Pour Julie Becker, «les investisseurs veulent comprendre à quoi vont servir leurs investissements, quels types de projets seront financés avec leurs avoirs». (Photo: Matic Zorman/Archives)

Pour Julie Becker, «les investisseurs veulent comprendre à quoi vont servir leurs investissements, quels types de projets seront financés avec leurs avoirs». (Photo: Matic Zorman/Archives)

De nombreuses personnalités agissent au sein de la place financière sur les problématiques ayant trait à la finance durable. Cette semaine, Julie Becker, CEO adjointe de la Bourse de Luxembourg, nous fait part des convictions qui l’animent.

Quel a été le déclic qui vous a poussée à travailler dans le domaine de la finance durable?

. – «Il est essentiel pour moi de donner du sens à ce que je fais.

En septembre 2015, l’initiative United Nations Sustainable Stock Exchanges, dont la Bourse de Luxembourg fait partie, a invité tous ses membres à participer à la création d’un système financier stable qui favorise la croissance économique durable.

La même année, l’Accord de Paris sur le climat a établi des objectifs globaux afin de limiter le réchauffement climatique. Pour les atteindre, de nombreux projets dans les domaines du transport propre, de la gestion des déchets, de l’énergie renouvelable et de l’efficacité énergétique de façon générale devront être financés.

L’instrument de financement par excellence de ces projets est l’émission d’emprunts obligataires sur les marchés de capitaux internationaux. Or, la Bourse de Luxembourg est justement leader en matière de cotation de produits de dette internationale, et elle a toujours été pionnière en matière d’innovation.

Il était donc naturel pour nous de contribuer à ces efforts de durabilité en créant le Luxembourg Green Exchange (LGX), la première plateforme au monde exclusivement dédiée aux instruments financiers verts, sociaux ou durables.

La finance doit servir l’économie réelle. Elle va donc devenir durable par défaut: nous n’avons pas d’autres choix.
Julie Becker

Julie BeckerCEO adjointeBourse de Luxembourg

Quelles sont vos convictions en matière de finance durable?

«Soyons clairs, la finance durable n’est pas une mode qui est récemment apparue et qui va disparaître d’ici quelques mois, voire quelques années, pour laisser place à de nouvelles tendances.

La finance doit servir l’économie réelle. Elle va donc devenir durable par défaut: nous n’avons pas d’autres choix. Notre responsabilité est de réorienter les capitaux vers des projets qui contribuent au développement durable et protègent les intérêts des générations futures.

La clé de cette transition est la transparence. Les investisseurs veulent comprendre à quoi vont servir leurs investissements, quels types de projets seront financés avec leurs avoirs, à quel impact environnemental ou sociétal ils participent.

Les investisseurs demandent désormais à pouvoir accéder à des données non financières: ils veulent connaître et comprendre la stratégie de durabilité des sociétés dans lesquelles ils investissent.

Un jour, bientôt je l’espère, nous traiterons les risques non financiers de la même manière que nous traitons aujourd’hui les risques financiers. Les critères ESG (environnement, social, de gouvernance) seront systématiquement intégrés dans les rapports annuels des sociétés et dans l’information continue délivrée au marché.

Quel est votre thème de travail de prédilection ou votre thème de combat favori?

«La transparence et l’éducation me tiennent à cœur. La finance durable ne doit pas être l’apanage d’une élite. Il faut au contraire la rendre accessible à tous et, avant tout, adopter un langage clair et simple.

Aujourd’hui, un grand nombre de professionnels de l’industrie, d’investisseurs actuels ou potentiels voudraient soutenir la finance durable; cependant, ils n’ont pas les connaissances nécessaires des produits, des standards et des pratiques de marché dans ce domaine.

Il est nécessaire d’adopter des définitions communes et des standards harmonisés pour sensibiliser et éduquer.
Julie Becker

Julie BeckerCEO adjointeBourse de Luxembourg.

Beaucoup de gens se demandent encore ce que signifient les acronymes ESG ou ISR (investissement socialement responsable), ou encore comment ils peuvent «agir et contribuer» à la lutte contre le changement climatique ou pour la prospérité sociale.

Il est nécessaire d’adopter des définitions communes et des standards harmonisés pour sensibiliser et éduquer. Il faut aussi assurer la transparence et l’accès à l’information, à travers des données structurées, compréhensibles et comparables; et c’est aussi le rôle d’une bourse, dans sa mission de protection des investisseurs.

Une personnalité qui vous inspire au quotidien?

«J’ai beaucoup d’admiration pour les personnes qui s’investissent pleinement dans ce en quoi elles croient, qui ont la volonté et l’énergie de changer le monde et qui mettent tout en œuvre pour y contribuer concrètement.

Je pense ainsi à Carla Haddad Mardini, aujourd’hui directrice à l’Unicef, qui dédie sa vie professionnelle à faire entendre sa voix et collecter des fonds pour chaque enfant dans le monde.

Je pense aussi à Maud Fontenoy, une navigatrice française intrépide qui a traversé l’Océan Pacifique à la rame en 72 jours. Elle s’engage également depuis plus de 10 ans, à travers sa fondation, à préserver les océans.

Son objectif est à la fois écologique et social: elle s’investit activement dans l’éducation de la jeune génération et du grand public pour les sensibiliser aux défis que l’Homme doit relever pour protéger le Grand bleu. Après tout, comme elle le dit si bien: «Sauver l’océan, c’est sauver l’Homme».

Un investissement «durable» à recommander?

«Il y en a tant…! Mais une société qui m’enthousiasme énormément est Sun King, de Greenlight Planet. Sun King construit, distribue et finance des produits tels que des lampes et des chargeurs électriques qui fonctionnent à l’énergie solaire. Sun King améliore ainsi fondamentalement la qualité de vie de millions de personnes!

Notamment dans des zones rurales d’Asie et d’Afrique, où ceux qui vivent encore sans électricité n’auraient autrement pas accès à cette ressource pourtant tellement nécessaire au développement économique et social. Sun King est un exemple d’innovation majeure qui sert à créer une société et un monde plus équitable et durable.

Elle démontre, en outre, comment une idée si «simple» peut avoir des répercussions si importantes et ainsi changer et améliorer la vie de millions de personnes.»


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