Fernand Etgen s’impose un devoir de neutralité en tant que président de la Chambre. Mais la bête politique n’est pas endormie. (Photo: Pauline Hy / Maison Moderne)

Fernand Etgen s’impose un devoir de neutralité en tant que président de la Chambre. Mais la bête politique n’est pas endormie. (Photo: Pauline Hy / Maison Moderne)

Discours sur l’état de la Nation, dépôt du budget 2020, projet de nouvelle Constitution... L’agenda de la Chambre des députés sera très chargé au cours des prochaines semaines. Le moment idéal pour rencontrer son président, Fernand Etgen, invité, jeudi, de la rédaction de Paperjam.

 (DP) est arrivé, jeudi, chez Paperjam quelques instants après la fin de la réunion de la conférence des présidents (avec les présidents des fractions) à la Chambre. Il prend le temps de visiter la rédaction, de saluer les journalistes, de découvrir l’ensemble de Maison Moderne, la maison d’édition de Paperjam.

Mais quelles sont les attentes à l’égard des médias de celui qui est devenu président de la Chambre des députés suite aux élections législatives d’octobre 2018?

«J’aime le pluralisme des médias. La presse doit être le reflet de la société. À la Chambre, nous avons par exemple sept partis différents, et aucun situé aux extrêmes, et cela doit se refléter par ailleurs. Globalement, je trouve que cela se passe plutôt bien au Luxembourg. Beaucoup de médias ne sont désormais plus les bulletins de liaison d’un parti politique», note-t-il.

Poursuivre le débat sur le vote des étrangers

Cette diversité de la société, évidente au Luxembourg, ne se reflète cependant pas encore intégralement dans le processus démocratique. Le droit de vote des étrangers reste-t-il dès lors un sujet d’actualité?

«Oui, le débat doit se poursuivre», analyse Fernand Etgen. «Après le referendum de 2015, je pensais qu’il faudrait encore 10 ans. On doit aller plus vite, mais avant cela, adopter la nouvelle Constitution.» Pour modifier la loi électorale cette nouvelle Constitution imposera tout de même une majorité des deux tiers. «En effet, et dès lors, cela dépendra grandement du CSV. Mais j’ai vu que leur président avait fait une ouverture à ce sujet.»

Le sujet a été et reste sensible. Mais Fernand Etgen croit aux vertus du dialogue. «C’est ainsi que l’on trouve des compromis. Mais il est aussi évident que chaque parti prendra sa calculatrice pour essayer de perdre le moins possible», concède-t-il de manière très lucide.

Fernand Etgen, élu local, ministre, puis président de la Chambre. Une carrière qui remonte à son premier engagement politique: à l’âge de 16 ans, lorsqu’il a adhéré au DP. (Photo: Pauline Hy / Maison Moderne)

Fernand Etgen, élu local, ministre, puis président de la Chambre. Une carrière qui remonte à son premier engagement politique: à l’âge de 16 ans, lorsqu’il a adhéré au DP. (Photo: Pauline Hy / Maison Moderne)

Une nouvelle Constitution en 2020

La future Constitution devra aussi rassembler une large majorité. Mais pour Fernand Etgen, il ne faut plus traîner en chemin.

«Durant 13 ans, la Chambre a réalisé un travail extraordinaire, notamment sous la houlette de (ancien député CSV, ndlr). On a eu un vote en commission. Il faut maintenant concrétiser: lancer une campagne de sensibilisation vers le grand public pour expliquer ce qui change ou pas, voter et organiser le referendum», dit-il. Cela afin que le nouveau texte – «plus moderne, plus lisible» – soit adopté en 2020. Reste que, si un accord politique avait été trouvé entre les partis, le CSV a rebattu les cartes.

L’administration parlementaire a lancé les préparatifs de ce referendum, mais aucune date n’a été fixée. Les députés devront prochainement s’accorder sur la manière de continuer les travaux.

Le président veut en tout cas se positionner au-dessus de la mêlée. «Mon rôle principal est en effet celui d’être un arbitre», concède-t-il. Mais il garde évidemment un avis politique sur nombre de dossiers du moment. «La tripartite a fait son chemin depuis les années 70 et Gaston Thorn (ancien Premier ministre DP). est un homme de dialogue qui trouvera les moyens d’arriver à un compromis autrement», avance Fernand Etgen.

