«Le chemin d’un alcoolique est très pernicieux, car on ne revient jamais en arrière», explique Johny Diderich. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

«Le chemin d’un alcoolique est très pernicieux, car on ne revient jamais en arrière», explique Johny Diderich. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Johny Diderich a connu la spirale néfaste de l’alcoolisme suite à des problèmes de sommeil. Sa détermination et le recours à des spécialistes lui ont permis de rompre cet engrenage.

«Entre 16 et 30 ans, j’ai fumé beaucoup de cannabis, introduit Johny Diderich. Mais une fois devenu papa, j’ai totalement arrêté. C’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à avoir des troubles du sommeil. Des insomnies qui me tenaient éveillé jusqu’à 4 ou 5h du matin.» C’est dans ce contexte que Johny commence à boire de la bière, car il s’aperçoit que l’alcool le détend et l’aide à trouver l’endormissement.

«Je buvais comme on prend un médicament. Pour me soulager. C’est aussi arrivé à un moment où ma relation avec ma compagne s’était détériorée. Par ailleurs, je suis un grand idéaliste et suis très engagé dans la vie associative. J’ai toujours plein de projets qui tournent dans ma tête pour essayer d’améliorer notre monde, et cela occupe beaucoup mon esprit.»

Avec quelques bières prises le soir devant la télé en regardant des séries, Johny parvient à la fois à calmer ces idées tournoyantes et s’endort avec moins de difficultés. «Je faisais tout de même attention à ne jamais boire quand j’avais la garde de mon fils. Je ne buvais donc pas tous les jours, mais quand je le pouvais, je n’hésitais pas à le faire. Ce n’était qu’une canette ou deux au début, puis c’est passé au six-pack en entier.»

Un besoin de changement

Mais il prend vite conscience que cela n’est pas une solution. «Je me suis rendu compte que j’avais une forte tendance à la dépendance: avec le cannabis quand j’étais jeune, puis avec l’alcool dans ma trentaine. De plus, j’ai un terrain familial avec des antécédents. Mon père était alcoolique, il en est mort, et ma mère boit aussi. Assez vite, j’ai voulu arrêter et je suis allé voir un psychologue pour m’aider, car il fallait que je gère mieux ma situation conflictuelle avec la mère de mon fils et mes problèmes de sommeil.»

Pendant plusieurs semaines, il suit une thérapie ambulante, qui porte ses fruits. Quand il parvient à ne pas boire pendant une certaine durée, Johny s’octroie des récompenses. «Cela a marché pendant un temps, explique-t-il. Mais mes insomnies étaient toujours là, et je me suis remis à boire. Un petit peu au début, puis de plus en plus.» Il se rend pourtant bien compte que le sommeil qu’il parvient à obtenir n’est pas un bon sommeil et qu’il abîme son corps en procédant ainsi. «Je me sentais quand même fatigué le matin, et j’avais des troubles psychiques liés à cette mauvaise santé, de nouvelles phobies, comme traverser un pont en voiture, ou doubler un camion sur l’autoroute. J’ai aussi eu des moments dépressifs. Cela était très perturbant.»

Il s’est également documenté sur le sujet et a pris conscience de sa dépendance. «Les critères de dépendance sont simples: la tolérance croissante aux quantités bues, la perte de contrôle pour parvenir à s’arrêter de boire, la présence de symptômes lors d’un sevrage, les pensées liées à l’alcool, l’envie compulsive de boire, et la consommation d’alcool même si on sait que cela nuit à sa santé. J’avais plus que trois critères dans mon cas!»

Le courage de dire stop

Après un an de consommation excessive, il parvient toutefois à trouver la force de dire stop, se tourne vers Quai 57, un service spécialisé dans les addictions, et part deux mois en Allemagne pour suivre une cure. «J’étais un cas léger par rapport à d’autres patients. Je ne me suis jamais caché pour boire et n’ai jamais bu jusqu’à en perdre la mémoire, par exemple. Mais j’avais cette envie au fond de moi de vivre sainement, de ne pas me laisser envahir par cette dépendance. C’est pour cela que j’ai pris les choses en main.»

Au cours de ces deux mois, Johny a pu se concentrer sur lui-même, participer à des groupes de parole, rencontrer des psychologues, aller à la piscine, faire de la méditation et du yoga. «Cet environnement m’a énormément aidé. J’ai commencé à retrouver le sommeil et à me détacher de mes idées alcoolisées, explique-t-il. Il faut savoir que le chemin d’un alcoolique est très pernicieux, car on ne revient jamais en arrière. Toutes les étapes que vous avez franchies, les limites que vous avez levées quand vous étiez alcoolique, ne reviennent pas à un stade zéro quand vous vous arrêtez. Vous repartez du niveau où vous vous êtes arrêté. C’est pour cela qu’un alcoolique, lorsqu’il décide de s’arrêter, n’a pas d’autre choix que de ne plus jamais boire. Il ne parviendra pas, à aucun moment, à seulement boire avec modération. La seule issue est l’abstinence totale.»

Malheureusement, moins d’un an après sa cure, Johny rencontre de nouveau des problèmes personnels et rechute. «C’est à ce moment-là que j’ai vraiment pris conscience que j’étais alcoolique», soutient-il. En 2019, il repart en cure. «En fait, 95% des personnes rechutent. Mon cas n’était pas extraordinaire.» À la sortie de sa deuxième cure, Johny s’inscrit dans un groupe de soutien, ce qu’il n’avait pas fait après sa première cure. «Le fait d’être encore encadré et suivi m’a beaucoup aidé. Aujourd’hui, je pense être tiré d’affaire et je suis abstinent total. Je ne mange même pas de tiramisu ou un Mon Chéri, par exemple. Je l’annonce même ouvertement quand on me propose de l’alcool à une réception. Je n’hésite pas à en parler et ai une attitude presque activiste, car je me dis que cela pourrait peut-être aider quelqu’un autour de moi qui aurait une consommation d’alcool excessive.»

Cet article a été rédigé pour  parue le 23 février 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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