De Mike Koedinger à (12.06.2021, 10:14) – . «Quels ont été les principaux apprentissages de votre carrière dans les médias au Luxembourg? Au niveau du marché, et au niveau de votre style de leadership?
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 09:49) – . «Lorsque j’ai quitté PwC, en 2000, pour débuter chez Editpress le 11 septembre de la même année, je ne pensais pas voir et vivre autant d’évolutions. En 20 ans, il y a sans doute eu plus de mutations du paysage médiatique luxembourgeois que lors des 150 années précédentes. Pour moi, les principales (r)évolutions ont été la francophonisation des médias, et de la presse écrite en particulier: lancement du Quotidien, de La Voix, de Paperjam, de L’Essentiel, du Point 24… Et ceci en réponse au poids croissant des francophones (résidents et frontaliers) dans la démographie luxembourgeoise.
Je trouve que, dans l’ensemble, les médias luxembourgeois font preuve de résilience et s’adaptent avec succès à ces nouveaux paradigmes.
Puis, il y a eu l’impact d’internet sur la consommation des médias à partir des années 2010, les transformations successives des modèles économiques des médias issues de l’émergence puis l’hégémonie des Gafa qui bouleversent et fragilisent l’ensemble du paysage médiatique. Mais aussi l’internationalisation des maisons de presse qui, progressivement, sont absorbées par des groupes internationaux. Et, finalement, l’accélération de la digitalisation provoquée par la crise sanitaire.
Les menaces qui pèsent sur notre secteur ont gagné en intensité et en diversité. Je reste pour autant convaincu que nous avons de belles opportunités à saisir. La preuve: le Luxembourg n’a jamais compté autant de journalistes et de médias qu’actuellement.
Je trouve que, dans l’ensemble, les médias luxembourgeois font preuve de résilience et s’adaptent avec succès à ces nouveaux paradigmes.
De Mike Koedinger à Emmanuel Fleig (23.06.2021,10:54) – . «Et comment votre style de leadership a-t-il évolué? Vous êtes entré chez Editpress au service de la direction générale, puis vous êtes devenu CEO d’Edita. D’une fonction à l’ombre à une qui est très observée…
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 14:33) – . «Avec du recul, toute ma carrière dans les médias semble avoir suivi un fil rouge. Premier non-Luxembourgeois à intégrer la direction générale d’Editpress, mon rôle était l’étude et la gestion de projets de développement. L’une de mes premières missions fut d’étudier l’opportunité d’éditer un quotidien francophone au Luxembourg, avec pour résultat le lancement, fin 2001, du journal Le Quotidien, en association avec le Républicain Lorrain.
Courant 2005, m’a confié la lourde tâche d’étudier si un quotidien gratuit avait du sens et serait viable au Luxembourg qui, à cette époque, comptait un peu plus de 400.000 résidents. En octobre 2007, nous lancions, avec Tamedia (aujourd’hui TX Group), L’Essentiel. Et, pour la première fois, je prenais la direction opérationnelle d’un projet que j’avais géré.
Alors, oui, mon style de leadership a évolué: j’ai en particulier eu la chance incroyable d’avoir pu recruter directement l’intégralité des collaborateurs qui contribuent au développement et au succès de nos médias. Ceci dit, je reste persuadé qu’un CEO d’un groupe média est bien moins observé, voire médiatisé, que ne peut l’être un rédacteur en chef, par exemple. Et cela me convient parfaitement, car j’ai toujours préféré développer avec discrétion et humilité les affaires confiées par mes actionnaires.
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De Mike Koedinger à Emmanuel Fleig (23.06.2021, 14:59) – . «Chez 20 Minuten, vous succédez à Marcel Kohler, qui a débuté sa carrière dans les médias il y 40 ans, dont 20 passés au quotidien Neue Züricher Zeitung, puis dans différents postes de direction de TX Group. Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec Marcel Kohler? Quel était son rôle dans votre recrutement pour sa succession?
