Steven Libby, asset & wealth management leader chez PwC Luxembourg pour la région EMEA, indique que le secteur de la gestion d’actifs pourrait croître à hauteur de 3% jusqu’en 2026. (Photo: Nicolas de Caritat/Grand Format Luxembourg)

Steven Libby, asset & wealth management leader chez PwC Luxembourg pour la région EMEA, indique que le secteur de la gestion d’actifs pourrait croître à hauteur de 3% jusqu’en 2026. (Photo: Nicolas de Caritat/Grand Format Luxembourg)

PwC a tenu sa conférence annuelle sur la gestion d’actifs et de patrimoine pour la région EMEA, les 19 et 20 mai, à l’European Convention Center Luxembourg. L’occasion de faire le point sur l’industrie avec Steven Libby, asset & wealth management leader chez PwC Luxembourg.

Quel était le contexte de cette conférence?

Steven Libby. – «Nous avons eu environ 330 participants à la conférence. Il s’agit essentiellement de nos plus gros clients en gestion d’actifs et de patrimoine de toute l’Europe. C’est notre 20e conférence annuelle de ce genre. Après avoir été organisée dans différents pays d’Europe, c’est la première fois que nous l’organisions au Luxembourg. Nous avions aussi donc un certain nombre de participants de notre cabinet américain et de notre équipe de direction mondiale. Elle est vraiment faite pour réunir tous nos experts en gestion d’actifs et de patrimoine. Nous essayons d’utiliser cette expertise pour approfondir des sujets que nous pouvons ensuite proposer à nos clients pour les aider à faire face aux défis du secteur.

Quel état des lieux dressez-vous de l’industrie européenne de la gestion d’actifs et de patrimoine?

«L’industrie de l’asset management traverse des forces de changement majeures. Nous pensons que si l’on adopte une perspective à plus long terme, nous prévoyons toujours une croissance du secteur, bien qu’à un rythme plus lent. Jusqu’en 2026, nous avons des projections de croissance à un rythme d’environ 3%. Aujourd’hui, l’industrie est donc extrêmement forte. Si vous regardez ce qui s’est passé depuis la crise financière de 2008, le secteur a connu une croissance phénoménale. Il est donc désormais beaucoup plus grand, avec environ 34,8 trillions de dollars en Europe.

L’industrie de l’asset management traverse des forces de changement majeures. Nous pensons que si l’on adopte une perspective à plus long terme, nous prévoyons toujours une croissance du secteur, bien qu’à un rythme plus lent.
Steven Libby

Steven LibbyEMEA asset & wealth management leaderPwC Luxembourg

Un secteur en croissance malgré les prévisions macroéconomiques mondiales revues à la baisse?

«Vous pouvez assimiler le secteur de la gestion d’actifs et de patrimoine à une forêt qui a un certain nombre d’incendies qui ont commencé, tels les taux d’intérêt en hausse, l’inflation, la guerre en Ukraine, les confinements en Chine. Il y a donc un certain nombre d’incendies, et le défi de l’industrie de la gestion d’actifs est d’essayer de les contenir. Ce n’est pas si différent de ce qui s’est passé avec la crise financière, et ensuite avec le Covid. L’industrie en est quand même sortie forte. Et nous pensons que ce sera encore le cas, parce que les investisseurs, qu’il s’agisse d’investisseurs particuliers ou institutionnels, ont absolument besoin de solutions d’investissement et de solutions de retraite.

Comment les vents contraires sur les marchés impactent-ils les stratégies d’allocation d’actifs?

