«C’est un gouffre financier.» Dans une interview à nos confrères du Wort en 2024, le CEO du Luxembourg High Security Hub – le nouveau nom du Freeport depuis 2020 –, , le reconnaît: malgré le contrat à long terme avec l’État luxembourgeois, le site ne sera plus jamais rentable. «L’entretien des filtres des climatisations, c’est entre 15.000 et 20.000 euros par mois. Pour les factures d’électricité, on grimpe à 50.000 euros par mois. C’est colossal. On s’en sort car, depuis des années, on a un actionnariat qui a toujours couvert les besoins de financement.»
Dans cette interview, il indique que le Freeport luxembourgeois est le «pire» de la planète, parce que les autorités, engagées dans une bataille pour montrer patte blanche à l’OCDE, ont relevé le niveau d’exigence, décourageant ceux qui auraient voulu entreposer leurs trésors dans ces 22.000 mètres carrés ultrasécurisés.
Malgré les engagements de ses actionnaires, l’infrastructure a bien du mal à sortir la tête de l’eau, comme en témoignent les 4,5 millions d’euros de pertes reportées, à fin 2023, de la holding, sans parler des 22,7 millions d’euros à rembourser à la Bil, la Spuerkeess, la Banque de Luxembourg et la Banque Raiffeisen dans le cadre du financement initial de la construction, à raison de 1,7 million d’euros par an.
«Nous avons un des Freeports probablement les plus performants», avait dit le député et échevin de la Ville de Luxembourg, (CSV), au cours de notre table ronde sur le futur du Findel, sous les yeux de la ministre de la Défense, (DP). «Je ne suis pas là pour faire un rapport historique, mais ce Freeport a eu un certain nombre de problèmes. À un certain moment, il a eu une mauvaise réputation et je me demande si on ne pourrait pas l’intégrer dans l’aéroport, surtout à un moment où on veut développer certaines activités, et je parle maintenant à la ministre de la Défense: on pourrait utiliser ce Freeport pour déposer du matériel militaire sensible. Ce Freeport est très bien organisé. Cet endroit n’est pas suffisamment utilisé. Il faudrait voir si l’État ne pourrait pas le reprendre et l’intégrer dans les structures de l’aéroport. Je suis sûr que cela apporterait une grande plus-value.»
Ce mercredi, (CSV), le député a remis le couvert à la Chambre des députés, peut-être alors sans savoir que la ministre de la Défense avait, dès mardi soir, invité à une conférence de presse, ce vendredi à 13h30, à la Direction de la défense au Kirchberg, pour «présenter l’évolution de l’effort de défense pour atteindre les 2% à partir de 2025». Si l’État ne peut raisonnablement pas commander des chars ou des canons par dizaines, il pourrait très bien reprendre sa structure contre une indemnité et profiter de l’expertise acquise en termes de sécurité du site pour y développer un hub de la défense. Proche de l’aéroport et sécurisé, dans un pays où il ne serait pas si facile de trouver un terrain au niveau de sécurité équivalent: barrière antichars, 300 caméras de surveillance, nouveau scanner à rayons X ou encore système de badge très sûr.
Un expert sous couvert d’anonymat dit même que la convention passée avec l’État pour le terrain pourrait être dénoncée, puisque l’entreprise qui l’exploite ne peut pas être rentable.
Sans nommer spécifiquement le Freeport, dans sa récente étude sur les mesures à prendre pour avancer plus rapidement dans ce secteur où les Européens veulent se réarmer. «Une task force nationale de la défense doit ainsi être créée sans délai pour coordonner les efforts gouvernementaux, industriels et militaires. À cela doit s’ajouter un hub de la défense, un centre sécurisé où les entreprises du secteur, en interaction avec la task force et l’armée, pourront développer, tester et produire leurs innovations dans un environnement adapté aux exigences de sécurité. La création d’une Association nationale des entreprises de la défense (Aned) viendra compléter ce dispositif.»
La recommandation numéro 3 dit d’ailleurs: «Il serait pertinent de créer un site sécurisé, mutualisé et habilité, dédié aux entreprises, start-up et laboratoires souhaitant innover dans la défense. Ce hub abriterait la task force, l’infrastructure de test (recommandation n°5) et l’association des entreprises du secteur, offrant un environnement unique de coopération et de prototypage.»
Difficile de prédire si la ministre de la Défense ira sur cette voie dès ce jeudi à la Chambre des députés pour répondre ou réservera ses annonces aux journalistes le lendemain. Voire plus tard, le temps de verrouiller tout le dispositif. Mais lors de notre table ronde, la ministre avait terminé son discours introductif avec ces phrases: «Un dernier point, qui me tient à cœur en tant que ministre de la Défense: au cours des prochains mois et années, notre aéroport devra répondre au mieux aux nouvelles attentes et aux défis en matière de résilience dans un contexte géopolitique de plus en plus difficile. Il devra jouer un rôle de plus en plus important dans le cadre de notre défense collective de l’Otan.»