Romain Tisné, Talantlers. (Photo: Olivier Toussaint)  

Romain Tisné, Talantlers. (Photo: Olivier Toussaint)  

Dans un article précédent, nous décrivions de profondes transformations sur le marché du travail. Ces évolutions répondent aux changements sociétaux de ces dernières années. Alors que talents et entreprises aspirent à plus de flexibilité, le marché de l’emploi reste extrêmement tendu. Il devient difficile, pour les recruteurs, de trouver le bon candidat, et, pour les employeurs, de fidéliser leurs collaborateurs. À une époque où l’individualisme grandit, le collectif pourrait être la solution idéale pour répondre à ces enjeux. Dans cet article, nous vous expliquons pourquoi la communauté de travail est source de productivité et qu’elle peut s’étendre au-delà des frontières d’une entreprise pour une meilleure gestion des talents.

La communauté de travail est une source d’efficacité

Le marché du travail doit plus que jamais composer avec les préoccupations grandissantes des talents: liberté, flexibilité, valeurs respectées. Cette devise signifie que la sécurité de l’emploi, la carrière ou l’argent ne sont plus les seuls arguments à mettre en avant pour les recruteurs. Souffrant d’un déficit d’attractivité, les entreprises font face à une pénurie de talents. Une véritable rupture se dessine et contraint les entreprises à se réinventer afin de répondre aux besoins de leurs collaborateurs. Dans sa théorie de la main invisible, l’économiste Adam Smith démontrait que la somme des actions individuelles guidées par l’intérêt personnel contribue au bien commun. On peut se poser la question de la validité de sa réciproque. Le collectif aurait le pouvoir de contribuer à satisfaire les besoins individuels.

En entreprise, on assiste à l’émergence de multiples communautés de travail. Elles permettent aux salariés de disposer d’espaces de partage et d’échange qui favorisent les interactions informelles et diminuent la perte d’information. Source d’efficacité et moteur de l’intelligence collective, ces groupements professionnels permettent d’encourager l’innovation et la création. Par exemple, les méthodes de travail comme le design thinking ou le mind mapping sont davantage plébiscitées. Dans ce genre de procédés, le collectif est la clé et permet de générer des idées grâce à la confrontation de différentes opinions.

Par ailleurs, la communauté de travail permet de mobiliser l’expertise, les savoirs et les expériences des individus pour un partage des connaissances optimal. En collectivité, les collaborateurs développent également des soft skills comme l’écoute active, l’empathie et l’intelligence émotionnelle. Le collectif permet donc de mettre l’individu sur le devant de la scène et de créer une nouvelle dynamique au travail.

Les clés d’une communauté de travail performante

Pour bénéficier des effets positifs d’une communauté de travail, leurs leaders doivent s’emparer de projets ou de sujets qui les passionnent pour rassembler les individus autour d’intérêts ou de valeurs communes. Ayant un sentiment d’appartenance fort, leurs membres auront ainsi un engagement plus profond. Par ailleurs, l’intégration à ces groupes doit être libre pour que les collaborateurs y voient un avantage personnel ou professionnel, et non une obligation. Ces collectifs d’entreprise doivent également favoriser la création d’organisations horizontales en valorisant la contribution de chaque collaborateur de manière égale. En effet, la prise de décision n’est plus du ressort d’une personne, mais elle se fait en groupe. Et le projet de la communauté de travail doit être centré sur la valeur qu’il crée pour l’ensemble de ses membres. Lorsque les décisions sont prises au sommet de l’organisation, l’analyse coûts/bénéfices pour toutes les parties prenantes n’est pas toujours communiquée ou comprise. L’objectif n’étant pas de satisfaire tout le monde, il reste toutefois primordial d’identifier les sources de mécontentement éventuelles pour mieux les accompagner.

Les communautés de travail sont une réelle source d’efficacité pour les entreprises. Mais pour répondre aux changements structurels du marché, le besoin de les élargir à l’extérieur des entreprises devient nécessaire, car le collectif n’est plus l’affaire d’une organisation seule, mais aussi de ses partenaires.

L’entreprise étendue: une communauté de travail multi-organisations

Afin de combler leurs attentes vis-à-vis du travail, de nombreux talents se sont tournés vers le statut de travailleur indépendant ou l’entrepreneuriat. Cependant, le désir d’appartenance reste un besoin vital pour l’Homme, et le besoin de créer des communautés devient plus fort que jamais. Il est d’ailleurs fréquent que des free-lances ou des entrepreneurs rejoignent des communautés professionnelles malgré leur désir d’indépendance. Nous constatons également de nombreuses reconversions. Les entreprises ne semblent pas fermées à élargir leurs recrutements à des profils «atypiques», mais la prise de risque n’est pas toujours simple par manque de confiance. Les entreprises étendues favorisent alors ces relations.

La notion d’entreprise étendue désigne un ensemble d’organisations indépendantes qui collaborent entre elles. Elle comprend une entreprise centrale, ses prestataires de services, ses fournisseurs, ses clients et toutes les autres parties prenantes qui contribuent au développement de ses activités. Cette notion devient d’autant plus importante à l’ère où les entreprises délèguent certaines de leurs activités secondaires pour se recentrer sur leur cœur de métier.

Dans ce contexte, la «chasse» des talents et des compétences à l’extérieur des entreprises est inévitable. Le développement des entreprises étendues pourrait être une opportunité pour capter les ressources qui ne souhaitent plus s’engager sur le long terme et de manière exclusive. Il est primordial pour les organisations de mettre en place des partenariats de long terme avec leurs talents afin de rester attractives, d’attirer les meilleurs profils et de respecter leurs aspirations personnelles et professionnelles.

L’entreprise étendue permet également une plus grande flexibilité. En effet, les organisations ont moins de visibilité sur leur activité, et grâce à cet écosystème, elles peuvent adapter leurs ressources humaines à leurs activités. De plus, la multiplication des développements technologiques implique une obsolescence des compétences techniques plus rapide. Le recours à des experts va devenir ponctuel, et non plus à temps plein.

À l’avenir, les entreprises qui sortiront du lot seront celles capables de démontrer leur capacité à fédérer l’ensemble de leurs partenaires et d’identifier la meilleure technologie pour accompagner ces enjeux. L’autre question qui se pose est celle de la confiance entre les différentes parties prenantes. Le succès des communautés de travail et de l’entreprise étendue réside dans la faculté à créer de la confiance entre les individus.

Plus que jamais, nos organisations ressentent le besoin de capitaliser sur le collectif pour réaliser des choses plus grandes que les individus. Afin de maintenir des écosystèmes performants, elles tendent à imposer la collaboration comme une injonction, alors qu’il semble que la confiance est en réalité centrale. Une question reste ouverte: quelle forme doit et peut prendre cette confiance pour apporter de la valeur ajoutée à cette entreprise étendue? Pour partager vos réflexions, contactez-nous sur .

Support éditorial: Hélène Sam