Tôt le matin, alors que les premiers passagers ne sont pas encore arrivés, c’est déjà l’effervescence sur le bateau Princesse Marie-Astrid, exploité par L’Entente touristique de la Moselle luxembourgeoise, l’asbl qui fédère sept communes des bords de la Moselle: Wasserbillig, Grevenmacher, Wormeldange, Stadtbredimus, Remich, Mondorf-les-Bains et Schengen.
Autant de communes qui voient s’arrêter, presque chaque jour de la semaine, entre fin mars et octobre, le Princesse Marie-Astrid et ses 60 mètres de long. Le nom du bateau est connu, sur le plan historique, puisque c’est à bord du «Princesse Marie-Astrid de l’époque» qu’ont été signés les accords de Schengen, le 14 juin 1985. Mais d’autres bateaux du même nom lui ont succédé, et les croisières du Princesse Marie-Astrid sont proposées depuis une cinquantaine d’années. «À l’époque, sur le premier bateau, c’était seulement de la petite cuisine. Aujourd’hui, nous sommes sur le cinquième, construit en 2010», précise la membre de l’équipe d’administration de l’Entente touristique, Myriam Schwartz.
Le Princesse Marie-Astrid est un symbole, et nous tenons à ce qu’il reste un emblème de notre région.
Chaque jour, sur le quai d’accostage de Grevenmacher, il faut réceptionner les produits frais livrés par La Provençale, et qui seront préparés le midi même, dans les cuisines du bateau. Des produits locaux dans leur grande majorité. Un point d’honneur pour le directeur de l’Entente Touristique de la Moselle luxembourgeoise, Mehdi Ksouri.
«Le Princesse Marie-Astrid est un symbole, et nous tenons à ce qu’il reste un emblème de notre région. C’est aussi pour cela que nous utilisons plus de 90% de produits locaux, que ce soit le lait, les légumes, les vins… Ainsi, nous avons aussi un impact sur l’économie locale. Le tout avec des tarifs qui sont abordables par rapport à certains restaurants gastronomiques», explique le directeur pour qui la formule du succès, et de la longévité, repose sur «de la bonne cuisine, un bon service, une bonne vitrine du terroir et une belle cohésion au sein de l’équipe». Une équipe composée de vingt personnes, où plusieurs nationalités se côtoient, avec des anciens, comme le responsable de salle Joao Santos ou le sous-chef en cuisine, José Martins.
Et le concept plait. En 2023, le bateau a accueilli à bord 32.000 passagers entre mars et décembre, venus en majorité de la Grande Région. «Nous accueillons aussi des groupes, venant avec des cars touristiques, mais aussi des résidents de maisons de soins par exemple», pour qui cette virée à bord représente une vraie bouffée d’air frais, selon Myriam Schwartz. «Moi, je venais déjà sur le bateau quand j’étais petite. Et je sais que pour beaucoup de gens il y a une émotion de revenir», confie-t-elle.
Des circuits réguliers entre fin mars et octobre
L’Entente touristique de la Moselle luxembourgeoise propose ainsi des circuits réguliers certains jours de la semaine jusqu’en octobre, mais aussi des journées ou soirées à thèmes jusqu’au mois de décembre. La prochaine aura lieu le 7 septembre à l’occasion de la Fête du vin. L’embarquement se fera dès 19h, avec un feu d’artifice aux alentours de 22h et un repas à bord. L’Oktoberfest, la fête des Pères, et les marchés de Noël de Sarrebourg et Trèves seront aussi l’occasion de faire monter des passagers à bord.
L’offre a aussi évolué et depuis quelques années, il est possible de privatiser le bateau, «pour des réunions d’entreprises ou des mariages par exemple. Nous avons déjà environ 15-20 réservations pour l’an prochain», glisse Myriam Scwhartz. «Nous nous sommes bien remis de la période du coronavirus, l’objectif est maintenant de garder ce cap, avec une offre et une qualité qui soient constantes», ajoute le directeur.
