Le message personnel du Grand-Duc Henri adressé aux médias est critiquable, selon Luc Heuschling, car il comporte des informations de nature et aux conséquences juridiques différentes.  (Photo: Cour grand-ducale/Samuel Kirszenbaum)

Le message personnel du Grand-Duc Henri adressé aux médias est critiquable, selon Luc Heuschling, car il comporte des informations de nature et aux conséquences juridiques différentes.  (Photo: Cour grand-ducale/Samuel Kirszenbaum)

Alors que le rapport Waringo sur le fonctionnement de la Cour sera présenté par le Premier ministre au gouvernement et rendu public ce vendredi, Luc Heuschling, professeur de droit constitutionnel, y voit une opportunité. Celle de mener le débat autour de la modernisation de la monarchie.

«Une modernisation de la monarchie est souhaitable. Le rapport Waringo pourrait soulever ce débat», estime Luc Heuschling, professeur de droit constitutionnel et administratif à l’Université du Luxembourg, alors que le rapport Waringo doit être , après avoir été discuté en conseil de gouvernement.

La réponse du rapport Waringo,  par le Premier ministre (DP) à l’été dernier, devrait être claire, selon Luc Heuschling: «Les règles du droit du travail protègent les employés à la Cour. La Grande-Duchesse  a-t-elle eu des comportements inappropriés vis-à-vis de ses employés? Le raisonnement n’est pas trop compliqué. Et seul le Grand-Duc bénéficie de l’immunité, pas son épouse.»

Le problème serait autre: «Si les comportements sont si graves, fréquents et répétitifs, pourquoi en parle-t-on seulement maintenant?», s’interroge le professeur de droit constitutionnel. «Pourquoi le droit n’a-t-il pas protégé les employés? Pourquoi le système n’a-t-il pas fonctionné à la Cour grand-ducale? On s’attendrait à ce que justement le contrôle en son sein soit le meilleur.»

Clarifier ce qui relève du public ou du privé

Le rapport devrait soulever ce débat, mais aussi celui concernant la clarification des règles distinguant ce qui relève du public ou du privé pour les personnalités de la Cour grand-ducale. Le du adressé lundi aux médias pour défendre son épouse est une illustration du problème. Le président du LSAP, , mettait d’ailleurs  lors du pot de Nouvel An du parti organisé mercredi.

Les décisions et discours du chef de l’État doivent être contresignés par le Premier ministre, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.»

Luc Heuschling professeur de droit constitutionnel

Différentes informations, aux natures et aux conséquences juridiques différentes, seraient à distinguer au sein du message envoyé par le Grand-Duc: «Lorsqu’il défend son épouse ou qu’il critique la presse, je pense que la personne privée s’exprime, même si cela se discute», estime Luc Heuschling. «Mais lorsqu’il donne l’information selon laquelle il ne veut pas abdiquer, il s’agit du chef de l’État. Or, selon l’article 45 de la Constitution, les décisions et discours du chef de l’État doivent être contresignés par le Premier ministre, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.»

Un mélange des genres critiquable

Un mélange des genres critiquable, selon le constitutionnaliste. D’autant que la lettre, sans en-tête de la Cour grand-ducale, a tout de même été transmise par le service presse de la Cour.

Certaines interprétations tendraient même à aller plus loin et à ne jamais distinguer la personne privée du chef de l’État. «Pendant la monarchie absolue, il aurait été absurde de faire une telle distinction. C’est avec les Lumières et la modernité que celle-ci commence à apparaître», explique Luc Heuschling.

Mais une fois la distinction effectuée, où placer la frontière entre les deux? «J’aimerais que le rapport lance ce débat, et qu’on prenne le temps de creuser cette question. Mais je reste peu optimiste car la tâche est compliquée, le risque étant que les hommes politiques effectuent des petits changements et que le problème ne soit pas abordé dans sa complexité.»

Toutes les monarchies se verraient d’ailleurs confrontées à ce même enjeu de modernisation. «Les membres des familles royales revendiquent d’être traités comme tout le monde, d’avoir les mêmes obligations, mais aussi les mêmes droits. Certains pays ont adopté une modernisation plus radicale. Le Liechtenstein et surtout la Suède disposent d’un droit en la matière qui est bien plus clair et précis», assure Luc Heuschling.