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Des centaines de ventes par semaine

Airfryer, la tendance qui fait croustiller le Luxembourg



Les airfryers, d’abord présentés comme des friteuses saines, sont devenus polyvalents et populaires, portés par les réseaux sociaux, des innovations constantes et une demande croissante, notamment au Luxembourg où leur succès ne se dément pas. (Photo: Ninja presse)

Les airfryers, d’abord présentés comme des friteuses saines, sont devenus polyvalents et populaires, portés par les réseaux sociaux, des innovations constantes et une demande croissante, notamment au Luxembourg où leur succès ne se dément pas. (Photo: Ninja presse)

Arrivés timidement sur le marché il y a une dizaine d’années, les airfryers – ou friteuses sans huile – ont peu à peu envahi nos cuisines avec une promesse: un appareil polyvalent pour une cuisson plus saine, plus rapide, et moins énergivore. Au fil du temps, les fabricants n’ont cessé d’ajouter des fonctionnalités, de façon à en faire un équipement indispensable au quotidien. Et la recette fonctionne, assurent HiFi International et MediaMarkt. 

Acheter une épaule d’agneau, Pâques est la saison idéale, la débiter en cubes; des olives vertes; quelques carottes; des herbes, comme le thym, le laurier ou l’origan; ajouter une cuillère de sucre roux ou deux; un verre d’eau ou deux; et laisser mijoter à 180 degrés… un peu plus d’un quart d’heure en position «airfryer»: la recette est imparable, capable de propulser le bouilleur de nouilles au rang de chef en herbe.

Pourtant, en septembre 2010, lorsque Philips lance ce qui deviendra une révolution – des années plus tard – dans l’univers des appareils électroménagers, l’accueil est frais. Son premier airfryer, présenté lors du salon industriel Internationale Funkausstellung Berlin, utilise le «Rapid Air», technologie qui combine de l’air chaud circulant rapidement avec une résistance pour cuire les aliments quasiment sans huile, mijotera longtemps avant de convaincre les cœurs (et les estomacs) des consommateurs. Mais 15 ans plus tard, les modèles se sont multipliés et les fabricants européens se sont engouffrés dans la tendance, comme le français Moulinex ou le britannique Russell Hobbs. Jusqu’à l’arrivée de l’américain Ninja devenu leader sur le marché avec sa multitude de modèles, du plus compact au plus imposant. Selon Market Research Future, la taille du marché des friteuses à air était de 1,21 milliard de dollars en 2023 et devrait atteindre les 2,2 milliards d’ici 2032. 

La tendance n’a évidemment pas échappé au Luxembourg et dans les magasins du pays, que ce soit les enseignes spécialisées ou les grandes et moyennes surfaces, il est impossible… de ne pas en trouver. Chez MediaMarkt par exemple, un rayon dédié expose une dizaine de modèles. «C’est une tendance qui s’est jouée en deux temps. D’abord, il y a plus de cinq ans avec les premières friteuses sans huile. À l’époque, l’argument de vente était principalement celui de la cuisine saine, avec un produit qui séduisait surtout les personnes cherchant à manger moins gras à cause du cholestérol ou pour des raisons de santé, par exemple», se souvient Maxime Dupont, conseiller de vente spécialisé dans les produits électroménagers chez MediaMarkt, quasiment dans les mêmes termes que le directeur de l’offre de Hifi International, Alexandre Hatterer, alors que les deux hommes ne sont, évidemment, pas concertés. Aujourd’hui, les clients seraient davantage séduits, selon les deux professionnels, par la polyvalence de l’appareil combinant cuisson au four ou grill, rôtisserie, cuisson vapeur… 

D’ailleurs, l’utilisateur de l’airfryer ne peut plus être mis dans une case. «Au départ, la clientèle était plutôt jeune, car c’est elle qui est arrivée par le canal des réseaux sociaux. Mais aujourd’hui, on a tous les profils d’acheteurs pour ces appareils. C’est vraiment devenu un produit mainstream», constate le directeur de l’offre de Hifi International, Alexandre Hatterer. 

