et surtout, pour aller jusqu’où? Une manifestation unitaire et nationale est prévue le 28 juin. Cela suffira-t-il pour infléchir la politique du gouvernement? Si celui-ci ne faisait pas machine arrière, Patrick Dury n’exclut pas un conflit social dur et «si nécessaire, une grève générale».
Quelques minutes plus tard, , la secrétaire générale de l’OGBL prenait la parole depuis l’Abbaye de Neumunster où l’OGBL a coutume des réunir pour célébrer la fête du Travail depuis 19 ans. Et si elle s’est montrée tout aussi remontée et combative que Patrick Dury, elle est restée plus réservée sur les questions de l’égalité de traitement entre la fonction publique et le secteur privé ainsi que sur la possibilité sinon d’un conflit social d’un appel à la grève générale.
Arrêtez avec cette politique gouvernementale!
Elle a cependant souligné la proximité entre les deux syndicats. «Si nos collègues du LCGB ont leur propre célébration aujourd’hui à Remich, nous sommes très proches par la pensée.» Elle a longuement insisté, tout comme Patrick Dury, sur la nécessité de la solidarité syndicale entre l’OGBL et le LCGB. Une solidarité qui se manifestera physiquement lors de la manifestation unitaire du 28 juin prochain «pour défendre les conventions collectives, les conditions de travail, le droit de grève, la santé au travail, l’industrie, le service public, la justice fiscale, l’égalité entre résidents et frontaliers, les retraites, le droit au logement, la protection de l’environnement, les droits humains et le droit de manifester».
Elle a fermement critiqué la politique sociale de , accusant le gouvernement de vouloir affaiblir les droits des travailleurs et le dialogue social. «Arrêtez avec cette politique gouvernementale! Nous avons maintenant besoin de plus de démocratie, de plus de justice sociale, de plus de solidarité. Et c’est aussi ce que représente notre 1er Mai», a-t-elle lancé à l’intention du Premier ministre.
Elle a tracé à son intention les différentes lignes rouges à ne pas franchir — des lignes rouges identiques à celles du LCGB — à savoir: toute réforme de la législation sur les conventions collectives qui affaiblirait les syndicats nationaux, seuls habilités à les négocier ; toute modification des règles relatives au temps de travail; l’introduction d’un jour de carence pour les arrêts maladie; et une réforme des pensions qui viserait à réduire les prestations plutôt qu’à augmenter les cotisations.
Et elle a donné rendez-vous au 28 juin.