«On continue d’avancer.» Assis dans un des quatre fauteuils d’une des salles de l’incubateur de Paul Wurth, le CEO de DataThings, Grégory Nain, est un entrepreneur en ombres chinoises, toujours plus chercheur que véritable CEO.
Les quatre garçons qui ont créé cette spin-off il y a exactement trois ans – Grégory Nain, Assaad Moawad, François Fouquet et Thomas Hartmann – ne cherchent pas à être les «Beatles de l’intelligence artificielle».
«Nous sommes ici parce que nous avons commencé à travailler avec Paul Wurth», se souvient son chief technological officer, François Fouquet. L’idée était d’aider l’industriel à mesurer la température de sortie du métal non seulement pour qu’elle soit constante, mais pour qu’elle soit constante à 10 degrés de plus ou de moins par rapport à ce qui est requis. À la clé, de grosses économies d’énergie. Après le personnel, cette question-là est souvent celle qui engloutit le plus de ressources financières.
L’énergie, sur le réseau luxembourgeois, les a ensuite amenés chez Creos, depuis deux ans. Là aussi, pour pouvoir utiliser toutes les statistiques disponibles pour rendre le réseau le plus efficace et le moins cher. Au moment où l’on évoque l’arrivée du centre de données de Google – qui deviendra le premier consommateur d’énergie industriel du Luxembourg, devant ArcelorMittal – et où le secteur automobile vire de plus en plus vers l’électrique, cette question est clé pour le pays.
Sont arrivés les premiers projets européens d’Horizon 2020. «Comme nous venions tous les quatre du monde académique, nous avons gardé des contacts, et quand se montent des consortiums autour de certains projets, qu’il faut avoir des acteurs de différents pays, être une petite start-up d’un petit pays nous a servi», explique le CEO.
La métropole de Lyon, en France, voulait avoir un dispositif d’arrosage intelligent, qui permette de profiter de l’eau de pluie récupérée l’hiver et de nettoyer les espaces publics. «Que l’arrosage soit opportun, que cela améliore le ressenti des citoyens quand il fait très chaud et que cela favorise la présence d’espaces verts dans la ville. Avec des capteurs dans les arbres et au sol et en fonction des prédictions météorologiques, en fonction de critères comme les plans canicule, qui empêchent les arrosages, etc., nous avons automatisé l’arrosage», explique M. Nain.
Les mathématiques et les données deviennent des outils dans la prise de décision, industrielle ou politique. À Lille, une autre métropole, l’intelligence artificielle de DataThings permettra de tout connaître des poubelles, et donc de mieux organiser le ramassage. «Il ne s’agit pas de fliquer les gens», détaille M. Fouquet, «mais d’ajouter de la valeur à des services publics». En ce temps de campagne pour les élections municipales en mars, la problématique revient tous les jours sur le tapis, à Paris, par exemple.
Il y a plusieurs éléments qui fondent la stratégie de la start-up: l’intelligence artificielle est adaptée aux besoins de l’industriel ou du client, les développements sont faits sur son site, et les données y restent. Loin des Google, Amazon ou Oracle, le cœur de l’intelligence artificielle doit grandir doucement, avec un haut niveau d’exigence.
De 130.000 euros en 2017, le chiffre d’affaires est passé à 350.000 euros en 2018 et à 520.000 euros l’an dernier. L’équipe a grandi des quatre fondateurs à huit et terminera l’année à dix. À la question de savoir si DataThings lèvera des fonds cette année, cherchera à grossir plus vite, les deux fondateurs répondent «validation mathématique, économique et industrielle». Les premiers clients permettront peut-être de répliquer les modèles qui marchent. «Nous avons 80% de doctorants, nos technologies progressent avec rigueur», admet Grégory Nain, «nous sommes chanceux».