Raphaël Zumsteeg a pris ses fonctions d’administrateur à la direction de la Société du port de Mertert en août 2022.  (Photo: Ministère de la Mobilité)

Raphaël Zumsteeg a pris ses fonctions d’administrateur à la direction de la Société du port de Mertert en août 2022.  (Photo: Ministère de la Mobilité)

Chaque vendredi du mois d’août, embarquons à la découverte de l’écosystème qui s’est développé autour de la rivière de la Moselle. Pour ce premier volet, rencontre avec le directeur de la Société du port de Mertert, Raphaël Zumsteeg, fin connaisseur des enjeux de mobilité et d’intermodalité.

Née dans le même temps que la création du port, la Société du port de Mertert est le gestionnaire du port qui repose sur un système de transport trimodal. Ce grâce à la canalisation de la Moselle, dont les travaux se sont terminés en 1964 et qui a permis de développer le transport fluvial sur la rivière. Aujourd’hui, le port de Mertert se positionne comme un incontournable, à l’heure où le changement climatique va rebattre les cartes du transport de marchandises en Europe, et dans le monde! 

Raphaël Zumsteeg, vous êtes un fin connaisseur du milieu des transports, vous êtes notamment chargé de la direction des chemins de fer au ministère de la Mobilité et des Travaux publics. En quoi votre expérience dans le domaine du ferroviaire est-elle un atout pour le port?

Raphaël Zumsteeg. – «Mon expérience dans le ferroviaire, accumulée depuis le milieu des années 2000, m’a permis d’avoir une bonne connaissance du réseau ferré luxembourgeois: chaque ligne ferroviaire, chaque gare et arrêt, ainsi que la plupart des installations techniques nécessaires au chemin de fer. J’ai été rendu attentif très rapidement à la nécessité d’investir dans l’infrastructure afin de développer le réseau et de le maintenir en parfait état pour une exploitation sécurisée des trains de voyageurs et de marchandises. Mais au-delà de ces aspects techniques, j’ai eu la chance de pouvoir travailler sur de nombreux projets transversaux qui ont nécessité de côtoyer des administrations comme l’Administration des ponts et chaussées, la plupart des communes où le chemin de fer circule, mais aussi les acteurs du site du port de Mertert pour la réalisation de différents projets ferroviaires. En effet, le port de Mertert est une plateforme trimodale qui est non seulement connectée à la Moselle, mais aussi au réseau ferré européen. Ce sont ces relations qui représentent maintenant un atout pour le port de Mertert, car non seulement je connais les installations ferroviaires du port, mais je connais également la plupart des acteurs qui ont la charge de l’exploitation, de l’entretien de l’infrastructure et du développement du port de Mertert.

Combien de manutentionnaires portuaires opèrent actuellement sur le site? Quelles sont leurs activités?

«Il y a aujourd’hui deux exploitants principaux qui sont les sociétés Luxport et Tanklux. La société Luxport exploite la darse du port et la grande partie du port côté Mertert. Son activité est principalement orientée vers les produits sidérurgiques, mais elle s’est aussi diversifiée avec le transport de produits agricoles, de containers, etc. De l’autre côté du site, la société Tanklux, qui, comme son nom l’indique, exploite un site de réservoirs pour produits pétroliers, est aujourd’hui une véritable porte d’entrée pour l’alimentation du pays pour ce type de produits. Elle dispose d’un quai sur la berge de la Moselle pour le transbordement de ces produits.

Quels sont les grands défis auxquels est actuellement confrontée la Société du port de Mertert?

«La Société du port de Mertert est ce que j’appellerais le ‘gestionnaire’ du port. Nous n’avons pas la charge de l’exploitation proprement dite, mais nous garantissons une gestion en ‘bon père de famille’ des installations du port afin que les exploitants puissent développer leurs affaires aussi bien par les voies navigables que par le chemin de fer et la route. De mon point de vue, l’un des grands défis à long terme est lié au changement climatique et à la bonne gestion des cours d’eau, voire des fleuves, afin de garantir que les barges puissent naviguer même en période de sécheresse. Un autre grand défi est lié aux emprises du port, qui sont limitées par les quatre côtés sans possibilité d’extension de l’activité. C’est la raison pour laquelle il faudra redoubler d’ingéniosité afin d’optimiser l’utilisation des surfaces de stockage et leur utilisation.

7% du volume total de marchandises du pays est acheminé par voie fluviale: en l’état actuel, le port ne serait donc pas en capacité d’augmenter cette part dans les années à venir?

