L’enchaînement des événements a amplifié l’anxiété des investisseurs, privés de repères après des chutes généralisées. (Photo: Shutterstock)

L’enchaînement des événements a amplifié l’anxiété des investisseurs, privés de repères après des chutes généralisées. (Photo: Shutterstock)

La pandémie de coronavirus et le krach pétrolier ont généré une volatilité extrême sur les marchés financiers. Décryptage de la semaine écoulée et des annonces qui seraient de nature à rassurer les bourses.

Les salles de marché ont connu une semaine digne des meilleurs «roller coasters». «Passionnante» et «dont on se souviendra longtemps» pour les uns, «brutale et horrible» pour les autres.

L’enchaînement des événements a amplifié l’anxiété des investisseurs, privés de repères après des chutes généralisées. «C’est un peu comme quand on attend le bus: on attend longtemps, et d’un seul coup, il y en a plusieurs…», observe Frédéric Rollin, senior investment adviser chez Pictet Asset Management.

Retour sur une semaine de stress boursier.

Lundi 9 mars: un lundi noir pour ouvrir la semaine

> Sur les marchés: Les bourses européennes clôturaient toutes dans le rouge lundi soir (-7,69% pour la Bourse de Londres, -7,94% pour Francfort, -7,96% pour Madrid, -8,39% pour Paris, -11,17% pour Milan), affichant des plus bas historiques.

À Wall Street, une suspension de séance a été nécessaire peu après l’ouverture, conformément à la procédure de «coupe-circuit» activée pendant quelques minutes en cas de forte baisse. Le Dow Jones a finalement perdu 7,79% et le Nasdaq 7,29%: leur pire séance depuis 2008.

Signe de grande fébrilité, le VIX (surnommé «l’indice de la peur»), qui mesure la volatilité des marchés, atteint un pic de 62 points (contre une moyenne de 16 points sur les dix dernières années). Il s’agit de son plus haut niveau depuis la crise financière de 2008, pendant laquelle il frôlait les 90 points.

> Les causes: à la décision unilatérale de l’Arabie saoudite de baisser drastiquement le prix de son pétrole et d’augmenter sa production, après l’échec de négociations avec la Russie. jusqu’à 25% en séance, du jamais vu depuis 1991 et le déclenchement de la première guerre du Golfe.

Cette dégringolade a par ailleurs été amplifiée par les conséquences du coronavirus.

Mardi 10 mars: une journée hésitante

> Sur les marchés: Les bourses européennes ont rapidement repris des couleurs mardi matin, suite au rebond d’environ 8% des prix du pétrole. Mais dans l’après-midi, et à la clôture, les grands indices européens étaient à nouveau dans le rouge.

De l’autre côté de l’Atlantique, le Dow Jones a pu clôturer sur un gain de 4,89%, alors que le Nasdaq a gagné 4,95%.

> Les causes: Beaucoup de facteurs d’incertitude demeurent. La Commission européenne annonce la création d’un fonds de 25 milliards d’euros pour lutter contre le coronavirus et aider les PME. Mais les investisseurs ont surtout les yeux rivés sur les annonces de la BCE à venir.

Mercredi 11 mars: passage en phase de «bear market»

> Sur les marchés: Après un début de journée dans le vert, le CAC 40 termine à -0,57%, et les valeurs bancaires repartent à la hausse. Les indices américains, eux, plongent: le Dow Jones chute de 5,87% et le Nasdaq de 4,70%.

La phase de «bear market» est enclenchée: en effet, en affichant une baisse supérieure à 20% par rapport à son plus haut du 19 février dernier, le Dow Jones rompt officiellement avec une tendance haussière de 11 ans. Un signe qui peut annoncer une récession.

> Les causes: L’indécision de la Maison Blanche quant aux mesures de soutien économique à prendre pour affronter les conséquences du coronavirus rend les marchés nerveux. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) requalifie par ailleurs l’épidémie de coronavirus en pandémie.

Jeudi 12 mars: jeudi noir historique

> Sur les marchés: Incontestablement une des pires journées de l’histoire des marchés. Les bourses européennes ont clôturé dans le rouge jeudi soir: le CAC 40 a fini à -12,28% (la plus forte chute de son histoire), le DAX à -11,43%, le Bel 20 à -14,21% (également une chute historique), la Bourse de Londres à -10,87%, et celle de Milan à -16,92%.

