D’ici 2030, le Luxembourg doit réduire par deux le recrutement du personnel de santé à l’étranger. Et l’offre de formation risque de ne pas suffire à compenser les départs à la retraite. (Photo: Shutterstock)

D’ici 2030, le Luxembourg doit réduire par deux le recrutement du personnel de santé à l’étranger. Et l’offre de formation risque de ne pas suffire à compenser les départs à la retraite. (Photo: Shutterstock)

En rupture avec la tradition mesurée de soutien aux candidats français à l’élection présidentielle, le Premier ministre, Xavier Bettel, est allé encourager Emmanuel Macron sur scène, jeudi. Un quinquennat à haut risque s’annonce, entre vivier épuisé, mobilité à l’arrêt et financement de la formation.

Décomplexées depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017 et dopées par les usages nés du Covid, des entreprises françaises ont entamé une version moderne du chant des sirènes pour débaucher les talents dont elles ont besoin et qui travaillent au Luxembourg. «Ils lui ont promis qu’il pourrait télétravailler deux jours par semaine, la technologie le permet, et lui ont montré que le calcul horaire n’était pas si favorable que cela au Luxembourg», explique un chef d’entreprise surpris du départ d’un de ses cadres.

Un Messin employé au Luxembourg doit travailler 40 heures et non 35, et s’y ajoutent deux à trois heures de route par jour, soit jusqu’à 55 heures par semaine. «Les transferts sociaux lui sont beaucoup plus favorables au Luxembourg», ajoute un expert luxembourgeois en haussant les épaules, pour qui cela ne relève que de l’anecdote et pas de la tendance de fond.

Alors que les études, en Lorraine, semblaient montrer que le vivier humain était épuisé et que cela avait potentiellement un effet désastreux pour le Luxembourg – pas assez d’employés hautement qualifiés en Lorraine, pas de création d’entreprise et donc pas de nouveaux employés à aller tenter –, les statistiques de l’Adem montrent une création nette de près de 15.000 emplois entre la mi-2020 et juin 2021. En cinq ans, le Luxembourg a créé 66.650 nouveaux emplois, dont à peu près 50% sont revenus à des frontaliers français.

Dans le détail, les chiffres indiquent que deux tiers de recrutement dans l’industrie, 57% dans la construction, 55% dans le commerce et 44% dans le transport viennent des pays frontaliers, tandis que les nouvelles ressources dans les secteurs scientifique, financier, administratif ou de l’assurance viennent désormais autant de l’étranger que des trois pays frontaliers.

La mobilité toujours à l’arrêt

Le Covid a fracturé le monde du travail en deux: ceux qui pouvaient travailler de chez eux et qui ont compris le luxe de cette proposition pour leur vie personnelle, ce qui rend le retour au travail très compliqué dans certaines entreprises du Luxembourg; et ceux qui ne pouvaient pas, soit 40% des 470.000 postes de travail à peu près. Souvent des emplois moins qualifiés… qui doivent en plus absorber la hausse du prix des produits pétroliers ou le capharnaüm de la mobilité.

Les employeurs luxembourgeois doivent donc faire face au chant des sirènes, à l’engouement sans précédent pour le télétravail et son corollaire d’absentéisme, et à la mobilité engluée dans des années d’immobilité.

Des deux côtés de la frontière, deux politiques paient la grogne des frontaliers alors qu’ils sont probablement ceux qui ont fait le plus d’efforts ces 20 dernières années: le président de la nouvelle région Grand Est, Jean Rottner (Les Républicains), et le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, (déi Gréng).

avoir racheté 16 rames TER 2N NG, un investissement de 100 millions d’euros, à son alter ego de Normandie, Hervé Morin. De quoi «mettre en service un véritable RER pour le Sillon lorrain, avec des trains de 1.000 places en heures de pointe» sur l’axe Nancy-Metz-Luxembourg, disait-il alors. Dix de ces rames arriveront en 2024 et quatre autres en 2025. Donc pas maintenant. L’idée est aussi de baisser le cadencement à six minutes au lieu de 10.

M. Rottner est l’un des premiers patrons de région à avoir offert un bout de service à des opérateurs privés, la privatisation commençant cette année. Il y a quelques années, M. Bausch n’hésitait pas à imaginer que les CFL fassent une offre pour ce tronçon Luxembourg-Metz-Nancy pour tenter de remédier au problème. Sans avoir jamais réitéré cette proposition. C’est que le ministre doit «délivrer» sa promesse de saut qualitatif du rail, qui était initialement programmée pour la fin de l’année.

«La construction de la ligne et des gares est égale à une opération à cœur ouvert du réseau ferroviaire luxembourgeois. L’acquisition de 300 parcelles a été nécessaire pour la réalisation de ce projet. Une fois la ligne terminée en 2026, le rail au Luxembourg connaîtra un saut de qualité énorme», a-t-il redit, alors que . Sept kilomètres d’une troisième voie et la reconstruction de ce que les frontaliers ont baptisé «Bordelbourg», le poste d’aiguillage risquant même de prendre l’eau en cas de fortes pluies, en seront les deux éléments essentiels.