 

Je suis pour la légalisation du cannabis. Je suis toujours pour ce qui peut être encadré par des règles.
Fernand Etgen

Fernand EtgenprésidentChambre des députés

La légalisation du cannabis? «Je suis pour! Je suis toujours pour ce qui peut être encadré par des règles précises. Le Luxembourg peut être précurseur en ce domaine», note Fernand Etgen. Qui, toujours via des mécanismes précis, estime en tant qu’ancien ministre et fils d’agriculteurs, «que cela pourrait même être intéressant pour nos agriculteurs».

La mobilité et le recrutement de main-d’œuvre sont aussi, à ses yeux, des priorités. Tandis que, dans le domaine de la finance, «on est sur la bonne voie, avec une législation précise qui empêche le pays de figurer encore sur des listes noires», et que  est «évidemment choquant» et met en avant le défi majeur qu’est le logement.

Outre les aspects politiques, Fernand Etgen doit aussi s’acquitter d’obligations protocolaires et diplomatiques en tant que président de la Chambre. (Photo: Pauline Hy / Maison Moderne)

Outre les aspects politiques, Fernand Etgen doit aussi s’acquitter d’obligations protocolaires et diplomatiques en tant que président de la Chambre. (Photo: Pauline Hy / Maison Moderne)

Un vrai rôle diplomatique

Conseiller communal, échevin, bourgmestre, député, ministre, membre de divers syndicats intercommunaux, Fernand Etgen (62 ans) a goûté à nombre de mandats. Mais s’est parfaitement coulé dans son rôle de président de la Chambre. «Si je souhaitais rester ministre? Oui, mais juste de l’Agriculture, ou bien d’un ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, par exemple. Mais quand mon nom a circulé pour la présidence de la Chambre, je n’ai pas hésité», avoue-t-il.

La fonction est en effet prestigieuse, avec un rôle diplomatique et de représentation important. Mais aussi décisif quant au bon fonctionnement de la démocratie. Ce que Fernand Etgen tente de faire au mieux, plus en pater familias qu’en précepteur inflexible. Alors, quand des groupes politiques quittent soudainement la séance plénière, ... «C’était inattendu. Dans la maison de la démocratie, on est là pour échanger, débattre.»

Chez moi, à la ferme, on disait toujours que chaque vache a sa place dans l'étable.
Fernand Etgen

Fernand EtgenprésidentChambre des députés

Au désordre, Fernand Etgen préférera toujours l’ordre. «Chez moi, à la ferme, on disait toujours que chaque vache a sa place dans l’étable», s’amuse-t-il.

Le vent de fraîcheur des jeunes députés

Et les jeunes députés qui arrivent, leur manière de faire, de communiquer, ne l’inquiètent pas. «Je me rappelle aussi de ma jeunesse... Et puis, en politique, il y a des sujets qu’on ne peut pas résumer en trois tweets. C’est bien que ces jeunes arrivent, c’est rafraîchissant, cela va aider à revitaliser la politique.» Et s’il devait les conseiller, il leur dirait «de faire les choses de manière authentique».

À Luxembourg, on doit me considérer comme un conservateur, alors que dans mon village, on me prend pour un révolutionnaire!
Fernand Etgen

Fernand EtgenprésidentChambre des députés

Lui-même pense d’ailleurs ne pas avoir changé, ou peu. Un contre-exemple? «Je n’ai eu que deux cravates auparavant, que je ne portais que deux fois par an, notamment pour la Fête nationale. Mais depuis que je suis président de la Chambre, j’en porte une tous les jours. Mes prédécesseurs de 1919 n’auraient pas imaginé un président sans cravate.»

C’est en réalité plus le regard des gens qui peut changer, selon les endroits. «Je pense qu’en ville, on me prend pour un conservateur. Alors que dans ma commune de Feulen (d’où il est natif, ndlr), on me voit comme un révolutionnaire!», s’amuse-t-il.

C’est peut-être cela, le secret de la carrière déjà longue de 40 ans de Fernand Etgen, un savant mélange entre sérieux, décontraction et plaisir. Au point d’en redemander encore et de briguer un nouveau mandat? «Je suis dans le présent, on verra bien. Je me sens en tout cas très bien pour le moment.»