Le regain d’inquiétude a également fait plonger le Dow Jones de -9,99%, soit sa plus forte baisse depuis le krach de 1987.

> Les causes: La Fed annonce son intention d’injecter des milliers de milliards de dollars pour permettre aux banques et aux entreprises de se financer.

Mais  de l’espace Schengen aux États-Unis pendant 30 jours, suivie d’annonces mal reçues de la Banque centrale européenne, a semé la zizanie.

« sur la trésorerie des entreprises était adéquate. Et une baisse des taux n’était effectivement pas nécessaire. Mais sa communication a été maladroite», note Frédéric Rollin. Avant d’ajouter: «Le problème consiste aujourd’hui dans la coordination des actions: par exemple, suite aux mesures de la BCE, les banques vont-elles réellement prêter davantage aux entreprises pour parer à leurs problèmes de solvabilité?»

Vendredi 13 mars: un rallye haussier pour rien

> Sur les marchés: Après avoir fortement rebondi à l’ouverture, puis affiché une progression de 9%, le CAC 40 a terminé sur une hausse de 1,83%. Le Dax allemand et le FTSE anglais ont atteint des niveaux de hausse similaires, avant de clôturer respectivement à +0,77% et +1,65%.

De la même manière, le Dow Jones, le Nasdaq et le S&P 500 ont progressé de 6% en séance, mais les trois indices ont perdu du terrain au fil de la journée.

Parallèlement à la chute des bourses, les rendements obligataires plongent du fait de la ruée vers les obligations d’État, considérées comme des actifs refuges. Le taux d’émission des OAT françaises a chuté à -0,37%, et le rendement à 10 ans américain a décroché jusqu’à 0,4%.

«Des mouvements violents ont lieu sur les marchés de taux. Ce qui rend la gestion traditionnelle diversifiée très complexe: les actifs risqués comme les actifs non risqués se sont mal comportés. Et même les taux sans risque, américains et allemands, ont contre-performé. Au final, la prime de risque a donc augmenté», précise Kevin Thozet, membre du comité d’investissement chez Carmignac.

> Les causes: Après le chaos de la veille, la journée est restée volatile.

«Tant que les gouvernements et les banques centrales n’apportent pas de réponses crédibles majeures, susceptibles de permettre par la suite un rebond fort et durable de l’économie, les marchés vont continuer à connaître des séances très volatiles, à l’instar de la journée de vendredi. Lorsque de tels rallyes haussiers s’essoufflent, c’est que l’incertitude demeure», certifie Kevin Thozet.

Le remède: agir vite et fort

Restaurer la confiance, avec des annonces coups de poing, ordonnées et coordonnées: voilà ce qui serait de nature à réduire les incertitudes, et donc à rassurer les marchés. «C’est davantage l’incertitude qui fait baisser les marchés que la certitude de la survenance de scénarios négatifs», atteste Frédéric Rollin.

Les marchés attendent ainsi des gouvernements qu’ils prennent des mesures «agressives» pour endiguer la crise sanitaire le plus rapidement possible, ainsi que des mesures budgétaires et fiscales à grande échelle pour limiter les impacts économiques. Le cas échéant, les marchés devraient poursuivre leurs soubresauts.

«Il y a le sentiment que la réponse des autorités n’est pas encore à la hauteur des événements. Plus on prend des mesures de confinement tardives, plus celles-ci sont drastiques et plus elles pénalisent l’économie. D’où le fait que le report de telles mesures n’est pas de nature à rassurer les marchés», explique Frédéric Rollin.

Vendredi soir, Donald Trump décrétait l’état d’urgence, ce qui permettra de débloquer près de 50 milliards de dollars. Et en Allemagne, le gouvernement annonçait des prêts «sans limite» d’au moins 550 milliards d’euros pour aider les entreprises du pays qui seraient confrontées à des problèmes de trésorerie.

Cela suffira-t-il à calmer les marchés à l’ouverture des bourses lundi 16 mars? Rien n’est moins sûr: «Il faut sans doute aussi un peu de temps pour que les marchés digèrent l’ensemble des annonces», affirme Kevin Thozet.