Déjà candidat en 2017, le ministre des Finances portugais, Mário Centeno, lui avait été préféré . Cette fois-ci, Pierre Gramegna (DP) tente sa chance face à ses homologues espagnol, Nadia Calviño, et irlandais, Paschal Donohoe, pour briguer la présidence de l’Eurogroupe à partir du 12 juillet, date de la fin du mandat de M. Centeno.
À 62 ans, le ministre des Finances luxembourgeois peut mettre en avant sa solide expérience diplomatique et politique, autant que sa connaissance des problématiques européennes.
Résumé en cinq points de ses atouts pour le poste et de ses thèmes de travail de prédilection.
1/ Des convictions européennes
Impossible pour un ministre des Finances luxembourgeois de ne traiter que les dossiers nationaux. Les problématiques transfrontalières sont quotidiennes et lui sont donc familières, qu’elles concernent l’activité de la place financière ou les impôts des travailleurs frontaliers.
Parmi ses récentes prises de position, Pierre Gramegna s’est toujours déclaré en faveur de «plus d’Europe»: lancement de «coronabonds», finalisation de l’Union bancaire, renforcement des moyens communs dans la lutte contre le blanchiment de capitaux… Mais aussi de davantage de solidarité entre pays membres pour faire face aux conséquences de la pandémie de coronavirus.
Leo, le magazine de Luxembourg for Finance, écrivait ainsi en mai: «Le ministre Gramegna souhaiterait voir davantage d’actions communes, après les premières réactions regrettables de la plupart des gouvernements, par exemple lors de la fermeture des frontières. S’il est compréhensible que les pays agissent au niveau national et donc de manière non coordonnée dans les situations d’urgence, l’Europe devrait maintenant travailler de concert pour traiter les questions restantes à court et moyen terme et réfléchir à l’importance de l’approfondissement du marché unique. Si l’Europe ne peut pas agir ensemble pour faire face à des événements extérieurs comme celui-ci, il ne faut pas s’étonner que les citoyens remettent en question le rôle de l’UE.»
En tant que ministre des Finances, Pierre Gramegna est par ailleurs membre de l’Eurogroupe depuis plus de six ans.
2/ Des qualités de diplomate
«Consensus et compromis»: c’est ce que les challenges à relever post-Covid nécessiteront, estimait Pierre Gramegna lors de l’officialisation de sa candidature .
Des atouts qu’il peut dégainer du fait de son passé de diplomate. Il a en effet occupé les postes de consul général et de directeur du Board of Economic Development à San Francisco, ainsi que celui d’ambassadeur du Luxembourg au Japon et en Corée du Sud.
Avant de passer10 ans à la tête de la Chambre de commerce (2003-2013), où il a pu se familiariser avec toutes les parties prenantes du tissu économique et étoffer davantage son réseau.
«Il est plus facile, quand on vient d’un petit pays aux finances en ordre, de viser le seul objectif d’amener le consensus. Enfin, je suis un diplomate de carrière. J’ai accumulé 20 ans de pratique de négociations diplomatiques et je parle une demi-douzaine de langues», confirme-t-il dans une interview aux Échos le 8 juillet .
Une expérience et un réseau qu’il met désormais à profit dans ses missions de représentation à l’étranger, en tant que ministre des Finances.
Récemment, son duo gagnant avec Étienne Schneider aux Émirats arabes unis en prélude à l’exposition universelle avait d’ailleurs fait des étincelles et permis de renforcer les liens entre les deux pays.
Pierre Gramegna est également de tous les grands événements de la place financière, comme de ceux qui engagent les relations diplomatiques et économiques du pays.
Habitué des pupitres, ses allocutions sont souvent faites sans notes, tandis que ses bons mots d’introduction sont toujours attendus!


















3/ La lutte contre le changement climatique
Les enjeux climatiques lui sont chers. Si bien qu’il adapte désormais son «dress code»: s’il ne porte pas de cravate verte, c’est qu’il arbore alors le pin’s des Objectifs de développement durable des Nations unies.
Ses interventions en faveur du développement de la finance durable sont légion. Tout comme il soutient le «Green Deal» européen.
Et se rend aux événements phares qui concernent la lutte contre le réchauffement climatique, comme la COP25 à Madrid en décembre dernier .

Pierre Gramegna avec Carole Dieschbourg, ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable (Déi Gréng), lors de la COP25 à Madrid, en décembre 2019. (Photo: SIP)
4/ L’intérêt pour l’innovation
Parmi ses motivations à occuper le poste de président de l’Eurogroupe, Pierre Gramegna met en avant l’urgence pour l’Europe de «retrouver rapidement le chemin de la reprise» et de «revigorer sa compétitivité, son unité et sa résilience, tout en s’engageant résolument sur la voie de la transition verte et numérique», déclarait-il dans le communiqué annonçant sa candidature le 25 juin.
Il n’est pas rare de le voir rôder à la Lhoft, à la House of Startups, ou de se faire le porte-drapeau du pays, comme au Paris Fintech Forum, pour promouvoir l’écosystème luxembourgeois de la tech et débattre de l’environnement réglementaire des sociétés du numérique.








5/ Une marotte: le «level playing field»
Rares sont ses interventions qui ne mentionnent pas le «level playing field», c’est-à-dire des règles du jeu équitables ou une concurrence à armes égales. Une marotte que son prédécesseur (CSV) et désormais président de la Chambre de commerce, Luc Frieden , distillait déjà en son temps sur d’autres dossiers.
À l’OCDE à Paris, à l’occasion du 10e anniversaire du Forum mondial en novembre dernier , celui-ci relève que «l’ingrédient-clé du succès consistait à obtenir un ‘level playing field’, ce qui a permis d’aller de l’avant», rappelant la position du Luxembourg en matière de transparence fiscale.
Cette expression lui colle en tout cas à la peau: «Qu’il s’agisse de la supervision des fonds, de la taxe sur les transactions financières (TTF), de l’harmonisation de la base imposable de l’impôt des sociétés ou de la ‘taxe Google’, Pierre Gramegna sort le cheval de bataille du level playing field», écrivait le Land en octobre 2017 .
Ces cinq atouts pèseront-ils dans la balance? Réponse ce jeudi durant l’élection qui se déroule par visioconférence et qui concerne un mandat d’une durée de deux ans et demi.
S’il venait à être élu président de l’Eurogroupe, Pierre Gramegna garderait son mandat national. Il présiderait alors les réunions mensuelles et exceptionnelles des ministres des Finances de la zone euro et présenterait l’issue de ces réunions au public. Le président de l’Eurogroupe représente par ailleurs la zone euro dans les forums internationaux.
Biographie express
1988-1992: conseiller en affaires politiques et économiques auprès de l’ambassade du Luxembourg à Paris
1992-1996: consul général et directeur du Board of Economic Development à San Francisco
1996-2002: ambassadeur du Luxembourg au Japon et en Corée du Sud
2002-2003: direction des relations économiques internationales au ministère des Affaires étrangères
2003-2013: directeur général de la Chambre de commerce
Depuis 2013: ministre des Finances
Formation: Pierre Gramegna a obtenu une maîtrise de droit civil à l’université de Panthéon-Assas (Paris II), une licence de sciences économiques, et un DEA en droit européen. Il est par ailleurs docteur honoris causa de la Sacred Heart University Luxembourg.
Pierre Gramegna est né le 22 avril 1958 à Esch-sur-Alzette.