En 2024, l’or a bondi de près de 27 % et enregistré sa plus forte progression annuelle depuis 2010. Pour les analystes, l’association de plusieurs facteurs explique cette hausse : la baisse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale a renforcé l’attractivité d’actifs sans rendement tels que l’or par rapport aux obligations, tandis que l’escalade des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient a déclenché une ruée vers les actifs sûrs.
Le rôle des banques centrales a lui aussi été crucial : pour la troisième année consécutive, elles ont acheté plus de 1.000 tonnes d’or. Celles des marchés émergents ont mené la danse, dans le but de diversifier leurs réserves au-delà du dollar américain, sur fond de dynamiques de pouvoir changeantes. Néanmoins, l’enthousiasme ne s’est pas du tout limité aux acheteurs souverains.
Les ETF axés sur l’or ont enregistré environ 3,4 milliards de dollars d’entrées nettes et ont vu leurs actifs sous gestion battre de nouveaux records. La demande a notamment été alimentée par les investisseurs particuliers en Asie, particulièrement en Chine, où la chute du marché du logement a miné la confiance dans l’immobilier. Parallèlement, compte tenu des troubles politiques en Europe et des élections aux États-Unis, les investissements adossés sur l’or ont suscité davantage d’intérêt.
La dynamique se poursuit en 2025
Malgré une année 2024 extrêmement solide, la dynamique haussière de l’or s’est maintenue au premier trimestre 2025 et les cours ont atteint plusieurs sommets historiques. Les observateurs l’expliquent par l’incertitude commerciale accrue et par le retour des craintes concernant l’inflation. La fermeté de l’administration américaine sur les droits de douane a ravivé l’anxiété des investisseurs compte tenu des répercussions potentielles sur les bénéfices des entreprises et la croissance mondiale.
Les préoccupations liées à l’inflation ont notamment renforcé l’attrait de l’or. Étant donné que les droits de douane ont fait grimper les prix des importations, l’or retrouve son statut de couverture efficace contre l’inflation. Selon l’enquête du Michigan, les attentes des ménages américains au sujet de la hausse des prix pour l’année à venir se situent à présent à leur plus haut niveau depuis 1981.
Par ailleurs, les banques centrales, notamment en Chine, poursuivent leurs achats massifs. La Chine a également opéré un changement de politique majeur en autorisant les compagnies d’assurance à effectuer des placements en or, ce qui élargit encore la base d’investisseurs.
La demande en provenance des particuliers s’inscrit sur la même trajectoire. Après un début avril chahuté par la faiblesse du dollar et par le comportement imprévisible du marché des bons du Trésor, les investisseurs individuels ont augmenté leurs positions en or. Pourtant, les experts considèrent que le rebond pourrait ne pas se poursuivre indéfiniment. Un apaisement des tensions commerciales ou des épisodes de prises de bénéfices, tels que ceux que nous avons observés les 4 et 7 avril, pourraient limiter les gains futurs.
En outre, les besoins de liquidités en temps de crise, comme en témoignent les corrections subies par les cours les 4 et 7 avril à la suite du « Jour de la libération », pourraient également constituer des freins.
D’autres valeurs refuges perdent de leur éclat
Si l’or brille, d’autres actifs refuges traditionnels se sont montrés plus ternes. Les bons du Trésor américain, longtemps considérés comme le choix par défaut en période de crise, ont perdu de leur intérêt en raison des rendements en hausse et des préoccupations concernant la trajectoire budgétaire des États-Unis. Les investisseurs craignent de plus en plus l’explosion de la dette, les difficultés économiques générées par les droits de douane et les signaux peu clairs envoyés par Washington.
Le dollar américain présente des fragilités comparables. La volatilité a augmenté, car un nombre plus élevé de pays cherchent d’autres systèmes de règlement pour contourner le billet vert. Les tensions entre le président Donald Trump et la Réserve fédérale (notamment les commentaires controversés sur un renvoi du président de la Fed) ont effrayé les marchés des changes et fait plonger le dollar à son plus bas niveau de ces trois dernières années face à l’euro. Libellé en dollar, l’or profite généralement d’une monnaie américaine en berne, car il devient moins cher pour les investisseurs détenant d’autres monnaies.
Le bitcoin et les autres cryptomonnaies, autrefois qualifiés d’«or numérique», n’ont pas été particulièrement résilients lors des récentes corrections. Certains actifs numériques ont pâti des turbulences observées sur les marchés, ce qui a renforcé l’idée qu’ils restent trop volatils pour constituer de véritables refuges.
Un rôle stratégique à long terme
Avec l’émergence des cryptoactifs, plusieurs voix se sont élevées pour affirmer que l’or n’était plus qu’une relique des systèmes monétaires passés. Pourtant, si le récent repli des marchés a démontré une chose, c’est que le métal jaune est devenu un actif stratégique, une couverture contre les crises systémiques et un outil essentiel à la stabilisation des portefeuilles.
Il faut se rappeler que l’or joue son meilleur rôle en tant qu’actif stratégique au sein d’un portefeuille diversifié et non pas comme investissement tactique. Les investisseurs qui essaient de trouver les moments opportuns pour ouvrir et fermer leurs positions en or risquent de sous-performer ceux qui conservent des allocations constantes. En effet, les vertus protectrices de l’or tendent à se manifester de façon soudaine lors des périodes de crise. Historiquement, le maintien d’une faible allocation en or a amélioré les rendements corrigés du risque, en renforçant la diversification sans fortement compromettre la croissance. Même s’il ne génère pas de dividende ou de rendement, l’or peut offrir une certaine diversification et un avantage non mesurable, la tranquillité d’esprit.
Alors que l’économie mondiale est au bord d’une profonde transformation, l’intérêt de l’or est tout sauf dépassé. Il reste l’un des rares actifs qui méritent constamment leur place au sein des portefeuilles en raison de sa résilience. En période troublée par l’inflation, des conflits ou des bouleversements politiques, l’or, ancien et durable, garde tout son éclat.