Sur le quai et à bord, la logistique et l’organisation sont un défi de chaque jour. «Faire circuler un bateau comme celui-ci implique une grande organisation. Il y a le bateau en lui-même et tous les aspects techniques, mais aussi l’accueil et la restauration. Par exemple, pour le repas, nous avons deux heures pour réaliser un service de qualité. Donc tout est pensé au millimètre, car nous devons toujours travailler sur des temps courts afin d’arriver à l’heure à quai, avoir le temps de faire monter les passagers et repartir pour passer les écluses à l’heure prévue. Nous avons la priorité pour les passer, mais si nous sommes en retard, nous ne sommes plus prioritaires», détaille le directeur.
La navigation du Marie-Astrid dépend aussi fortement de son environnement. «En mai, nous avons dû annuler certaines sorties à cause des inondations», indique Myriam Schwartz. Des aléas auxquels l’équipe du bateau riche d’une panoplie de savoir-faire (cuisiniers, serveurs, techniciens, capitaine…) cherche constamment à s’adapter. Depuis 2006 par exemple, le Princesse Marie-Astrid a changé de quai d’accostage. L’actuel est désormais équipé d’un ponton hydraulique dont la hauteur peut s’adapter au niveau de l’eau. L’équipage est ainsi moins tributaire du niveau d’eau pour faire monter ses passagers à bord.
Comme un air de vacances
Quelques minutes avant le départ, il est l’heure pour les passagers d’embarquer. À l’étage, dans sa cabine, le capitaine Jürgen Emmes, 14 ans de service, est prêt pour le départ. À l’entrée du bateau, les yeux sont attirés de toutes parts. Vers les blasons colorés juste à l’entrée, un pour chaque commune qui forment L’Entente touristique de la Moselle. Puis à gauche, à droite, où des tables pour déjeuner sont minutieusement dressées. Le cadre est luxueux, et les fenêtres laissent entrer une belle lumière naturelle et entrevoir les reflets du soleil sur l’eau. À l’étage, d’autres tables sont dressées, donnant une vue plongeante sur la salle inférieure. Derrière le bar lui aussi à l’étage, deux portes permettent d’accéder à l’arrière du bateau où une petite terrasse est installée, avant quelques escaliers qui mène à la terrasse centrale, presque aussi longue que le bateau. Certains s’y dirigent spontanément après être montés à bord. «C’est vraiment les vacances!», nous glisse un passager.
À l’intérieur, certains ont déjà commandé pour déjeuner. Pour les groupes ou lors des croisières du dimanche, des menus sont proposés. Mais pour les autres jours de la semaine, les clients ont le choix entre plusieurs propositions figurant à la carte. Une carte qui change chaque mois, toujours avec la part belle aux produits locaux: filet de bœuf sur sa gromperekichelcher et légumes de saison pour les viandards, des bouchées à la reine, du curry de veau, ou du saumon sauté, et même des lasagnes végétariennes, à des tarifs pas plus élevés que ceux de certains restaurants de la capitale. Il est aussi possible de prendre un verre au bar, ou en terrasse.
À bord du bateau, on voit la Moselle et les paysages avec une tout autre perspective.
Le jeudi, le Princesse Marie Astrid part de Wasserbilig à 11h pour arriver à Schengen à 15h10, avant de refaire le chemin dans le sens inverse avec un terminus à Grevenmacher à 18h. Il passe entre temps par Grevenmacher, Wormeldange, Stadtbredimus, Remich et Bech-Kleinmacher. Autant de paysages typiques à découvrir, entre vignes, villages, collines et forêts, dans une certaine quiétude. «À bord du bateau, on voit la Moselle et les paysages avec une tout autre perspective, c’est très calme, il y a très peu de bruit», fait remarquer Mehdi Ksouri. Pour rallier Wasserbillig à Schengen, avec une escale dans chacune des communes de l’Entente, il faut compter environ quatre heures.