Alexandre Gauthy est macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Degroof Petercam)

Alexandre Gauthy est macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Degroof Petercam)

Plusieurs pays européens, dont l’Allemagne en première position, ont annoncé une augmentation importante des dépenses dans la défense. La question sur le financement de ces ambitions se pose, dans un monde où l’endettement public est déjà élevé.

À la différence de la plupart des pays européens, l’Allemagne reste l’un des rares pays qui dispose encore d’une marge de manœuvre budgétaire significative. Pendant ce temps, d’autres pays européens sont plus contraints d’un point de vue budgétaire. Il est en effet difficile d’imaginer que la France et l’Italie, qui sont déjà visés par la procédure de déficit excédentaire de la Commission européenne, dépensent à tout va sans réduire d’autres types de dépenses publiques. Certains pays européens devront donc faire des compromis budgétaires difficiles s’ils veulent investir dans la défense. Explorons maintenant les canaux qui peuvent être utilisés pour financer ces nouvelles dépenses militaires en Europe.

La première source de financement la plus directe est à travers les budgets étatiques. Étant donné que certains États dépassent déjà les limites de déficit budgétaire fixées par les traités européens (ce qui est le cas de la France, de la Belgique et de l’Italie), l’Europe pourrait encore une fois faire une exception sur la règle de déficit budgétaire maximal autorisé de 3% (comme durant le Covid et la crise énergétique). C’est ce qui a été proposé par la présidente de la Commission, qui a annoncé en mars que la clause échappatoire des traités européens sera activée. Cela ne signifie pas pour autant que les pays utiliseront cette flexibilité, car certains craindront qu’un dérapage fiscal ne pèse sur les finances publiques a posteriori à travers une augmentation de la charge de la dette.

Pourquoi pas une banque européenne de la défense?

Une deuxième possibilité de financement est la création d’une entité commune à différents pays – à l’instar de la Banque européenne d’investissement ou du Mécanisme européen de stabilité – qui serait dédiée au financement des projets de défense. Une telle structure serait capitalisée par les états souhaitant participer au projet de réarmement et émettrait des obligations qui seraient garanties par ces pays.

Ensuite, l’Europe pourrait recourir à l’émission directe de dette commune, comme ce fût le cas durant la crise sanitaire. Le fonds de relance européen a levé des capitaux sur les marchés financiers pour permettre aux pays de financer des projets de relance. La proposition de la Commission baptisée «Action pour la sécurité en Europe (SAFE)» mobilisera 150 milliards d’euros sur les marchés des capitaux pour soutenir les investissements en matière de défense en fonction des besoins des États membres. À noter que cette initiative accroît – à la marge certes – l’attractivité de l’euro en tant que monnaie de réserve mondiale, car elle donne accès aux investisseurs internationaux à un gisement d’actif paneuropéen qui à ce jour manque cruellement.  

Enfin, l’Europe pourrait rediriger des fonds européens non utilisés, tels que le fonds de relance Covid, dont un peu plus de la moitié des quelque 750 milliards d’euros a été allouée jusqu’à présent, faute de projets d’investissement. Cette possibilité est à l’étude.  

À ce jour, il semblerait que les nouvelles dépenses en défense se feront principalement au travers des budgets des différents États. Les contraintes pesant sur les finances publiques des grands pays européens (hors Allemagne) impliquent que seule l’Allemagne a la capacité financière d’augmenter nettement ses dépenses militaires.