Le champ d’application géographique du droit du crédit est l’un des critères régis par les autorités financières luxembourgeoises, le caractère transfrontalier des opérations y étant récurrent. (Photo: Maison Moderne)

Le champ d’application géographique du droit du crédit est l’un des critères régis par les autorités financières luxembourgeoises, le caractère transfrontalier des opérations y étant récurrent. (Photo: Maison Moderne)

L’Association luxembourgeoise des juristes de droit bancaire (ALJB) a tenu sa journée d’étude le 28 avril au Cercle Cité devant un auditoire d’environ 150 personnes venues acquérir des connaissances sur «Le banquier luxembourgeois et le crédit», thème retenu pour cette édition.

, président de l’ALJB, a introduit la séance matinale de la journée d’étude de l’Association luxembourgeoise des juristes de droit bancaire en rappelant que la dernière édition avait eu lieu «dans un monde très différent» en janvier 2020, juste avant le début de la pandémie. Il a ensuite rappelé qu’au Luxembourg, «le crédit est un pan fondamental de l’activité bancaire», et qu’il existe «un encadrement étatique toujours plus poussé des établissements financiers proposant ce service».

Pendant longtemps, le droit se rapportant à la conclusion de contrats de crédit était issu des législations française et belge. Or la spécificité de la Place, notamment en ce qui concerne la banque privée et les fonds d’investissement, a fait naître un certain nombre de cas et décisions de justice qui font aujourd’hui jurisprudence en la matière. La doctrine luxembourgeoise existe et l’ALJB entend la faire connaître au plus grand nombre, notamment via cette journée entièrement consacrée au droit du crédit, sous toutes ses formes. Les évolutions récentes en matière de droit au crédit à la consommation, mais aussi le financement de fonds d’investissement garantis par les engagements de souscription des investisseurs, les opérations de restructuration de dettes hors procédures collectives, les cautions et garanties professionnelles de paiement ou les droits intellectuels comme moyen de financement ont été les thèmes abordés.


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L’ensemble des travaux présentés sont rassemblés dans un ouvrage, «Le banquier luxembourgeois et le crédit», paru chez Anthemis. Les contributions pour la prochaine édition sont déjà ouvertes. « L’ALJB promeut également le développement de la doctrine en droit bancaire et financier en incitant les jeunes juristes à écrire des articles en la matière grâce au Prix de l’ALJB décerné tous les deux ans. Un prix sera attribué par le comité scientifique au meilleur article pour les juristes de moins de 40 ans », précise Sandrine Conin, vice-présidente de l’ALJB.

L’exception qui confirme la règle

Dans un intéressant rappel de la loi européenne qui ne réglemente aujourd’hui l’octroi de crédit que dans une certaine mesure, (par exemple en tant qu'activité de banque ou de service auxiliaire d'une entreprise d'investissement, pour certains types de crédit impliquant des consommateurs), Udo Prinz (avocat chez Clifford Chance) a rappelé que le Luxembourg adopte - hors de cette sphère harmonisée au niveau européen - une position intermédiaire, par rapport à d’autres États membres qui réglementent plus fortement ou beaucoup moins cette activité. «L’octroi de crédit par un établissement non bancaire est normalement assujetti à l’obtention d’un agrément de PSF spécialisé délivré par la CSSF. Or on en compte seulement cinq officiellement recensés à ce jour.»

Cela est énoncé dans l’article 28-4 de la loi relative au secteur financier (LSF) de 1993. Pourtant, le nombre d’établissements qui octroient des crédits est bien plus large, et la typologie de crédits, induite par la spécialisation financière de la Place, y est aussi très étendue (du crédit à la consommation au crédit immobilier ou hypothécaire en passant par le crédit aux investisseurs, le crédit-bail financier et les opérations de refinancement, etc.) La question de savoir si une activité de prêt ou de crédit spécifique exige un agrément sous la LSF se pose de façon régulière dans la pratique, notamment dans le cadre de la mise en place de nouvelles structures comportant des éléments de financement. «Le Luxembourg prévoit certaines limitations ou exemptions sous certaines conditions, je vais tenter de vous donner un aperçu des contours et limites de la réglementation.» De nombreux établissements financiers proposent aujourd’hui du crédit et tous ne rentrent pas dans le cadre de la LSF car ils sont réglementés par des lois spéciales permettant l'octroi de crédit (assureurs et réassureurs, fonds alternatifs, organismes de titrisation, sociétés de paiement électronique…)

L’autre aspect réglementaire spécifique au Luxembourg, et cela a été souligné par plusieurs orateurs au cours de la matinée, est le caractère transfrontalier, voire international, des activités des différents acteurs de la Place financière au Luxembourg. Ceci pose notamment pour les prestataires de services financiers de pays tiers, la question du champ d'application territorial de la règlementation de la LSF.

Un contrat consensuel

, avocate associée chez CMS, a rappelé dans son intervention que la conclusion d’un contrat de crédit faisait l’objet, dans certains cas, d’obligations très définies par la loi, avant et pendant la conclusion du contrat de prêt. Par exemple, le Code de la consommation vient ainsi encadrer la phase précontractuelle et contractuelle.  

«Cela paraît simple, mais c’est un parcours semé d’embûches.» Contracter un crédit relève à la fois du droit des contrats en prenant en compte les spécificités liées au crédit. Au Luxembourg, dans certaines circonstances, et en s’alignant sur des décisions prises dans d’autres juridictions, le contrat de crédit est considéré comme consensuel et non pas réel. Le contrat réel se distingue du contrat consensuel en ce que sa formation exige non seulement un accord de volontés, mais également la remise d’une chose (l’argent). Ainsi, tant que la chose, objet du contrat, n’a pas été remise, le contrat n’est pas formé.

Sur le crédit en lui-même, «généralement, le Luxembourg ne va pas au-delà des dispositions du cadre européen et le transpose tel quel». La loi vise à protéger le consommateur, notamment lorsque le contrat de prêt est conclu à distance et via des moyens entièrement digitalisés. Mais elle oblige aussi les établissements financiers à s’assurer de la prise en compte d’un certain nombre d’information avant la conclusion du contrat, et notamment en ce qui concerne la solvabilité des clients. «Le prêteur doit donc être vigilant dans le cadre de la conclusion d’un contrat de crédit et prendre tous les éléments contraignants en compte.» 

Martine Kayser, directrice juridique adjointe à la BCEE, a quant à elle abordé les spécificités du droit du crédit à la consommation régi par la directive européenne 2008/48/CE révisée en juillet 2021. Dorénavant, sont inclus dans la loi les crédits de moins de 200 euros et jusqu’à 100.000 euros, les crédits conclus pour moins de trois mois, les leasings et les crédits issus du crowdfunding. La proposition de révision de directive a fait l’objet de plus de 100 amendements et sera certainement, dans le futur, encore modifiée.