Joël Duysan, fondateur et PDG de la plateforme de crowdlending Beebonds, déclare que sa société contribue à soutenir l’économie réelle et à aider les entreprises prises en étau par les pratiques de prêt restrictives des banques. (Photo: Beebonds)

Joël Duysan, fondateur et PDG de la plateforme de crowdlending Beebonds, déclare que sa société contribue à soutenir l’économie réelle et à aider les entreprises prises en étau par les pratiques de prêt restrictives des banques. (Photo: Beebonds)

Les investisseurs particuliers peuvent-ils avoir accès à des véhicules de prêt privés à haut rendement normalement réservés aux initiés et aux investisseurs institutionnels? Oui, selon Joël Duysan, CEO de Beebonds, une société de crowdlending principalement active en Belgique et au Luxembourg.

Certains enfants rêvent de devenir pilotes de ligne ou pilotes de Formule 1, mais Joël Duysan, CEO de Beebonds n’en faisait pas partie: «Mon rêve, quand j’étais petit, était de devenir agent de change.» Et c’est exactement ce qu’il a fait après l’université. «J’ai eu la chance de travailler sur le parquet de la Bourse de Bruxelles.» Après que la bourse fut passée d’un système à la criée à la négociation électronique, il s’est orienté vers les fonds d’investissement et la gestion de patrimoine.

Dans le sillage de la crise des subprimes de 2008, «le défi était de trouver un produit financier qui soit bon pour la planète, bon pour les clients, bon pour la société, et pas seulement bon pour les commissions de gestion des fonds», a-t-il déclaré à Delano. «Je ne l’ai pas trouvé, alors, j’ai dû le créer.» Comme par hasard, la Belgique venait d’adopter une nouvelle loi autorisant les plateformes de crowdlending, «nous avons donc créé Beebonds».

Beebonds met en relation des investisseurs particuliers et institutionnels avec des emprunteurs de projets immobiliers et d’entreprise, qui émettent une dette mezzanine négociable offrant un rendement brut annuel de 6 à 9%. La société a facilité l’octroi de prêts pour un montant d’environ 44 millions d’euros au cours de 44 campagnes de crowdfunding. Environ 10% du total des prêts ont été accordés à des projets au Luxembourg.

Projets immobiliers

Les emprunteurs peuvent demander des sommes comprises entre 500.000 euros et 5 millions d’euros. Beebonds a commencé par financer des promoteurs immobiliers, cherchant à compléter un crédit bancaire. Auparavant, ce rôle était rempli par des tours de financement «amis et famille». «Nous remplaçons les amis et la famille par la foule.» Le plafond de Beebonds est de 75% de «l’écart entre le coût total et ce que la banque a prêté», ce qui signifie qu’il y a quand même encore un tour de table des amis et de la famille ou d’autres sources de financement nécessaires.

La société a commencé par le financement de biens immobiliers en Belgique, mais elle s’intéresse de plus en plus aux promoteurs immobiliers au Luxembourg. Le risque de tout projet immobilier est que le promoteur ne soit pas en mesure de vendre complètement le bien. Étant donné le dynamisme du marché du Grand-Duché, ce «type de risque n’existe pas, car tout se vend en cinq minutes». Autre différence entre les deux marchés: les emprunteurs immobiliers au Luxembourg recherchent principalement des financements pour aider à l’achat de terrains à développer, tandis que ceux de Belgique cherchent à couvrir les coûts de construction.

Pour l’instant, Beebonds se concentre sur l’immobilier résidentiel, mais Joël Duysan a déclaré qu’il pourrait s’étendre aux bureaux, à la logistique et aux établissements d’enseignement. Outre la Belgique et le Luxembourg, Beebonds a financé des projets en Espagne. «En théorie, nous sommes en mesure de financer des projets partout dans l’Union européenne.»

Prêts aux entreprises

Beebonds canalise également ses investissements vers des projets d’entreprise. «Nous avons financé Pitaya», une franchise de cuisine de rue thaïlandaise comptant 90 restaurants en France et qui ouvre un établissement au Luxembourg. Le franchisé a levé 1,5 million d’euros, rapporte Joël Duysan. Dans le sillage des fermetures dues au Covid, les banques «n’ont pas voulu les financer. C’est nous qui finançons la franchise au Benelux.» Beebonds a également travaillé avec Yoga Home, un studio de yoga.