Et c’est bien cette promotion menée par les influenceurs sur les réseaux qui aurait réellement déclenché la tendance, pense le directeur de l’offre de Hifi International. «Nous avons vraiment senti le top départ de cette tendance en 2023. En réalité, cela a commencé à frétiller un peu avant, mine de rien, c’est un produit qui est très ancien, mais qui n’a pas connu plus de succès que ça au départ», constate-t-il.

4.000 airfryers vendus l’an dernier chez Hifi international

Les arguments de vente sont multiples. L’appareil est censé satisfaire une multitude de demandes du père de famille en manque d’inspiration, de la mère de famille attachée à une cuisine moins grasse, de l’étudiant qui vit dans un petit studio qui ne lui permet pas d’accumuler les appareils ou encore du frontalier qui rentre tard et n’a pas envie de perdre trop de temps à cuisinier!

Autant d’aspirations qui ont poussé les fabricants européens, dans le sillage de l’américain Ninja, à développer leurs appareils et y intégrer un plus grand nombre de fonctionnalités. «En plus de la polyvalence qui est devenue un argument de vente phare, les designs sont aussi de plus en plus travaillés, car c’est le type d’appareil qui reste sur le plan de travail de la cuisine», fait remarquer Maxime Dupont. 

Mais les enseignes qui en proposent, comme MediaMarkt ou Hifi International, n’ont pas une offre exhaustive et préfèrent sélectionner ceux qui conviendront le mieux à leurs clients. «Il en existe pléthore, de toutes formes, de différentes couleurs. Nous, en tant que sélectionneurs d’offres, nous essayons de choisir les bons produits. Car chaque produit correspond à un besoin, selon la taille, la capacité, les fonctionnalités, le prix etc. Une des forces de ce produit, c’est qu’il a même encouragé certaines personnes à qui ne cuisinaient pas à se mettre à la cuisine», explique le directeur de l’offre d’Hifi International.

Dans les points de vente de l’enseigne, environ 4.000 appareils de ce type ont été vendus l’an dernier. «On en vend environ 300 par mois avec des pics sur les derniers mois de l’année par exemple», illustre Alexandre Hatterer.  

Des prix qui vont du simple au double

Mais parmi la multitude de produits, pas toujours simple de s’y retrouver pour le consommateur. «Ce qu’il faut regarder en premier, c’est le nombre de personnes pour qui l’on compte cuisiner. Certains appareils sont tout petits et très compacts, avec un seul tiroir. D’autres sont plus imposants et permettent une double cuisson de façon indépendante. Il faut aussi réfléchir à l’usage que l’on compte en faire: est-ce qu’il deviendra le principal appareil de cuisson ou est-ce qu’il sera utilisé plus ponctuellement», suggère le conseiller de vente de MediaMarkt où il se vend environ cinq appareils de ce type par semaine, hors période d’opérations promotionnelles spécifiques comme le Black Friday par exemple.  

En matière de prix, «un élément crucial dans l’intention d’achat», souligne Alexandre Alexandre Hatterer, ils varient aussi selon les caractéristiques précédemment détaillées, les modèles et les marques, de 70 euros environ pour le plus basique à plus de 300 pour celui qui cumule le plus de fonctionnalités. Ainsi, pour les appareils classiques, ceux des constructeurs européens sont un peu moins chers que ceux de la marque Ninja, un peu plus élevés mais offrant plus de fonctionnalités, comme les derniers modèles combinant par exemple la cuisson airfryer avec un four à pizza ou une plancha.

Chez Media Markt par exemple, on n’applique pas forcément de promotion sur ces produits parce qu’ils sont tendances, mais on mise plutôt pour une politique de prix stables. «On trouve tout de même quelques modèles en promotion parce que ce sont des appareils dont il nous reste quelques pièces ou des modèles d’exposition que nous préférons vendre un peu moins cher plutôt que de les garder inutilement en réserve», explique Maxime Dupont.

