L’Administration des contributions directes ne délivre plus que 148 rulings par an d’après le dernier rapport annuel. (Photo: Christophe Olinger/Archives Maison Moderne)

L’Administration des contributions directes ne délivre plus que 148 rulings par an d’après le dernier rapport annuel. (Photo: Christophe Olinger/Archives Maison Moderne)

Le ministre des Finances Pierre Gramegna a confirmé lundi dans le cadre du dépôt du projet de budget de l’État que les rulings élaborés avant 2015 cesseront d’exister au 1er janvier 2020.

Le Grand-Duché s’apprête à clore (à son grand soulagement) une ère bel et bien révolue: celle des rulings «ancien régime», comme les qualifiait pudiquement le rapport d’activité de l’Administration des contributions directes à partir de 2015.

«Le paysage international n’a jamais changé aussi rapidement que ces dernières années», introduisait  (DP) au fil de son discours , présenté lundi à la Chambre. «Des pratiques agressives qui étaient acceptables encore hier ne sont plus envisageables aujourd’hui. Le Luxembourg accompagne cette évolution de manière proactive et a adapté ces dernières années sa législation à cette nouvelle réalité.»

Une réalité qui a frappé de plein fouet la coalition DP-LSAP-Déi Gréng fraîchement arrivée au pouvoir avec l’infamie de son placement sur la liste noire du Forum mondial de l’OCDE sur la transparence fiscale à l’automne 2013, puis le scandale LuxLeaks un an après – de quoi occuper le nouveau ministre des Finances de l’époque.

La loi du 19 décembre 2014 sur le paquet pour l’avenir (Zukunftspak) a mis en place une , comprenant notamment une commission des décisions anticipées chargée d’examiner et d’évaluer les demandes de rescrits présentées par les sociétés. Elle se réunit une trentaine de fois par an.

Tous les rulings émis avant 2015 deviendront automatiquement caducs au 1er janvier 2020.
Pierre Gramegna

Pierre Gramegnaministre des Finances

Surtout, les rescrits émis par l’Administration des contributions directes ont vu leur durée de validité réduite à cinq ans. 2020 sonne donc le glas des rulings à l’ancienne puisque les derniers validés avant l’entrée en vigueur de la loi de 2014 souffleront leurs cinq bougies le 31 décembre prochain au plus tard.

C’est ce qui a permis à M. Gramegna de  que «le budget 2020 précise que tous les rulings émis avant 2015 deviendront automatiquement caducs au 1er janvier 2020». Histoire pour le gouvernement de «montrer qu’il est sérieux lorsqu’il dit que le Luxembourg a changé et qu’il fait partie des pionniers en matière de transparence fiscale». Et aussi de tarir la source de  précédemment trop généreux.

Une baisse de 80% des rescrits en trois ans

De fait, le nombre de décisions fiscales anticipées a  dans le rapport annuel d’activité de l’Administration des contributions directes de 2015, qu’il s’agisse des décisions anticipées de type général (advance tax rulings) ou des rescrits spécifiques concernant les transactions de financement intragroupe en matière de prix de transfert (advance pricing agreements). L’ACD avait ainsi délivré en 2018 pas moins de 80% de rulings de moins qu’en 2015 d’après le rapport annuel du ministère des Finances.

Cette forte diminution des demandes «signifie que beaucoup de rulings n’étaient pas nécessaires», indiquait l’avocat fiscaliste , cofondateur et partner chez Bonn Steichen & Partners, dans l’article consacré à la réforme fiscale paru dans le . «Pour un pourcentage non négligeable de dossiers, les conseillers ne demandent plus de ruling lorsqu’ils savent que l’opération est à la limite de l’abus de droit fiscal.» Selon le fiscaliste, «beaucoup de rulings étaient également rédigés pour rassurer les clients qui demandaient une confirmation écrite de l’avocat avec tampon de l’inspecteur fiscal».

Le Grand-Duché n’a pas jeté l’éponge sur les prix de transfert

Conséquence de cette forte diminution: les recettes induites par le traitement des demandes de rescrits ont elles aussi fondu. Car depuis 2014, l’introduction d’une demande coûte de 3.000 à 10.000 euros à son bénéficiaire selon la complexité du dossier. En 2018, l’ACD a facturé 1,2 million d’euros pour l’examen des dossiers contre 6,3 millions en 2015.

Déterminé à refermer une fois pour toutes la page des rescrits dépendant du  du bureau VI de l’ACD, le Grand-Duché défend toutefois le bien-fondé de sa législation en matière de calcul des prix de transfert, comme le démontre sa réaction après que la Commission européenne a qualifié le ruling accordé à Fiat d’. Il n’a d’ailleurs pas encore fait connaître sa position alors que cette décision a été  fin septembre. Un pourvoi devant la Cour de la CJUE n’est pas à exclure.