L’A31 bis est déjà une solution d’un autre siècle et nous espérons en voir un jour la réalisation concrète, tout en sachant déjà que cela sera insuffisant et mal adapté à nos besoins .

François Grosdidiermaire de Metz et président de la métropole de Metz

Les maires de Metz et Thionville, François Grosdidier et Pierre Cuny (Les Républicains tous les deux), militent activement auprès de l’État français pour une troisième voie et le lancement d’un Réseau Express Métropolitain, une sorte de RER – pour les Parisiens – d’une grosse métropole qui irait de Luxembourg jusqu’à Metz. «Il faudra consentir à des investissements massifs, notamment pour créer une troisième voie ferroviaire. L’actuelle voie est partagée entre les trains de voyageurs et les trains de marchandises. L’augmentation du fret ferroviaire, si elle est souhaitable et la bienvenue, ne permettra pas de répondre à nos objectifs de transport pour les travailleurs frontaliers», fait savoir le premier, qui dirige aussi la métropole de Metz, en reconnaissant les efforts de M. Rottner.

Pas de bol pour les 90.000 frontaliers français qui préfèrent la route et qui cohabitent difficilement avec 12.000 camions par jour. Avec deux ans de retard, le Luxembourg a entamé le 12 mars les travaux d’élargissement de l’A31 à deux fois trois voies, entre le rond-point de la Cloche d’Or et la frontière – ce qui, entre parenthèses, n’aura qu’un effet positif le matin, les frontaliers arrivant plus vite au travail tandis que les retours devront repasser à deux voies à Dudelange… , le problème restera d’autant plus entier que l’A31 bis n’est toujours pas près de voir le jour.

«L’A31 bis est déjà une solution d’un autre siècle et nous espérons en voir un jour la réalisation concrète, tout en sachant déjà que cela sera insuffisant et mal adapté à nos besoins», regrette le maire de Metz. Après 40 ans (!) de discussions, quatre trajets restent sur la table – deux fois moins que début janvier –, qui vont être évalués d’ici la fin juin, puis soumis à consultation publique à l’automne avant un choix en fin d’année.

Comment la financer? Par un péage, préconise l’État français. Par une écotaxe, défendent les élus locaux. Là encore, on voit l’impact que tout retard peut avoir sur la circulation vers et depuis le Luxembourg.

La santé luxembourgeoise sous dépendance

La pandémie de Covid a aussi été révélatrice de la dépendance luxembourgeoise aux personnels de santé, notamment français. Là où la précédente mairie de Metz, de Dominique Gros (Parti socialiste), s’offusquait des ponts d’or que les hôpitaux luxembourgeois proposaient aux infirmiers (200% du salaire moyen de l’OCDE contre 93% pour les infirmiers en France) et aux médecins français, la nouvelle majorité a pris un virage. L’idée est, puisque le Luxembourg et la Lorraine ont chacun des besoins, de former davantage d’infirmiers. L’Institut de formation en soins infirmiers du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville a obtenu de l’État français la possibilité de former deux fois plus d’infirmiers.

Le point de friction est la part patronale payée pour cette formation… qui se traduit par un emploi au Luxembourg: avec 12,8 infirmiers pour 100.000 habitants, le Grand-Duché est loin derrière l’Allemagne (54,4) et la France (38,9) et forme à peine 75 infirmiers par an depuis 25 ans. La situation est peut-être encore plus préoccupante avec les 2.500 médecins – à 67% généralistes luxembourgeois, à 49% spécialistes luxembourgeois et à 41% dentistes luxembourgeois – car 60 à 70% des médecins partiront à la retraite d’ici 2034. Avec une offre de formation luxembourgeoise à 77 par an et une perte de 25% qui restent près de leurs lieux de formation, la situation s’annonce tendue.

«On a deux systèmes de formation qui s’organisent chacun de leur côté, qui se toisent, qui ne s’accordent pas sur des objectifs pédagogiques communs, sur un objectif quantitatif partagé ou sur des moyens mutualisés», dit le cabinet de M. Grosdidier. Sans compter que l’offre complète de formation du Luxembourg devra s’accompagner de l’universitarisation de son hôpital, processus… accompagné par l’Université de Lorraine et des médecins nancéiens.

Là où l’ex-ministre des Finances, (DP), défendait l’idée de zones franches, on fait remarquer que le Luxembourg doit répondre d’ici 2030 à un objectif de l’Organisation mondiale de la santé: réduire par deux le recrutement de professionnels hors santé à l’étranger.

Autant de thématiques, mais il y a en a bien d’autres, de la fiscalité au positionnement sur l’industrie des cryptomonnaies et crypto-assets, qui montrent que le mode moderne du soutien à un candidat va devoir être élargi à de nouvelles coopérations pragmatiques.