«Si, le port a encore du potentiel. Alors même que la surface est limitée, il y a des solutions logistiques alternatives qui pourront se mettre en place, comme des hubs dans ‘l’arrière-pays’ qui seront connectés au port. La digitalisation pourra jouer un rôle important dans ces solutions afin d’optimiser les chaînes logistiques et de livrer les marchandises ‘just in time’. L’entreposage va également être un sujet important pour le futur afin de réduire la dépendance du Luxembourg par rapport aux pays voisins.

Le camion ne va pas disparaître de nos routes, car ni le rail ni le fluvial n’auront jamais la flexibilité et la facilité d’accès que le routier possède.
Raphaël Zumsteeg

Raphaël ZumsteegCEOSociété du port de Mertert

Comment parvenir, selon vous, à rendre le transport fluvial plus compétitif que le transport routier? Est-ce même possible et réalisable?

«La question n’est pas de rendre l’un des modes de transport plus compétitif, mais de rendre toute la chaîne logistique plus compétitive. Le camion ne va pas disparaître de nos routes, car ni le rail ni le fluvial n’auront jamais la flexibilité et la facilité d’accès que le routier possède. Cependant, nous devons travailler sur les flux réguliers et conséquents à moyenne et grande distance et faire en sorte que le fluvial et le rail puissent devenir des maillons privilégiés de la chaîne logistique. Pour atteindre cet objectif, les hubs vont gagner en importance et le camion restera la solution pour les first et last miles.

Quels ont été les principaux investissements réalisés ces cinq dernières années?

«Les investissements principaux réalisés par l’État ces dernières années ont notamment porté sur des travaux d’infrastructure dans le cadre de l’extension du port au droit de la zone portuaire 2, le long de la route du Vin vers Mertert. Ces investissements ont permis à la Société du port de Mertert de construire des halls pour la location à de petites entreprises. ­Parmi les investissements, figurent aussi l’aménagement d’une aire de giration pour barges d’une longueur de 135m (travaux en cours d’exécution),­ une augmentation de la sécurité d’approvisionnement en eaux potables et d’incendie,­ une mise en conformité continue des réseaux d’assainissement des eaux pluviales et usées, et ­une modernisation des réseaux secs comprenant notamment une mise à niveau d’envergure du réseau d’alimentation électrique pour les années à venir et une extension du réseau de fibres optiques.

Quels sont les projets pour les années à venir pour le port et quels seront les investissements?

«Afin de maintenir le niveau de service actuel, des travaux d’entretien seront poursuivis par l’Administration des ponts et chaussées, ainsi que la remise en état des infrastructures qui s’imposent pour les prochaines années. Le cas échéant, il sera procédé à des adaptations afin de faire face à des exigences plus élevées dans le futur, telles que l’augmentation des charges par unité au sol afin de pouvoir stocker davantage. Ces travaux seront exécutés, comme dans le passé, en parallèle avec l’exploitation ininterrompue des activités du port et s’étaleront sur plusieurs années. Ces travaux concernent aussi bien les voies de circulation que les plateformes de stockage et les réseaux enterrés.

Il est également prévu de procéder à une réhabilitation du quai sud de la darse du port dans les prochaines années. En même temps, la mise à niveau de certaines installations ferroviaires sera réalisée par le gestionnaire de l’infrastructure des CFL afin que le rail puisse encore être développé davantage et devenir un véritable atout pour cette plateforme multimodale. Parmi les projets d’envergure, il y a encore lieu de mentionner des projets de compensation écologique, comme la renaturation de la Syre au droit du port de Mertert, avec l’aménagement d’une passe à poissons reliant la Moselle à la Syre.

Selon vous, à quoi ressemblera le transport fluvial du futur? Et le transport multimodal?

«Nous allons devoir aller vers une transition énergétique, comme tous les autres secteurs. Pour ce faire, les barges vont être optimisées au niveau du tirant d’eau et les engins vont être alimentés par du biodiesel dans un premier temps, puis par de l’électricité ou de l’hydrogène à plus long terme. Ce dernier carburant devra trouver sa place grâce à une production verte et je pense que le port de Mertert pourra jouer un rôle dans cette transition. La digitalisation va également jouer un rôle important afin de synchroniser les différents modes de transport permettant de créer des flux fluvial-rail-routier avec une offre de meilleure qualité et ainsi promouvoir le report modal vers le fluvial et le rail pour certains volumes bien ciblés.»