Manuel Maleki est Ph.D. economist au sein du groupe Edmond de Rothschild.   (Photo: Edmond de Rothschild)

Manuel Maleki est Ph.D. economist au sein du groupe Edmond de Rothschild.   (Photo: Edmond de Rothschild)

Avec l’accélération de la fracturation hydraulique et la levée des restrictions légales à l’exportation de pétrole annoncée en 2015, les États-Unis sont devenus un exportateur de pétrole.

Les États-Unis sont devenus un exportateur de pétrole mais pas de n’importe quel pétrole. En effet, les États-Unis produisent majoritairement du pétrole léger, c’est-à-dire à faible densité et peu visqueux. Ce pétrole est essentiel à l’activité économique, notamment aux transports. Toutefois, il existe plus d’une centaine de types de pétrole, et les États-Unis manquent cruellement de pétrole lourd. Ce dernier est très utile dans l’industrie et sert, par exemple, à la fabrication de bitume pour la construction des routes. Son champ d’application est plus large que celui du pétrole léger, ce qui explique pourquoi un grand nombre de raffineries le long du Golfe du Mexique sont dédiées à son raffinage.

Sur le marché, ce pétrole se négocie bien moins cher que le pétrole léger comme le West Texas Intermediate. Le point intéressant est que les États-Unis achètent ce pétrole lourd à leurs voisins directs que sont le Canada et le Mexique. Dans le même temps, Washington lorgne les énormes réserves du Venezuela, qui, avec plus de 300 milliards de barils dans son sous-sol, est le pays possédant les plus grandes réserves de brut au monde. Ces immenses réserves attisent les convoitises américaines et expliquent l’importance accordée par les différentes administrations américaines au Venezuela. Les États-Unis ont d’ailleurs essayé différentes approches, allant de la coopération à la quasi-confrontation, pour s’assurer la mainmise sur cet or noir.

États-Unis–Venezuela: une relation marquée du sceau de l’or noir

Historiquement, l’exploitation du pétrole vénézuélien a commencé durant la première moitié du XXe siècle et a pris de l’ampleur jusqu’à représenter plus de 3% de la production mondiale. Cette période fut marquée par une coopération entre les États-Unis et le Venezuela. L’année 1998 marque un tournant avec l’arrivée de Hugo Chávez à la présidence du Venezuela. Ce dernier, se réclamant du socialisme, s’oppose à Washington, qui, peu à peu, impose des sanctions contre le pétrole vénézuélien, rendant le matériel obsolète et provoquant une baisse de la production, aujourd’hui inférieure à unmillion de barils par jour.

La disparition de Hugo Chávez ne mettra pas fin à ces tensions, et on observe une politique américaine oscillant entre pression forte et tentatives de rapprochement. Si Joe Biden avait desserré l’étreinte et même autorisé la major américaine Chevron à exploiter du pétrole vénézuélien, Donald Trump a pris un virage à 180 degrés en renforçant les sanctions contre Caracas et en forçant les entreprises américaines à stopper leur coopération. Cela devrait provoquer une diminution de la production de pétrole lourd de près de 25%, à moins de 0,7 million de barils par jour.

Aux États-Unis: moins de pétrole lourd en 2025

 Dans le même temps, les prévisions laissent entrevoir que les productions canadiennes et mexicaines de pétrole lourd devraient aussi se réduire, la première en lien avec les tensions commerciales, la seconde à cause d’une demande domestique plus forte et d’une production en recul. Cette situation pourrait se traduire par une réduction de la production de pétrole lourd de l’ordre de 0,5 Mbj. Il est important de noter que les États-Unis importent environ 8 Mbj, principalement du pétrole lourd. 60% de ce pétrole provient du Canada, contre 33% en 2013. Au fil du temps, on observe une nette érosion des importations de pétrole en provenance du Moyen-Orient, au bénéfice du Canada. Ce changement de fournisseurs a forcément des impacts sur les relations que les États-Unis entretiennent avec leur voisin du Nord, en particulier.

Les États-Unis ont un besoin vital de ce pétrole, surtout que, depuis la découverte de pétrole en Californie, ils sont devenus les spécialistes du raffinage du pétrole lourd. Ce raffinage est complexe et nécessite un haut degré de spécialisation. Cette situation a amené les raffineurs américains à raffiner toujours plus de pétrole lourd.

Le recentrage de l’approvisionnement des États-Unis sur le continent américain, au détriment du Moyen-Orient, explique le fort intérêt de Washington pour le Venezuela et sa volonté de s’assurer de nouvelles sources d’approvisionnement.

Plus de pétrole, mais pas le bon…

En conclusion, il est ironique d’observer que le premier producteur mondial, qui est aussi exportateur de pétrole, est le deuxième importateur de brut au monde, car il manque de pétrole lourd. Dès lors, il apparaît qu’une partie de l’agenda géopolitique régional des États-Unis est dictée par son impérieux besoin de pétrole lourd.