La Commission européenne s’apprête à lancer une réforme majeure du cadre de la titrisation, dont le premier projet de proposition est attendu pour le deuxième trimestre 2025. (Photo: Shutterstock)

La Commission européenne s’apprête à lancer une réforme majeure du cadre de la titrisation, dont le premier projet de proposition est attendu pour le deuxième trimestre 2025. (Photo: Shutterstock)

Avec 1.200 milliards d’euros d’actifs titrisés détenus par les banques de l’UE, la Commission européenne prépare des réformes réglementaires visant à stimuler l’investissement, à améliorer la liquidité du marché, à répondre aux besoins de financement de l’Union et à renforcer la compétitivité mondiale de ses institutions financières.

Face à des besoins de financement sans précédent et à un marché des capitaux sous-alimenté, la Commission européenne est en train de «réexaminer» le cadre de la titrisation dans l’UE. L’objectif est de mobiliser les investissements privés, d’accroître la liquidité du marché et d’aider les institutions financières européennes à se développer dans une économie mondiale de plus en plus marquée par une concurrence intense entre les capitaux.

Cette réforme est un pilier essentiel de la nouvelle Union de l’épargne et des investissements de la Commission (UEI), un projet stratégique conçu pour créer un véritable marché unique des capitaux dans l’ensemble de l’Union européenne. Un projet de proposition législative est attendu pour le deuxième trimestre 2025.

Dans son programme de travail pour 2025, la Commission a déclaré que l’UEI «fournira un schéma directeur majeur pour les mesures visant à créer un véritable marché intérieur des capitaux, aidant les institutions financières à atteindre une certaine échelle et à devenir plus compétitives sur le marché mondial, tout en apportant une contribution importante à la satisfaction des besoins de financement sans précédent de l’UE». Ce projet prévoit une révision complète du cadre de la titrisation afin de stimuler le financement du secteur privé et de débloquer des canaux financiers en sommeil depuis longtemps.

Débloquer le marché de 1.200 milliards

Au centre de cet effort se trouve le marché de 1.200 milliards d’euros d’encours d’actifs titrisés détenus par les banques de l’UE, sur la base des données de la BCE à la mi-2023. La titrisation est depuis longtemps au cœur des marchés financiers mondiaux, mais dans l’UE, elle peine à retrouver son élan depuis la crise financière de 2008. La prudence réglementaire et le manque de confiance des investisseurs ont empêché le marché d’atteindre son potentiel. Avec cette réforme, la Commission entend libérer ce potentiel et faire de la titrisation un outil de financement de l’économie réelle.

Comment fonctionne la titrisation

La titrisation consiste à regrouper des prêts – tels que des prêts hypothécaires résidentiels, les prêts automobiles ou le financement d’entreprises – en instruments financiers qui sont vendus aux investisseurs. Cela permet aux banques de transférer les risques hors de leurs bilans, libérant ainsi des capitaux pour d’autres prêts. Le marché divise souvent ces paquets en tranches, les tranches notées AAA étant considérées comme les créances les plus sûres et les plus prioritaires sur les flux de trésorerie des prêts sous-jacents. Ces tranches, en particulier, sont considérées comme fiables par les investisseurs institutionnels et pourraient devenir particulièrement attrayantes si elles étaient reconnues par la réglementation comme des actifs liquides de haute qualité (HQLA).

Faire de la titrisation un actif liquide de haute qualité

L’une des questions clés de la prochaine réforme est de savoir si les produits titrisés, en particulier les tranches bien notées, doivent être traités comme des actifs liquides de haute qualité ou «HQLA». Il s’agit d’actifs que les banques doivent détenir pour assurer leur liquidité en période de tensions financières. À l’heure actuelle, seul un petit nombre d’obligations d’État et d’obligations d’entreprises peuvent être considérées comme telles. Si certaines titrisations bénéficiaient du même statut, les banques auraient davantage de raisons de les détenir et de les négocier, ce qui augmenterait la profondeur et la stabilité du marché.

Des coûts plus bas, plus de prêts

Une plus grande acceptation de la titrisation dans les cadres réglementaires pourrait également réduire le coût des emprunts. À mesure que la demande de produits titrisés augmente, en particulier les tranches notées AAA, les investisseurs peuvent accepter des rendements plus faibles, ce qui se traduit par une baisse des taux d’intérêt pour les emprunteurs. Cela pourrait se traduire par des prêts hypothécaires moins chers, un accès plus facile aux prêts aux entreprises et des coûts de financement moins élevés pour les projets d’infrastructure et de transition écologique, domaines dans lesquels l’UE est confrontée à des besoins de financement urgents.

Équilibrer les opportunités et les risques

Alors que les avantages de la réforme sont évidents, la nouvelle impulsion donnée à la titrisation devra également répondre à des préoccupations de longue date. Les acteurs du marché restent prudents quant aux risques associés aux structures complexes de titrisation et exigeront probablement une transparence totale sur la qualité des prêts sous-jacents. Pour rétablir la confiance dans le marché, il faudra des garanties solides, des informations claires et de solides protections pour les investisseurs, autant d’éléments essentiels pour assurer la confiance dans un cadre revitalisé.

Pour l’instant, le secteur observe la situation avec intérêt. L’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL) a refusé de commenter, déclarant qu’elle attendrait d’examiner la proposition législative avant de prendre position.

Un représentant de la Commission européenne a déclaré à Paperjam qu’il ne pouvait pas commenter le contenu de la proposition car elle est actuellement en cours d’examen et n’est pas encore finalisée.

Cet article a été rédigé initialement en anglais et traduit et édité en français.