Navya va arrêter de produire ses petites navettes autonomes, visibles à Contern ou au Pfaffenthal. Ce qui n’inquiète ni Sales-Lentz ni le coordinateur du projet européen Avenue. (Photo: Romain Gamba/archives Paperjam)

Navya va arrêter de produire ses petites navettes autonomes, visibles à Contern ou au Pfaffenthal. Ce qui n’inquiète ni Sales-Lentz ni le coordinateur du projet européen Avenue. (Photo: Romain Gamba/archives Paperjam)

Après un premier semestre décevant financièrement, la société lyonnaise Navya, qui fournit les navettes autonomes en circulation au Luxembourg, a décidé d’en arrêter la production pour se concentrer sur sa technologie. Une nouvelle pourtant bien accueillie par Sales-Lentz et Avenue.

À la course la plus lente du monde, moins de 20km/h en moyenne, Contern bat Luxembourg-ville d’une courte tête. De quelques heures. C’était le 21 septembre dernier.

Les premières navettes autonomes du Luxembourg commencent à Le lendemain, d’autres permettent, au Pfaffenthal, ainsi qu’au cimetière du Val des Bons-Malades.

Moins d’un an plus tard, les quatre navettes achetées par Sales-Lentz continuent à tourner sur ces deux tronçons et sur le parking de son quartier général, mais son fournisseur, la Lyonnaise Navya, a annoncé fin juillet qu’elle arrêtait de les fabriquer.

30 millions de pertes en deux ans

Au premier semestre, Navya avait vendu deux fois moins de navettes que sur la même période un an plus tôt (18 contre 36).

Un résultat un peu biaisé par l’achat de dix exemplaires par le projet européen Avenue, dans lequel le Luxembourg et Sales-Lentz sont impliqués, en 2018 (sur un total de 116 exemplaires). Avec 18,1 millions de pertes l’an dernier et 11,5 millions en 2017, la société française ne pouvait pas rester sur son modèle économique indéfiniment sans réagir.

Le marché demeure en phase d’expérimentation puisque l’autonomie complète n’est pas encore atteinte, la réglementation n’est pas encore établie uniformément et les modèles économiques continuent d’évoluer.

Etienne Hermiteprésident du directoireNavya

«Je suis convaincu que le secteur de la mobilité autonome représente l’avenir du transport de biens et de personnes, comme en atteste l’intensification croissante de notre écosystème. Son implémentation à grande échelle s’avère néanmoins plus longue qu’anticipée au moment de notre introduction en bourse», commente le nouveau président du directoire, Etienne Hermite, le 25 juillet, .

«Le marché demeure en phase d’expérimentation puisque l’autonomie complète n’est pas encore atteinte, la réglementation n’est pas encore établie uniformément et les modèles économiques continuent d’évoluer.»

Après avoir conquis 47 pays, dont le Japon début juillet dans la perspective des Jeux olympiques de Tokyo l’an prochain, Navya cherche un ou des partenaire(s) industriel(s) pour produire ces navettes.

Elle se concentrera sur le développement de la technologie qui les équipe, pour faire disparaître l’opérateur de sécurité – un point encore bloquant pour un succès industriel.

Pas d’impact sur Sales-Lentz

«Le changement de stratégie de l’entreprise Navya n’aura aucun impact sur l’opération de nos navettes autonomes ni sur notre vision du futur de la conduite autonome», indique l’assistant de la direction générale de Sales-Lentz, Michel Reisch, sollicité par Paperjam.

«La supervision, la maintenance et le support de la part de Navya seront maintenus. Notre équipe de techniciens est de toute façon formée par Navya pour faire toutes sortes de réparations et de révisions dans nos ateliers. Si besoin, le support de Navya dans des questions techniques sera également garanti dans le futur. Navya a l’intention d’intégrer sa technologie de conduite autonome auprès d’un constructeur tiers en 2020. Jusqu’à la commercialisation de ces véhicules, Navya continuera la production de ses propres navettes. Le support après-vente sera garanti au-delà de ce moment», ajoute-t-il.

Le City Shuttle vient en complément des bus traditionnels, pour des parcours qui ne sont pas desservis faute d’une clientèle suffisante. (Photo: Michaël Gounon/Navya)

Le City Shuttle vient en complément des bus traditionnels, pour des parcours qui ne sont pas desservis faute d’une clientèle suffisante. (Photo: Michaël Gounon/Navya)

Deux points de blocage

Au téléphone, M. Reisch admet même que c’est plutôt une bonne chose que Navya se concentre sur les technologies autour de la conduite autonome. Le professeur Dimitri Konstantas, professeur à l’Université de Genève et coordinateur du projet européen Avenue, est exactement du même avis.

«Rallier Tokyo à ses développements était une bonne nouvelle pour Navya, à la fois sur le plan du calendrier, avec la perspective des Jeux olympiques de l’été prochain, mais aussi sur le plan du partenariat avec Toyota. Mais voir Copenhague et Oslo vouloir se doter de 50 à 60 navettes de ce type montre le potentiel de ces navettes», explique le professeur.

Le RGPD ne nous aide pas pour alimenter l’intelligence artificielle qui doit permettre à ces navettes autonomes de repérer les difficultés et d’avoir les bonnes réactions.

Dimitri Konstantasprofesseur et coordinateur du projet européen AvenueUniversité de Genève

Mais selon lui, il y a deux aspects bloquants. D’abord, le moindre accident d’une navette de ce type entraîne aussitôt des dizaines d’articles, qui masquent le nombre de kilomètres parcourus sans incident et qui marquent la société. Il est alors plus difficile de convaincre de l’intérêt de ces technologies.

Ensuite, dit-il, «le RGPD ne nous aide pas pour alimenter l’intelligence artificielle qui doit permettre à ces navettes autonomes de repérer les difficultés et d’avoir les bonnes réactions. Vous vous imaginez aller demander à chaque conducteur ou chaque piéton que vous croisez pendant les tests l’autorisation d’utiliser ses données pour nourrir une intelligence artificielle liée à la mobilité? Américains et Chinois iront, de fait, beaucoup plus vite que les Européens.»

Avenue est un programme européen de test et de déploiement des technologies de véhicules autonomes à grande échelle, qui a retenu quatre sites pour l’instant, Luxembourg, Lyon, Genève et Copenhague. En mai, une quarantaine d’experts européens étaient réunis chez Sales-Lentz à Bascharage pour actualiser leurs connaissances.