En matière de développement durable, il existe une dizaine de labels au Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/archives Maison Moderne)

En matière de développement durable, il existe une dizaine de labels au Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/archives Maison Moderne)

En janvier, plusieurs sociétés financières ont communiqué sur les nouveaux labels qui leur ont été décernés: ESR, ESG, SIP… S’ils sont pour elles un argument de valeur, le grand public en saisit-il vraiment l’intérêt?

En janvier, la BIL, la Bourse de Luxembourg (LuxSE) et d’autres ont annoncé avoir obtenu le renouvellement de leur label ESR (Entreprise socialement responsable), décerné par l’Institut national pour le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises. Parallèlement, Sogelife, Foyer ou encore Generali ont fait savoir qu’elles avaient obtenu le dernier-né des labels créés par Luxflag en novembre 2021, baptisé Sustainable Insurance Product. Régulièrement, les sociétés financières sont récompensées pour la vertu durable de leurs véhicules d’investissement ou de leurs portefeuilles d’offres par les labels ESG. Une avalanche de bonnes nouvelles, visiblement, mais qu’est-ce que ces labels signifient pour leurs clients, et comment cela se répercute-t-il vraiment sur leur business? Interrogés sur l’ESG devant les établissements bancaires, les clients qui patientent au distributeur de billets sont peu nombreux à savoir de quoi il est question. «L’ESG ? C’est un compte bancaire spécial pour lutter contre le réchauffement climatique.» Pas tout à fait, madame, mais l’idée est là.

Dans quelques années, le fait d’avoir de l’ancienneté sur ces produits et cette reconnaissance sera un facteur différenciant.
 Frédéric Ruaz

 Frédéric Ruazdirecteur marketing et RSESogelife

Plus globalement, si on leur demande si c’est important pour eux de s’adresser à une entreprise labellisée ESR, ils ne voient même pas de quoi on parle. Pour rappel à madame: l’ESR résulte d’une démarche volontaire de conduite des affaires, qui reflète la contribution des entreprises au développement durable. De nature stratégique, la RSE est une nouvelle fonction de support (comme RH, achats, IT…) qui aide l’entreprise à s’adapter à son contexte économique, social et environnemental, tout en créant de la valeur partagée.

Aussi soutenable en dehors qu’en dedans

Chez LuxSE, on ne se sert pas des deux labels de la même façon, comme l’explique , head of sustainable finance: «L’ESR concerne l’entreprise en tant qu’employeur, et récompense de bonnes pratiques en interne, des procédures. Il nous permet de voir si on est en lien avec notre stratégie, mais ce n’est pas l’INDR qui la fixe. Nous tendons à incarner ce que nous prônons à l’extérieur. L’ESG récompense nos produits d’investissement, c’est un but de vente, bien que les investisseurs institutionnels avertis n’en aient pas besoin pour faire leurs choix.»

L’ESR concerne n’importe quelle entreprise – pas seulement du secteur financier. Les critères ESG, c’est-à-dire qui respectent des engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance responsable, s’insinuent désormais dans tous les produits de finance. Que ce soit à l’échelle des investisseurs particuliers, dans les banques privées ou chez les gestionnaires de fonds publics et privés. Cela va bien au-delà du phénomène de mode, car, comme le souligne souvent Laëtitia Hamon: «Il n’y a plus de distinction à faire entre finance et finance durable, c’est la nouvelle norme. Je pense que pour le grand public et certaines banques de détail, il y a un vrai besoin d’éducation à la finance durable.»

, directeur marketing et RSE chez Sogelife, va dans le même sens: «L’ESR, c’est une forme d’exigence que nous avons d’abord pour nous-mêmes. Nous sommes en cohérence avec les produits que nous proposons et nous continuons à nous challenger pour le rester. Le label SIP, c’est pour le dire aux clients.» L’erreur serait de communiquer en même temps sur les deux labels car, on l’aura compris, ils ne s’adressent pas aux mêmes publics.


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Un engagement à long terme

Est-ce que cette publicité autour de l’obtention des labels génère un retour plus important de la part des investisseurs sur ce type de produits? «Il n’y a pas encore d’études réalisées sur le succès des produits labellisés par rapport aux autres. Je pense que, pour le moment, il faut être pionniers, c’est un engagement à long terme. Dans quelques années, le fait d’avoir de l’ancienneté sur ces produits et cette reconnaissance sera un facteur différenciant», analyse Frédéric Ruaz chez Sogelife. «On est encore au début de cette transition, certains clients se renseignent, d’autres ne savent pas ce que l’ESG recoupe et il faut les convaincre d’aller vers ce type de produit. On leur donne de plus en plus d’indicateurs, comme on le fait sur le risque ou la diversification des fonds.»

Pour le moment donc, l’avantage d’être labellisé n’est pas quantifiable. Il n’empêche qu’il y a, d’un côté, ceux qui sont montés dans le train et… les autres. Si l’avenir de la finance est forcément durable et passe par une ubérisation des services bancaires, l’antériorité aura valeur d’expertise dans un monde où les banques, notamment, devront compter sur une hyperspécialisation pour rester compétitives.

Le premier label à avoir été créé il y a 15 ans par Luxflag est le label Microfinance, puis quatre autres se sont ajoutés (Climate Finance, Environment, Green Bond, ESG) jusqu’au dernier-né, Sustainable Insurance Product Label, spécialement destiné aux produits de placement en assurance. Aux entreprises, l’INDR propose le programme national ESR-entreprise responsable.  visant à lutter contre les émissions en CO2 vient d’être lancé par un bureau d’ingénieurs indépendant.

Au 31 décembre 2021, Luxflag, le grand distributeur des lauriers de la finance durable, avait décerné 365 labels à des produits d’investissements et d’assurances représentant environ 190.000 millions d’actifs sous gestion. Des produits financiers domiciliés dans neuf juridictions et gérés par 125 institutions financières dans 16 pays.