Pour Philippe Ledent, dans les faits la BCE a bel et bien baissé ses taux. (Photo: Patricia Pitsch - Maison Moderne/archives)

Pour Philippe Ledent, dans les faits la BCE a bel et bien baissé ses taux. (Photo: Patricia Pitsch - Maison Moderne/archives)

Expert economist chez ING Belux, Philippe Ledent analyse les conséquences économiques possibles de la crise sanitaire liée au coronavirus au terme d’une semaine folle, qui a notamment vu les marchés s’affoler.

Note: dans une période où la priorité absolue est la santé publique et la protection des personnes à risque, les questions économiques et financières passent au second plan. Ce texte est une chronique économique qui se centre sur les aspects économiques de cette crise, seule expertise de votre serviteur. Mais soyons clairs, ma première pensée va aux personnes atteintes du virus et qui luttent pour leur survie, ainsi qu’à leurs proches. Il nous faut aussi penser au personnel de santé. Eux seuls sont «dans le siège du pilote» en ce moment.

En raison des mesures de protection mises en place pour éviter une situation hors de contrôle sur le plan médical, le fonctionnement de l’économie est durement perturbé. Certains secteurs sont effectivement à l’arrêt, d’autres risquent des ruptures d’approvisionnement ou des difficultés à exercer leur activité. Il faut y ajouter les modifications des règles de fonctionnement souvent prises dans l’urgence. Bref, l’économie de la zone euro, qui semblait repartir en début d’année, est mise temporairement au tapis. En conséquence, la semaine a été particulièrement difficile sur les marchés boursiers. Le problème n’est pas vraiment qu’il faille estimer les conséquences d’un scénario économique de stress, mais tout simplement que beaucoup d’analystes et autres investisseurs ne savent pas quoi estimer…

La riposte s’organise, tant sur le plan de la politique budgétaire et de la politique monétaire.

Philippe Ledentexpert economistING Belux

Ceci étant, la riposte s’organise, tant sur le plan de la politique budgétaire et de la politique monétaire. La semaine écoulée laisse l’impression que la BCE a manqué son examen. Un train de mesures a été annoncé, mais il a davantage affolé les marchés qu’autre chose. Je crains que les quelques hésitations de Mme Lagarde et ses réponses évasives à certaines questions y soient pour beaucoup. Car sur le fond, la BCE a effectivement baissé ses taux. En prévoyant des opérations de refinancement à un taux inférieur au taux de dépôt, cela correspond à une baisse de taux. Il faut y ajouter une enveloppe conséquente d’achats supplémentaires d’actifs et la possibilité, si nécessaire, d’activer les mécanismes déjà existants pour calmer les primes de risques (contrairement à ce qui a été initialement annoncé par Mme Lagarde). Comme le disait le Président Macron lors de son allocution télévisée de jeudi, ces mesures ne seront probablement pas suffisantes. Mais elles auront été les premiers pas d’un début de coordination au niveau européen.

C’est un choc majeur, qui oblige sans alarmisme excessif à considérer une récession économique en zone euro (et ailleurs) en 2020.

Philippe LedentExpert economistING Belux

Pour conclure, il est difficile à ce stade d’évaluer la pleine mesure de l’impact économique de cette crise. Il faudrait pour ce faire réfléchir à la question des finances publiques, du commerce international, de la géopolitique, de la mondialisation, etc. Une chose est certaine: c’est un choc majeur, qui oblige sans alarmisme excessif à considérer une récession économique en zone euro (et ailleurs) en 2020. Des premières mesures économiques sont prises, pour ne pas envenimer la situation. Ensuite, il faudra relancer l’économie, probablement sur de nouvelles bases. Mais l’urgence est d’absorber le choc.