Transparency International Luxembourg a tiré récemment le bilan de son action depuis sa création en 2010, peu avant l’adoption de la loi du 13 février 2011 sur la protection des lanceurs d’alerte. Un exercice ayant un petit côté opportuniste, avec un appel aux dons et aux cotisations pour soutenir le travail de l’organisation qui combat la corruption sous toutes ses formes, mais manque de moyens, notamment pour financer une hotline anti-corruption couplée à un service d’assistance gratuite.
Jusqu’à présent, la ligne avait fonctionné grâce aux subventions européennes du programme Speak Up, qui s’est arrêté en mars de cette année.
Il s’agit dorénavant de trouver de nouveaux fonds pour assurer la poursuite du service et le job du conseiller juridique.
Ce bilan fut aussi l’occasion pour son président, l’avocat Yann Baden, d’appeler le gouvernement à repenser la législation sur les lanceurs d’alerte pour étendre leur protection «au plus grand nombre» et encourager les citoyens à signaler, de façon confidentielle, les corrompus ainsi que les corrupteurs.
Utiles aux statistiques
Une cinquantaine de cas de whistleblowing ont été traités par TI Luxembourg après des appels sur la hotline qui fonctionne pendant les heures de bureau. Comme le signale le communiqué de l’organisation, «une part sensible des cas» qui lui sont soumis concerne «des affaires pour lesquelles le lanceur d’alerte nous consulte en désespoir de cause, parce qu’il a auparavant tout essayé».
Du coup, Transparency International est impuissante à intervenir et apporter du soutien, autre que moral, à ceux qui l’ont sollicitée (l’asbl a été reconnue d’utilité publique et dispose de l’agrément pour déposer plainte en justice en son nom propre).
Leurs signalements restent cependant utiles aux statistiques «pour en tirer des enseignements pertinents, dans le but de renforcer notre plaidoyer auprès des institutions pour prévenir et endiguer de nouveaux cas par l’adaptation du corpus législatif ou réglementaire», dit l’organisation. Bref, améliorer la loi de 2011 qui a pris un sérieux coup de vieux.
Une des interventions de TI mérite une mention spéciale. Le cas porte sur une transposition assez particulière que le Luxembourg a fait d’une directive de 2007 avec la loi du 10 novembre 2009 sur les services de paiement. Le dispositif, qui prévoit entre autres l’exemption «en apparence» pour les banques de la responsabilité de vérifier la correspondance entre l’identification d’un compte par le nom de son titulaire et par le numéro de compte, se heurte aux dispositions en matière de lutte contre le blanchiment, ou à tout le moins créerait des ambiguïtés.
Prudence et excuse légale
«Nous nous inquiétons de constater qu’une banque intermédiaire pourrait procéder à l’exécution d’un virement bancaire au bénéfice d’une personne dont elle ne connaît pas l’identité, rendant ainsi tout contrôle des causes de la transaction impossible», s’émeut TI.
L’organisation a signalé cette anomalie au ministre de la Justice le 30 septembre 2013, donc sous l’ancien régime. Sans réaction.
La situation des lanceurs d’alerte dans un pays pratiquant encore une forme de secret bancaire relève presque du casse-tête. Le cas du jeune Français Antoine Deltour, qui passe pour un voleur de bas étage au Grand-Duché, alors que ses révélations dans le cadre des LuxLeaks ont eu un impact spectaculaire en Europe dans l’encadrement de la fiscalité des multinationales, renseigne sur l’étroitesse des marges de manœuvre des lanceurs d’alerte dans des domaines couverts par le secret professionnel.
D’ailleurs Yann Baden est resté prudent sur ce cas, indiquant que l’affaire était aux mains de la justice qui devait faire son travail. Mais pour lui, il ne faut pas exclure un acquittement.
Transparency International Luxembourg plaide d’ailleurs pour que la loi sur les lanceurs d’alerte ne couvre plus seulement les pratiques liées à la corruption mais soit étendue «à tout méfait pertinent», y compris les affaires d’évasion fiscale.
Il conviendrait aussi de prévoir dans le futur dispositif «l’excuse légale» protégeant le lanceur d’alerte «de bonne foi», en matière civile, de tout recours recherchant sa responsabilité du fait de son signalement et, en matière pénale, contre les infractions de diffamation et de calomnie.
Finances
Sans les aides, point de fonctionnement
Les subventions européennes ont permis à TI de vivre et d’avoir une visibilité médiatique.
De 13 membres à ses débuts en 2010, TI Luxembourg en comptait 37 seulement fin 2013 selon les comptes annuels (aux normes IFRS) publiés au Registre de commerce et des sociétés. On comprend mieux dès lors les appels du pied que son président Yann Baden a lancés début mars pour soutenir l’action de l’organisation.
Côté finance, le bilan 2013 affiche un bénéfice de 14.000 euros environ pour des rentrées d’argent de 156.300 euros et des sorties de 141.300 euros. Les cotisations des membres s’élevaient à 4.215 euros en 2013, contre 3.245 euros un an plus tôt. Les dons en liquide pointaient à 34.386 euros il y a deux ans (44.990 en 2012), les subsides en provenance du gouvernement s’affichaient à 15.000 euros, en baisse par rapport à l’exercice précédent (21.600 euros).
Ce sont les subventions européennes qui ont permis à TI Luxembourg d’assurer son fonctionnement et sa visibilité médiatique: le projet Speak Up a été financé par Bruxelles à hauteur de 72.674 euros. S’y ajoutent 4.126 euros d’un autre programme soutenu par les deniers communautaires.
Les frais de personnel de l’asbl se sont élevés à 74.422 euros en 2013 (49.216 en 2012).