Le pitch pour les investisseurs

Joël Duysan a positionné la société comme offrant aux petits épargnants un accès et des rendements qui seraient normalement réservés aux investisseurs institutionnels ou aux clients de la gestion de patrimoine. Les promoteurs proposent un taux d’intérêt annuel pouvant atteindre 9%, un rendement offert par «aucune banque, aucun gestionnaire de fonds».

Une fois que les investisseurs potentiels ont ouvert un compte sur la plateforme et effectué les contrôles requis, le montant minimum de l’investissement est de 500 euros. Selon Joël Duysan, l’investissement moyen est d’environ 12.000 euros. La plupart des investisseurs sont des particuliers, mais des investisseurs professionnels, tels que des sociétés d’investissement et des assureurs, ont pris des tickets de 100.000 euros. Les investisseurs viennent de toute l’UE, ainsi que d’Israël, de Monaco et de Suisse.

Les investisseurs reçoivent ensuite «toutes les informations sur tous les projets que nous mettons sur la plateforme et c’est ensuite à eux de choisir. Ce qui est important pour les gens, c’est que nous donnons le choix à l’investisseur. Nous ne donnons aucun conseil.»

Contrairement à de nombreuses autres formes de financement privé, les obligations Beebonds sont liquides. Elles peuvent être vendues avant la date de remboursement fixée sur l’Expert Market de la Bourse de Bruxelles.

La plateforme a enregistré un «taux de défaut nul à l’heure actuelle», affirme Joël Duysan. «Certains dossiers immobiliers ont connu des retards suite à la crise du Covid, mais aucun n’a fait défaut sur le remboursement final.»

Coûts et contrôles

Les prêts inférieurs à une certaine taille ne seraient pas rentables, a-t-il expliqué. Cela s’explique en partie par le fait que tous les projets de la plateforme sont examinés de manière indépendante par les cabinets de conseil et d’audit Deloitte ou PwC. Ces contrôles par des tiers sont soulignés dans les documents de l’entreprise et ont été fortement mis en avant lors de l’entretien avec Delano. Il est «rare» de pouvoir investir dans un tour d’amis et de famille «sous la supervision de PwC ou Deloitte», déclare Joël Duysan. «Il est très important pour nous que cette analyse soit faite, mais cela a un coût. Et c’est pourquoi nous ne faisons aucun projet inférieur à 500.000 euros.»

Deloitte et PwC ont tous deux déclaré à Delano qu’ils ne donnaient pas d’avis sur les investissements de la plateforme de Beebonds. «Nous analysons les informations reçues de l’émetteur et rédigeons la note descriptive du projet en question», a déclaré un porte-parole de PwC en Belgique. «PwC n’est pas responsable du business plan, et nous n’effectuons pas d’audit des projets ni des entités émettrices.»

«Nous nous assurons simplement que les informations qui sont communiquées» sont conformes aux exigences de la FSMA, le régulateur financier belge, a déclaré une porte-parole de Deloitte en Belgique.

Ruches d’abeilles

Après le financement de chaque projet, Beebonds finance une ruche gérée par Ukeepers, un groupe d’apiculture urbaine à Bruxelles. Pourquoi des abeilles? Joël Duysan a comparé sa plateforme au rôle des abeilles qui collectent le pollen, retournent à la ruche et créent du miel. Au lieu du miel, «nous créons des liens».

Duysan a fait valoir que Beebonds était idéal pour les investisseurs qui veulent contribuer à l’économie réelle et «ne pas spéculer sur le marché boursier. Parce que lorsque vous financez un projet immobilier, vous financez les gens qui travaillent dans la construction, qui travaillent dans l’agence immobilière… Mon rêve était de faire en sorte que l’argent retourne dans la vie réelle, un vrai produit financier, pas quelque chose sur lequel on spécule.»

Cet article a été écrit pour , traduit et édité pour Paperjam.