Avec l’accroissement fulgurant du prix du logement au Luxembourg, la crise du logement ne touche pas seulement les ménages à revenus modestes, mais aussi les classes moyennes. L’accès à la propriété, de plus en plus difficile, reste néanmoins un objectif très brigué des ménages à revenus moyens. Les ménages à revenus modestes (sans patrimoine), gravitant autour du taux de risque de pauvreté, n’ont d’autre choix que de rester locataires à vie, avec des loyers qui augmentent aussi en flèche et qui dépassent de plus en plus leurs moyens financiers.
Le logement social – terme inexistant dans les textes légaux, mais couramment utilisé dans les discussions – est généralement défini comme du logement subventionné à l’adresse de populations incapables d’accéder au marché du logement libre. À côté de certaines conditions à remplir par le candidat locataire, un logement social se caractérise aussi par un loyer adapté au revenu du ménage. Le logement social abrite les «cas sociaux».
C’est un préjugé commun qui a comme conséquence que beaucoup de communes (50%) et de citoyens ne veulent pas de logements sociaux à proximité. Il n’est pas certain, si on arrête de parler de logements sociaux et qu’on parle plutôt de logements abordables, que ces préjugés cessent. Mais au moins, la connotation péjorative disparaît dans les mots.
Un cinquième de la population
Combien de personnes ont besoin d’un logement abordable? En 2018, 105.620 personnes (18,3% de la population) vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire qui s’élève à 2.013€ par mois pour un adulte seul 1. C’est cette tranche de la population – pourrait-on croire – pour laquelle la problématique du logement est une problématique existentielle.
Des statistiques assez récentes dévoilent cependant que 43% des ménages en risque de pauvreté sont propriétaires 2. En effet, le taux de risque de pauvreté est calculé uniquement sur le revenu disponible du ménage et ne prend pas en compte les dépenses ou la situation patrimoniale. Si le calcul des besoins en logements abordables se base donc uniquement sur les ménages non propriétaires en risque de pauvreté, le chiffre s’élève à 25.000 ménages pour 2018.
Retenons qu’au moins un cinquième de la population a besoin de logements abordables.
C’est une estimation prudente qui ne prend pas en compte les tranches inférieures de la couche moyenne (en termes de revenus) de la population, car celles-ci ont certainement aussi des difficultés à supporter le coût du logement. Soulignons aussi qu’un autre indicateur, le risque de pauvreté et d’exclusion «Europe 2020», porte le taux à 21,9%. Retenons donc qu’au moins un cinquième de la population a besoin de logements abordables.
En toute logique, l’État doit prêter main-forte à ces ménages exclus du marché du logement libre en poursuivant et en intensifiant une politique du logement axée sur le logement abordable. Lors de la , le ministre du Logement (Déi Gréng) s’est heureusement engagé dans cette direction.
Un nouvel acteur: le bailleur social
Le projet de loi du Pacte logement 2.0 n’étant pas encore public, il faut recourir aux explications du ministre et du ministère dans la presse et sur les sites internet ad hoc. Le document le plus élaboré 3 détaille, à première vue, un concept cohérent d’attribution d’aides étatiques après élaboration d’un plan d’action local «logement» propre à chaque commune.
À ce stade, le Pacte ne contient pas d’objectif chiffré concernant le nombre de logements abordables à créer obligatoirement. Or, sur base de l’analyse précédente, il faudrait que toutes les communes visent à créer du logement abordable à hauteur d’au moins 20% de leur population résidente dans un délai raisonnable. C’est aussi une question d’équité entre les communes.
Selon le Pacte 2.0, ces logements doivent rester la propriété de la commune ou de l’État. C’est ainsi que les pouvoirs publics se portent dorénavant garants de la création et du maintien d’un parc de logements abordables à travers le pays. Le problème de la gestion de ce parc est ainsi posé. Afin de le résoudre, le ministère entend créer un nouvel acteur: le bailleur social.
L’effritement du lien social oblige à se soucier préventivement de la vie commune dans les résidences et quartiers.
Le bailleur social sera l’intermédiaire entre le propriétaire et les locataires. Ses interventions à destination de ses clients seront de deux ordres:
1. Les épauler et les cadrer dans leur rôle de locataire (respect des droits et obligations en tant que locataire);
2. Favoriser une vie commune agréable et paisible entre les locataires et entre les locataires et le quartier/village dans lequel ils vivent (travail social communautaire, voisinage actif…).
L’effritement du lien social oblige en effet à se soucier préventivement de la vie commune dans les résidences et quartiers. L’action vise à prévenir les conflits et à œuvrer pour l’inclusion sociale de populations fragilisées comme les personnes âgées, les enfants, les migrants, les personnes en situation précaire…
Une exigence de justice sociale
D’autres facteurs ont une influence sur le logement abordable et il faut encore évoquer, avant de conclure, les excès du marché libre et notamment la spéculation sous forme de rétention de terrains à grande échelle (la critique ne vise pas les familles qui gardent un terrain pour leur enfant) et le vide locatif volontaire à des fins de revente ultérieure.
Dans la mesure où l’accroissement de la valeur d’objets immobiliers est énorme, 7%/an pour les logements par exemple, la location de ces logements devient un facteur négligeable, embêtant même, et les grands investisseurs préfèrent laisser vides des centaines de logements nouvellement construits pour les vendre, 10 ans après, au double du prix d’acquisition. Un logement de 500.000€ se vendra dans 10 ans au prix de 1.000.000€ (gain annuel de 50.000€!). Abolir de telles pratiques est une exigence de justice sociale.