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 16.09) – . «Marcel Kohler a pris ses fonctions chez 20 Minuten quelques semaines, peut-être un mois, avant notre première rencontre dont le sujet était MZ-Lux – nom de code pour ‘Mobilität Zeitung Luxemburg’ – car, à cette époque, nous étions encore très loin d’avoir trouvé le nom ‘L’Essentiel’. Nous nous sommes immédiatement compris, même si nos profils sont loin d’être similaires. Marcel a porté ce projet côté Tamedia; moi, côté Editpress. Et lorsqu’enfin, après 18 mois d’analyse, de négociations, de recherches de financement, nous sommes arrivés à la conclusion que oui, une association entre Goliath (Tamedia) et David (Editpress) a du sens et ce projet aura du succès au Luxembourg, je me souviens des premiers conseils de Marcel à mon égard: ‘Dorénavant, tu dois retirer ta cravate, et porter le jeans! Nous n’allons pas faire un journal élitiste! Tu auras gagné la partie lorsque tu verras, d’un côté, les lycéens prendre ton journal et, en parallèle, le banquier d’UBS, avec sous son bras le FT et ton MZ-Lux’.
Les compétences de Marcel, sa disponibilité, son engagement pendant ces 15 dernières années – tant au niveau du conseil d’administration qu’au cours d’échanges plus personnels – ont été l’un des facteurs de réussite de L’Essentiel. Grâce à lui, nous avons pu bénéficier de l’aide inconditionnée de toute l’équipe de 20 Minuten/Minutes.
Quelques heures avant d’annoncer son départ à la retraite, Marcel m’a demandé de me porter candidat à sa succession: mon bilan, mais surtout cette ferme conviction que nous partageons des valeurs communes tant au niveau professionnel que personnel, lui semblaient être des atouts. Alors que, pour ma part, je pensais qu’un Français du Luxembourg n’avait aucune chance de reprendre la direction du principal média suisse. Ensuite, le processus de recrutement a suivi son cours. Et la tâche n’a pas été aisée, croyez-moi!
C’est donc avec honneur et respect que je reprendrai les responsabilités de Marcel et que j’essayerai de conserver ses valeurs de culture d’entreprise, de travail d’équipe et d’humanité.
De Mike Koedinger à Emmanuel Fleig (23.06.2021, 16:21) – . «Et Pietro Supino, le ‘executive chairman’ du TX Group? S’il est moins connu au Luxembourg, c’est pourtant une personnalité hors normes en Suisse où il préside l’association Schweizer Medien, est membre du board du Family Business Network, en Italie où il est dans le conseil d’administration de Gedi, le groupe de presse qui édite notamment La Repubblica ou encore La Stampa. Il participe aux conférences Bilderberg et, n’oublions pas, sa famille compte parmi les actionnaires décisionnaires du groupe. Vous serez en bonne compagnie. Comment qualifierez-vous vos rapports?
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 19:46) – . «Vous l’avez dit, Pietro Supino est hors norme et occupe de nombreuses responsabilités en Suisse, mais aussi à l’étranger. Et pourtant, jusqu’à la semaine passée Pietro Supino n’avait pas manqué un seul conseil d’administration ou une seule AG d’Edita, la société éditrice de L’Essentiel. Cela a toujours été un honneur de pouvoir compter sur sa présence et sur son intérêt pour cette filiale luxembourgeoise alors qu’avec nos 10 millions de chiffre d’affaires, nous ne représentons que 0,5% du chiffre d’affaires consolidé de TX Group. J’ai donc eu l’occasion de côtoyer à de nombreuses occasions Pietro Supino. Il est L’Editeur! ‘Der Verleger’: il allie l’élégance, l’empathie et l’intelligence des Italiens avec la rigueur, la précision le professionnalisme des Suisses.
Pietro – nous nous tutoyons depuis quelque temps – s’est beaucoup investi dans le recrutement du CEO de 20 Minuten, démontrant là aussi son intérêt marqué pour les médias pendulaires.