«Il y a différents effets. Le premier est une plus grande allocation vers les actifs privés. Donc lorsque le rendement des actifs publics pourrait être affecté, un changement pourrait se produire, les investisseurs recherchant plus d’alpha, ainsi avec des rendements à plus long terme dans les actifs privés. Cette tendance avait déjà commencé, et elle va probablement se poursuivre. Un autre effet est aussi le passage des actions de croissance vers les actions de valeur. Un autre encore est probablement celui du ‘low cost’ avec des produits passifs, tels les ETF, ces fonds négociés en bourse. Si l’on regarde ce qui s’est passé de l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis ont connu une croissance phénoménale en termes de flux de fonds dans ces types de produits, l’Europe dans une moindre mesure. Mais l’Europe a toujours un effet de retard. Nous verrons donc probablement la même chose se produire dans les années à venir.

L’industrie porte dorénavant un regard à un horizon long terme. De quels outils dispose-t-elle pour l’aider à opérer les changements nécessaires en ce sens?

«Des outils comme la technologie DLT (distributed ledger technology) l’aideront à changer. L’intelligence artificielle (IA), pour sa part, devrait lui permettre d’adopter des stratégies d’investissement différentes. Les cryptomonnaies, certains peuvent les aimer, d’autres non. Mais les investisseurs ont définitivement un intérêt pour ces choses-là. On ne peut plus ignorer l’intérêt pour la crypto du côté des investisseurs. Les gestionnaires doivent regarder s’ils peuvent fournir certains types de solutions ou au moins étudier la possibilité d’avoir une exposition aux monnaies numériques ou aux actifs numériques en général.

Les gestionnaires doivent regarder s’ils peuvent fournir certains types de solutions ou au moins étudier la possibilité d’avoir une exposition aux monnaies numériques ou aux actifs numériques en général.
Steven Libby

Steven LibbyEMEA asset & wealth management leaderPwC Luxembourg

Quels sont les principaux résultats obtenus par ces évolutions technologiques?

«Une grande partie de cela a à voir avec l’expérience de l’utilisateur. Ça touche autant à l’onboarding d’un client qu’à la possibilité de créer des solutions plus personnalisées que les reportings pour les clients. C’est une approche de bout à bout.

Un autre changement dans l’industrie provient des produits ESG. Avec l’évolution de ce segment de produits ne commence-t-on pas à observer des risques pour la protection des investisseurs?

«Tout d’abord, l’ensemble de la réglementation qui entoure tous ces types de produits est axée sur la transparence. La SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) apporte la transparence. Donc, si vous investissez dans un fonds dont l’objectif déclaré est d’avoir un impact sur le climat, de la transparence est exigée. Mais, en effet, aujourd’hui, le problème est que la qualité des données qui sous-tendent tous ces investissements n’est pas toujours très bonne. Par conséquent, les données dont disposent les gestionnaires d’actifs peuvent parfois être remises en question, pouvant conduire à des suspicions de ‘greenwashing’.

Il ne s’agit pas uniquement de savoir si un investissement est vert ou non. Une entreprise X peut avoir une partie de son activité qui pourrait être dite ‘verte’, mais elle en a peut-être d’autres qui ne le sont pas, à l’instar des grandes compagnies pétrolières.
Steven Libby

Steven LibbyEMEA asset & wealth management leaderPwC Luxembourg

La donnée est donc la clé de l’équation?

«La réglementation très complexe. Pour répondre aux exigences européennes, il y a beaucoup de critères différents à prendre en compte. Il ne s’agit pas uniquement de savoir si un investissement est vert ou non. Une entreprise X peut avoir une partie de son activité qui pourrait être dite ‘verte’, mais elle en a peut-être d’autres qui ne le sont pas, à l’instar des grandes compagnies pétrolières. Elles ont toujours des parties axées sur le pétrole et le gaz tout en ayant des divisions en transition vers des énergies vertes.

Les gestionnaires ont donc recours à des fournisseurs de données tiers.

«Oui, exactement. Ils font toutefois face à un défi d’homogénéité des résultats. Nous avons fait l’exercice: vous avez un même portefeuille que vous donnez à plusieurs fournisseurs et vous obtiendrez des résultats différents les uns des autres en fonction de leurs systèmes de classement propriétaires.»