Le président de la FHL, Paul Junck, estime que la concurrence est «féroce» pour se fournir en matériel et en équipements dans le domaine de la santé. (Photo: archives Paperjam)

Le président de la FHL, Paul Junck, estime que la concurrence est «féroce» pour se fournir en matériel et en équipements dans le domaine de la santé. (Photo: archives Paperjam)

Le président de la Fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL), Paul Junck, revient sur l’organisation des structures en pleine pandémie de Covid-19 et l’augmentation de leurs capacités pour absorber le pic à venir. Une stratégie qui repose aussi sur les mesures de confinement.

Quelle stratégie a été adoptée pour organiser les hôpitaux afin de faire face à la pandémie de Covid-19?

Paul Junck. – «Ce qui nous aide énormément et nous a permis de nous organiser ces trois dernières semaines, c’est le fait que la population puisse , rester à la maison afin de casser la vague de contaminations. Ce qui a été bien respecté. Cela nous a donné le temps de nous préparer. Et, avec de la chance, cette vague s’étalera et ne sera pas un tsunami.

En quoi a consisté cette préparation?

«Il faut savoir qu’il y a deux flux d’activité dans un hôpital: les urgences (les accidents de la route, les AVC…) et les interventions programmées. Dans un premier temps, nous avons pris il y a trois semaines la décision de diminuer le nombre d’interventions programmées en annulant tout ce qui n’était pas urgent. Celles-ci sont presque à zéro maintenant. Cela a permis de libérer des lits, de l’équipement et du personnel. Il a fallu ensuite installer une séparation dès l’entrée dans les hôpitaux entre le flux des urgences non liées au Covid-19 et celui des urgences liées au Covid-19.

Comment avez-vous augmenté les capacités en lits?

«Une tente militaire offre une réserve de 100 lits. Il y a aussi le : il permet d’habitude aux gens qui ont subi une intervention aiguë de récupérer. Les gens aptes à rentrer chez eux sont rentrés, et bénéficient d’un suivi. Les autres ont été déplacés au Kirchberg. 80 lits ont ainsi été libérés. Ce centre accueille désormais des patients qui récupèrent du Covid-19 après leur passage dans un des centres hospitaliers, dans lesquels des lits en soins intensifs ont ainsi été libérés.

Le nombre de personnels soignants disponibles sera-t-il suffisant pour absorber le pic épidémique?

«Un point important, c’est que notre personnel est très expérimenté. Nous discutons pour essayer d’augmenter la durée du temps de travail du personnel. Ainsi, on transfère du personnel qui travaille à mi-temps vers du temps plein. On incite aussi ceux qui sont en congé à revenir. D’un point de vue juridique, il y a la possibilité à 60 heures par semaine.

Et si cela ne suffit pas, nous avons mis en place la réserve sanitaire pour renforcer les équipes en place, avec les de retraités ou d’étudiants qui pourront être appelés à travailler dans les hôpitaux.

Quelles mesures avez-vous prises pour aider le personnel soignant?

«Nous avons pu mettre en place des mesures pour leur faciliter la vie, comme un . Mais aussi, pour le personnel qui a des enfants âgés de moins de 12 ans, nous avons convaincu et passé un accord avec le gouvernement pour que certaines crèches restent ouvertes. La période de fermeture des écoles allant pour le moment , nous avons obtenu une prorogation pour les crèches jusqu’à cette date.

Nous offrons aussi des possibilités d’hébergement au Luxembourg . 400 personnes ont utilisé cette possibilité.

Le personnel soignant est en première ligne face à l’épidémie. Est-il beaucoup affecté par les contaminations?

«Le personnel soignant est bien sûr affecté par les contaminations, mais dans des limites gérables. Il n’y a pas eu d’impact notable. Nous avons attaché beaucoup d’importance à la protection du personnel.

Les équipements pour protéger le personnel sont-ils disponibles en quantité suffisante?

«Nous avons tout ce qu’il faut. Pour le personnel soignant, il s’agit des équipements de protection individuelle (EPI): les blouses, les masques, les gants. Il faut qu’il y en ait toujours en quantité suffisante. Nous sommes détendus depuis ces derniers jours, nous avons du matériel supplémentaire pour travailler confortablement.

Et pour les autres segments d’équipement?

«Nous avons réussi à mobiliser pour effectuer le diagnostic du Covid-19 avec une technologie de pointe. Celui du Centre hospitalier du nord est en fonction, les trois autres le seront dans le courant de la semaine.

Au niveau des respirateurs, nous avons augmenté leur nombre à 200 dans les hôpitaux. Des achats en Chine ont eu lieu ces dernières semaines, dont une bonne trentaine d’appareils qui sont déjà sur place. Nous sommes confiants pour faire passer leur nombre à 250, voire davantage.

Selon certains pays européens, il y a une forte concurrence dans ce domaine. Le Luxembourg en souffre-t-il?

«Oui, surtout sur le marché de l’EPI, la concurrence est féroce. Des vols de matériel ont eu lieu, le marché est très nerveux, erratique. Il est très difficile de travailler car tout le monde en cherche et les prix ont flambé.

Et si du matériel chinois est livré, il faut vérifier qu’il est compatible avec notre matériel avant de le dispatcher. Mais jusqu’ici, cela marche très bien, nous avons reçu du matériel haut de gamme.

Quel est le rôle de la FHL?

«Nous regroupons tous les hôpitaux du Luxembourg: les quatre centres hospitaliers et les établissements spécialisés sont membres de la FHL. Nous sommes une plate-forme d’échanges entre les hôpitaux. Et, au niveau gouvernemental, nous participons à la cellule de crise, présidée par le ministère de la Santé et le Haut-Commissariat à la protection nationale.

Au sein de cette cellule, il y a six groupes de travail, dont trois sont importants pour le secteur hospitalier. Un sert d’interface de contrôle entre les hôpitaux et la cellule de crise. Il monitore tout ce qui se passe dans les hôpitaux: combien de patients, combien en soins intensifs. Une appli online permet de savoir en temps réel combien de lits sont disponibles en soins intensifs.

Un deuxième groupe s’occupe de la logistique et de l’approvisionnement en matériel pour le secteur de la santé. Nos spécialistes dans les hôpitaux conseillent cette cellule, car ils savent ce dont les hôpitaux ont besoin. Et le troisième s’occupe de la réserve sanitaire, pour ramener du personnel additionnel en cas de besoin.

Vos objectifs de préparation ont-ils été atteints?

«Depuis trois semaines, chaque jour pendant 1h30, nous tenons une ‘conf call’ entre la FHL, les représentants des hôpitaux et la cellule de crise nationale. Tous travaillent vers un seul objectif: le déroulement de cette crise du Covid-19. Et nous sommes très satisfaits.

L’impact sur les hôpitaux va se concrétiser avec un décalage, le gros de l’épidémie et du travail va donc arriver dans les hôpitaux durant les jours et les semaines à venir. Avec l’espoir que cette vague va s’étaler. Et, je le répète, le meilleur moyen d’être solidaire avec le personnel soignant, c’est de rester confiné.»