J’ai peu changé d’employeur au cours de ma carrière. À chaque fois, le charisme du dirigeant a été l’élément décisif de mon choix final. Cela l’a été lorsque m’a recruté chez PwC, Alvin Sold chez Editpress, et à présent Pietro Supino. Je me réjouis de pouvoir travailler plus intensément avec lui dans le cadre de 20 Minuten ou de la direction générale du groupe TX. C’est un visionnaire et, dans nos métiers, cette qualité est fondamentale.
L’année 2020 est à mettre aux oubliettes, mais les perspectives sont vraiment encourageantes.
De Mike Koedinger à Emmanuel Fleig (23.06.2021, 20:20) – . «En rejoignant le groupe 20 Minuten, vous avez accepté un sacré challenge. Outre les quotidiens gratuits de la marque 20 Minuten, sa radio éponyme, vous serez aussi responsable du site web suisse LeMatin.ch, du quotidien Metroexpress au Danemark et des titres orientés lifestyle, comme le mensuel Encore ou l’hebdomadaire 20 Minuten Friday. Dans quel état se trouve le groupe, actuellement? Quels sont ces principaux enjeux?
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 21:01) – . «… médias auxquels se rajoutent Heute en Autriche et L’Essentiel au Luxembourg!
Je ne connais pas encore en détail la situation économique de chacun de ces médias. Par contre, je connais une partie des équipes. Elles fournissent un travail formidable et sont pilotées par des équipes dirigeantes performantes.
La catégorie des médias pendulaires est certainement celle qui a le plus souffert de la crise sanitaire: ‘lockdown’, télétravail, dépendance intégrale du marché de la publicité, alors que de nombreux commerces étaient fermés pendant de longs mois. Néanmoins, les médias gratuits de TX Group ont pris très tôt le virage du digital: convergence print/web, ‘web first’ et, aujourd’hui, ‘mobile first’! L’année 2020 est à mettre aux oubliettes, mais les perspectives sont vraiment encourageantes. Pour preuve, les investissements récents dans 20 Minutes Now (Video), la collaboration avec Ringier pour la mise en place d’un identifiant commun au niveau suisse, la volonté d’harmoniser les critères de qualité propres à l’ensemble des médias gratuits du groupe. Concernant les autres enjeux, vous comprendrez qu’il me faudra d’abord les aborder et les convenir en interne, une fois mes nouvelles fonctions prises.
De Mike Koedinger à Emmanuel Fleig (23.06.2021, 21:11) – . «Le groupe est aussi dans l’innovation. Au début de ce mois, 20 Minuten a lancé son application Smart TV 20 Minuten. Elle permet de connecter son smartphone, et donc les contenus 20 Minuten sur son poste de télévision. On passe du quotidien au web, à la radio, puis à la télé. À quelle part de marché, entre les chaînes traditionnelles et les services de streaming, vous attendez-vous?
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 21: 17) – . «Ces décisions ont été prises il y a quelques mois déjà. Je ne dispose pas de ces données pour l’instant.
De Mike Koedinger à Emmanuel Fleig (23.06.2021, 22:14) – . «Vous quittez le Luxembourg où le paysage médiatique est en pleine transformation. Des titres historiques, comme ou Den neie Feierkrop, ont disparu, RTL.lu dépasse l’audience de RTL TV, , . . À quoi ressemblera le paysage médiatique au Luxembourg dans 10 ans? Qu’en dit votre boule de cristal?
De Emmanuel Fleig à Mike Koedinger (23.06.2021, 23:18) – . «Je suis bien trop rationnel pour lire dans une boule de cristal… mais pour vous, Mike, je veux bien me livrer à cet exercice empirique sans quitter d’un œil le match France – Portugal 👍👍.
Dans 10 ans, Editpress aura été racheté depuis bien longtemps par un groupe étranger. Bertelsmann aura vendu RTL Lëtzebuerg, qui deviendra un média du service public. L’Essentiel sera la tête de pont des principaux médias gratuits européens et Elon Musk, nouvel actionnaire de Maison Moderne, envisagera de lancer Paperjam édition Lune! Les réseaux sociaux auront perdu toute crédibilité. Je fabule? Oui, sans aucun doute… mais peut-être pas totalement.»