Mais comment expliquer ces disparités de prix d’une enseigne à l’autre? «Le bon prix ne veut pas dire le moins cher. Chez Hifi international, il y a aussi un réel conseil avec des magasins de proximité. Tous les produits doivent être en stock. On peut toujours trouver moins cher, mais cela dépend de la confiance que l’on accorde à un canal d’acquisition», pense Alexandre Hatterer. De façon générale, le fabricant indique au revendeur un prix de vente recommandé. Libre au vendeur ensuite de définir son prix de vente.

«Certains vont acheter beaucoup de stock de façon à proposer des promotions sur une marque alors que le concurrent aura la même stratégie avec une autre marque. Mais nous, nous suivons les prix du marché. Nous avons aussi une veille concurrentielle qui nous permet d’observer l’évolution des prix. Et puis, après, il y a nos propres activations commerciales où l’on décide de faire profiter à nos clients d’un prix dépositionné du marché pour dynamiser les ventes», explique Alexandre Hatterer.   Parfois, c’est le producteur lui-même qui décide de lancer une opération de promotion sur une période, dans un pays mais pas dans le pays voisin. 

Hifi international est même allée un peu plus loin et a surfé sur l’engouement suscité par ces appareils pour proposer un appareil sous sa marque propre: Essentiel B. «Ce sont des produits qui sont censés correspondre à un usage essentiel à un prix toujours mieux placé que les trois acteurs principaux du marché que sont Ninja, Moulinex et Philips. 

Au-delà de l’appareil en lui-même, tout un marché annexe s’est développé, intégrant de plus en plus de livres de cuisine avec des recettes adaptées et des objets tels que des moules compatibles pour des recettes plus élaborées. Et le marché a encore de beaux jours devant lui selon les deux professionnels. «Il y a encore de belles années avec des technologies qui continuent d’avancer. Une fois que le taux d’équipement (ndlr environ 50% actuellement) sera arrivé à un certain point, il y aura sans doute un ralentissement du volume de vente mais viendra ensuite le marché de remplacement.

De plus, les technologiques continuent à avancer. Aujourd’hui de nouvelles fonctionnalités s’ajoutent comme la cuisson vapeur. Nous aurons aussi de plus en plus de connectivité dans ces appareils, permettant une connexion avec son smartphone pour personnaliser des recettes, ou à distance», projette Alexandre Hatterer. 

Il est aussi à prévoir que l’IA s’invite aussi dans ces appareils de cuisine. Par exemple, le modèle ChefMaker 2 de Dreo présenté au dernier CES de Las Vegas utilise l’IA pour convertir des recettes traditionnelles en recettes adaptées pour cet appareil. Le concept de gamification sera également de plus en plus pris en compte par les fabricants pour offrir des produits qui répondent aux besoins des clients et surtout titillent leur curiosité. On peut par exemple imaginer l’ajout de commandes vocales ou encore la possibilité d’intégrer un coach virtuel pour accompagner l’utilisateur dans la prise en main de l’appareil. 

Une quarantaine de livres sont aussi proposés, à la Fnac à Hamilius, signe de l’engouement, après l’achat… pour l’utilisation de ces appareils. (Photo: Maison Moderne)

Une quarantaine de livres sont aussi proposés, à la Fnac à Hamilius, signe de l’engouement, après l’achat… pour l’utilisation de ces appareils. (Photo: Maison Moderne)

L’engouement pour les airfryers ne réjouit pas que les estomacs des cuisiniers pressés: plus d’une quarantaine de livres sont proposés à la Fnac, par exemple, parfois des fabricants directement, face à la nécessité de trouver des recettes, au de-là des guides d’utilisation. Et là encore, il faut savoir décoder qui sait parler des airfryers!