Le Dr Claude Schummer se dit «optimiste» quant à la capacité des hôpitaux luxembourgeois à surmonter la crise sanitaire. (Photo: Hôpitaux Robert Schuman)

Le Dr Claude Schummer se dit «optimiste» quant à la capacité des hôpitaux luxembourgeois à surmonter la crise sanitaire. (Photo: Hôpitaux Robert Schuman)

Les hôpitaux luxembourgeois se préparent au pic d’infections au Covid-19 prévu pour cette semaine, sans le climat de panique qui règne dans certains pays européens. Entretien avec le Dr Claude Schummer, directeur général des Hôpitaux Robert Schuman depuis 2017.

Les Hôpitaux Robert Schuman sont-ils prêts pour le pic de l’épidémie à venir?

. - «Nous avons pour l’instant divisé la salle de réanimation avec 14 lits réservés aux patients Covid et 8 aux patients non-Covid. Si nous devons ajouter des lits, ce qui sera probablement le cas la semaine prochaine si on passe en phase 2, la salle de réveil du bloc opératoire sera transformée en réanimation et permettra d’ajouter 13 emplacements Covid. Si cela ne suffit pas, nous avons encore la possibilité de créer une troisième réanimation avec 16 lits.

Sentez-vous le pic de l’épidémie approcher?

«Nous voyons les hospitalisations augmenter tous les jours. Ce qui est bien pour moi en tant que directeur, contrairement à ce qui s’est passé à Mulhouse et dans d’autres régions françaises, c’est que les hospitalisations montent relativement lentement sans jamais nous submerger. C’est bon signe. Je crois que le Luxembourg a réagi rapidement. Et c’est aussi grâce au respect des mesures de confinement de la population, sinon nous serions dans une situation catastrophique.

Avez-vous assez de matériel pour équiper vos salles de réanimation et vos personnels?

«Les hôpitaux luxembourgeois ont encore des capacités de réserve. 35 respirateurs supplémentaires ont déjà été livrés au Luxembourg. Je pense que nous attendons d’autres livraisons, mais c’est apparemment la guerre aujourd’hui dans le monde autour du matériel dont on a besoin pour traiter les patients Covid, que ce soit les respirateurs et leurs accessoires, les curares et les sédatifs… Tout est très limité. Les États-Unis commencent seulement à se réveiller et mettent la main sur tout.

Nous avons engagé des experts en logistique qui peuvent acheter dans le monde entier. Cela nous a aidés à avoir suffisamment de réserves pour passer le cap.
Dr Claude Schummer

Dr Claude Schummerdirecteur généralHôpitaux Robert Schuman

Vous ne manquez pas non plus de masques?

«Nous avons engagé des experts en logistique qui peuvent acheter dans le monde entier. Ils viennent d’Amazon, donc ils savent comment cela fonctionne. D’ailleurs, j’ai entendu dire que Jeff Bezos (CEO d’Amazon, ndlr) a cité notre hôpital dans une circulaire à ses employés, dans laquelle il encourage à faire de même et à embaucher des experts logistiques pour se procurer du matériel. Cela nous a aidés à avoir suffisamment de réserves pour passer le cap. Je suis optimiste sur un scénario assez favorable.

Le plus important était de remporter la guerre des masques, qui étaient devenus rares. Or, vous ne pouvez protéger ni vos patients ni votre personnel sans le port du masque obligatoire. Même chose pour la solution hydroalcoolique, qui reste la plus efficace pour maintenir en bonne santé patients et soignants. Nous produisons désormais notre propre solution hydroalcoolique.

Nous avons également bénéficié des dons de personnes privées après l’appel sur les réseaux sociaux de notre service Logistique. Et 300 personnes ont répondu à l’appel aux dons. Le volet donations est géré par la Fondation Hôpitaux Robert Schuman. Nous avons même pu aider d’autres hôpitaux en manque de matériel. Nous sommes solidaires entre hôpitaux et collaborons ensemble activement au sein de la cellule de crise nationale. D’ailleurs, nous soignons quatre patients envoyés par la France.

Nous avons eu cinq décès de personnes de plus de 90 ans ou atteintes d’autres comorbidités, c’est-à-dire qu’elles sont décédées avec le coronavirus, mais pas nécessairement à cause du coronavirus.
Dr Claude Schummer

Dr Claude Schummerdirecteur généralHôpitaux Robert Schuman

Combien de patients Covid sont actuellement soignés au sein des HRS?

«Nous avons 64 patients, dont 10 en réanimation (l’interview a été réalisée vendredi, ndlr). Il ne faut pas oublier que la plupart des gens infectés par le Covid sont à la maison en train de regarder la télévision. Nous traitons les patients dans différentes unités, et si leur état se dégrade, ils descendent en réanimation. Mais la majorité s’en sort sans en passer par là. Nous avons aussi eu cinq décès de personnes de plus de 90 ans ou atteintes d’autres comorbidités, c’est-à-dire qu’elles sont décédées avec le coronavirus, mais pas nécessairement à cause du coronavirus.

Disposez-vous de suffisamment de soignants pour affronter le pic à venir?

«L’infirmier anesthésiste en réanimation est une denrée rare. Nous sommes en train de rassembler les infirmiers anesthésistes pour qu’ils s’occupent des patients intubés. Nous pratiquons également le ‘task shifting’: nous recrutons d’autres infirmiers d’unités qui ne travaillent pas pour aider les infirmiers anesthésistes de réanimation dans leurs autres tâches afin qu’ils puissent se concentrer sur les respirateurs. Nous sommes aussi en train de former d’autres soignants à certaines tâches pour arriver à assurer un bon niveau de réanimation si nous devons mobiliser d’autres lits.

Nous sommes en train de réfléchir à positionner la Zitha comme un hôpital général qui couvrirait tous les soins non-Covid et prioritaires.
Dr Claude Schummer

Dr Claude Schummerdirecteur généralHôpitaux Robert Schuman

Comment fonctionne le reste de l’hôpital pendant ce temps?

«C’est tranquille. En fait, c’est une tranquillité de crise. C’est normalement un endroit avec beaucoup de passage, mais c’est actuellement extrêmement calme à l’intérieur. Il est vrai qu’il a fallu transformer les hôpitaux pratiquement en forteresses, filtrer les flux, installer une filière Covid, une autre non-Covid, une troisième pour les suspicions de Covid. C’est ce qu’on a fait à l’entrée de toutes nos cliniques et de nos urgences. Nous avons même opéré un tri entre les ambulances Covid et non-Covid. Les flux sont maintenant complètement séparés.

Accueillez-vous donc beaucoup d’autres patients?

«Justement, non. Nous constatons que les gens ne viennent plus, alors que nous avions régulièrement des infarctus ou des accidents vasculaires cérébraux. Nous nous posons la question: ces patients sont-ils traités? Il faut faire passer le message qu’effectivement les opérations non urgentes ont été reprogrammées, mais nous avons une filière non-Covid qui continue à fonctionner.

Nous avons même la grande chance de disposer de trois sites: l’Hôpital Kirchberg, avec un flux Covid et un flux non-Covid; et la Zithaklinik, qui continue de soigner des patients non-Covid. Nous filtrons les visites, mais nous continuons à opérer des gens du cancer, et les urgences non-Covid sont toujours prises en charge à la Zitha. Nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir à positionner la Zitha comme un hôpital général qui couvrirait tous les soins non-Covid et prioritaires.»