Des graphismes colorés, un adorable personnage à tête ronde, des quêtes amusantes et une bande-son spatiale: à première vue, la nouvelle application éducative de la Fondation ABBL semble éloignée du monde de la finance, plus conventionnel et bleu marine. Pourtant, en y regardant de plus près, ce jeu d’éducation financière rend des sujets comme les cryptomonnaies, la finance durable ou la réflexion sur l’argent digestes, voire amusants, pour les enfants et les adultes.
Plus de deux ans de travail
Le dernier produit de la fondation de l’ABBL pour lutter contre l’illettrisme financier se présente sous la forme d’une application gratuite qui mélange des éléments de Trivial Pursuit et de Monopoly. Plus de deux ans après le début de cette odyssée, la fondation présentera officiellement son jeu le 24 mars, bien qu’il soit déjà disponible dans les plateformes d’applications.
Money Odyssey a été développé en collaboration avec le développeur luxembourgeois Virtual Rangers, et principalement sponsorisé par la Chambre de commerce. Le projet a été et continue d’être coûteux, disent les promoteurs, car le retour d’information des tests bêta conduit à de nouvelles améliorations. Bien qu’il ait coûté «beaucoup» – aucune autre précision n’est donnée sur la somme –, il vaut chaque centime pour les personnes à l’origine du concept.
L’idée est de sensibiliser les enfants, dès leur plus jeune âge, au fait que l’argent dont ils disposent est une somme déterminée et qu’ils ne peuvent pas le dépenser indéfiniment.
Les échanges avec des jeunes et des adultes d’horizons différents – à travers la multitude de programmes éducatifs qu’elle propose, comme la Money Week annuelle – ou en discutant avec des étudiants universitaires ont permis à la fondation de se rendre compte que «lorsqu’ils font leurs premières expériences avec l’argent, il y a trois réactions: certains paniquent et sont sur la défensive avec leurs dépenses, d’autres ont l’impression que leur argent est infini, et enfin un troisième groupe est plus responsable et peut envisager d’investir», explique , membre du conseil d’administration de l’ABBL. Elle a travaillé avec Jessica Thyrion, conseillère en éducation financière de l’ABBL, pour développer un concept qui irait au-delà des cours organisés par la fondation et des brochures qu’elle distribuait déjà.
Choisir les bons sujets et le bon public
«Tous les acteurs, au Luxembourg et ailleurs, sont confrontés à ce problème d’analphabétisme financier, le tabou financier est l’un des obstacles à sa promotion», explique Jessica Thyrion. Il y avait et il y a toujours un sérieux manque de connaissances, non seulement chez les enfants, mais aussi chez les adultes, qui peuvent alors se retrouver dans des situations financièrement difficiles. Ainsi, si l’application s’adresse à tous les âges, «l’idée est de les sensibiliser dès leur plus jeune âge au fait que l’argent dont ils disposent est une somme déterminée et qu’ils ne peuvent pas dépenser indéfiniment.»
L’avantage d’un outil comme celui-ci par rapport à nos brochures [précédentes], c’est que les brochures se concentrent sur les connaissances, alors que cette application se concentre également sur l’aspect comportemental.
Avec un groupe de travail, parmi lequel on compte des enseignants, le duo a entrepris de rassembler les connaissances des conseillers spécialisés de l’ABBL et de les rendre plus accessibles aux enfants et aux adultes ayant peu ou pas de connaissances en la matière. Les différents thèmes abordés dans le jeu sont le rôle d’une banque, les escroqueries financières et la cybersécurité, la finance durable, les assurances, la gestion du budget, les prêts et crédits, le blanchiment d’argent, les types de paiements, les investissements et les cryptomonnaies.
Bien qu’un des adultes publié par l’OCDE en janvier 2022 ait rassuré Catherine Bourin et Jessica Thyrion quant au contenu qu’ils avaient préparé pour leur public diversifié, l’objectif était de le rendre intéressant pour tous. «L’avantage d’un outil comme celui-ci par rapport à [nos précédentes] brochures, c’est que les brochures se concentrent sur les connaissances, alors que cette application se concentre également sur l’aspect comportemental», explique Catherine Bourin. Des sujets comme la priorité à donner aux besoins plutôt qu’aux souhaits y sont abordés, par exemple.
Mais de quoi s’agit-il?
Dans Money Odyssey, vous êtes un personnage extraterrestre qui, comme les humains, a un salaire mensuel, des factures à payer, mais aussi un projet de construction plus coûteux à réaliser. Mais pourquoi choisir l’espace? Le duo explique qu’il voulait un environnement, un espace et une monnaie neutres pour rendre l’application plus accessible, même au-delà des frontières initiales de leur projet, le Luxembourg. Pour gagner de l’argent – Lumix est la monnaie de cette planète – il faut lancer des dés virtuels, progresser sur un circuit qui mélange des éléments de Monopoly et de Trivial Pursuit, rassembler des connaissances et répondre à des questions. Chaque bonne réponse à une question est ensuite transférée dans un livre de connaissances auquel le joueur peut retourner autant de fois qu’il le souhaite.
Fait intéressant, le jeu intègre l’importance de mettre de l’argent de côté sur un compte d’épargne – avec des taux d’intérêt plus élevés – ou de le placer dans des assurances ou des investissements qui peuvent vous protéger ou vous rapprocher des sommes nécessaires au projet de construction. Money Odyssey sensibilise également aux risques liés aux différents produits financiers. Jessiva Thyrion précise: «quand on sait que certains enfants de 10-12 ans connaissent les cryptomonnaies, il s’agit aussi de faire prendre conscience des risques liés à cela.»
Autres aspects intéressants du jeu: les joueurs peuvent choisir leur niveau de difficulté – «enfant» ou «adulte» –, les sujets financiers sur lesquels ils veulent se concentrer et transformer le jeu en une aventure solo ou multijoueur.
Jusqu’à présent, les réactions des étudiants, des enseignants et d’autres adultes ont été principalement positives, avec quelques commentaires sur la possibilité de faire de l’application un jeu en ligne pour permettre aux joueurs de jouer sur des appareils différents, ou d’intégrer la notion d’augmentation du coût de la vie pour en faire un jeu plus difficile.
L’application est actuellement disponible en français, une version allemande suivra en mars et les versions anglaise et portugaise seront disponibles en avril.
Cet article est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg. Il a été écrit en anglais pour , traduit et édité pour Paperjam.