Le télétravail, pratiqué massivement, puis régulièrement depuis le début de la crise ­sanitaire, a offert une sorte d’acquis social que certains employés ne veulent pas abandonner. (Photo: Shutterstock)

Le télétravail, pratiqué massivement, puis régulièrement depuis le début de la crise ­sanitaire, a offert une sorte d’acquis social que certains employés ne veulent pas abandonner. (Photo: Shutterstock)

La crise sanitaire a accéléré la réflexion sur l’avenir du télétravail, qui pourrait se situer dans des bureaux satellites dissé­minés près des frontières. Un espace de travail qui répond à la fois aux freins législatifs et aux attentes des employés.

«100% des personnes intéressées par un emploi demandent dès le premier entretien ce qu’il en est du télétravail. Alors qu’elles étaient peut-être 1% à le faire avant le Covid. Et la majorité pose un refus catégorique si l’entreprise ne le pratique pas.» Ce constat sans appel est posé par , managing director du cabinet de recrutement Badenoch + Clark (Belux). La crise sanitaire et le travail en confinement sont donc passés par là. «Il y a 20 ans, on voulait un salaire. Il y a 10 ans, de la reconnaissance. Aujourd’hui, on veut du temps pour soi», résumait quant à lui , CEO de RH Expert, interrogé sur ­Paperjam.lu. La flexibilité fait donc office de maître-mot. L’enjeu étant de trouver le bon équilibre entre, d’un côté, l’aménagement du temps de ­travail, et, de l’autre, le lieu de travail idéal, certains collaborateurs ne souhaitant plus passer une heure dans un moyen de transport matin et soir. 

Le télétravail, pratiqué massivement, puis régulièrement depuis le début de la crise ­sanitaire, a offert une sorte d’acquis social que certains employés ne veulent pas abandonner. Et face à une telle mutation, les entreprises évoluant sur des marchés très concurrentiels n’ont pas le choix. Elles doivent s’adapter. «Les grands groupes sont en avance dans la réflexion sur le futur du travail ‘at work’, mais aussi ‘off work’. Chez eux, celle-ci avait commencé avant le Covid. Alors que les moyennes et petites entreprises n’étaient pas dans cette logique-là, continuant plutôt à toujours ‘surveiller’ leurs employés», explique Stanislas Dutreil. 

Aujourd’hui, tous ont le même but: trouver la solution qui permettra d’attirer ces fameux «talents», tout en gérant les aspects fiscaux et de sécurité sociale des travailleurs frontaliers, qui, tôt ou tard, ne bénéficieront plus du régime dérogatoire de télétravail illimité. 

Deux bureaux satellites de plus chez PwC

Une des solutions alternatives qui combinent les impératifs légaux et la flexibilité pour l’employé consiste en la décentralisation des espaces de travail, à l’image des bureaux ­satellites mis en place depuis 2018 par PwC. Ou par Société Générale, qui a décidé de déplacer une partie de son personnel vers Belval. Mais, désormais, de plus petites ­structures essaient, elles aussi, de recourir à ces bureaux plus proches des frontières tout en restant au Luxembourg. Une formule qui se répercute sur le secteur de l’immobilier professionnel, à la faveur des tarifs décroissants à mesure que l’on s’éloigne de la capitale. «Boulevard Royal, on est sur du 52 euros au m2. À Belval, 26 euros», indique Julien ­Pillot, head of office agency chez Inowai.

«La notion de télétravail est en train de s’élargir, explique Stanislas Dutreil. Désormais, télétravailler peut également se faire depuis des locaux (plus) proches de chez soi, où l’on offre un cadre plus professionnel qu’à la maison. C’est une formule qui allie bien des avantages.»Une organisation que les petites structures ont tendance à «tenter de mettre en place en coworking avec d’autres entreprises» pour mutualiser les coûts. 

Précurseur en la matière, PwC a ouvert son premier bureau satellite dans le Nord, à Wemperhardt. Déjà à l’époque, il s’agissait de répondre aux besoins d’employés qui saturaient (mentalement) à force de circuler sur des autoroutes qui l’étaient tout autant. Quatre autres bureaux ont suivi. Et bientôt, ils seront sept,

La charte de remote working mise en place à l’époque au sein du cabinet (un jour par semaine de télétravail à la maison, un autre dans un bureau satellite, et trois au siège central, au Ban de Gasperich) a évolué depuis le début de cette année. Désormais (et cela restera valable après la fin des mesures Covid), «un seul jour hebdomadaire de présence au bureau central est obligatoire», explique , associée et operations leader chez PwC ­Luxembourg. «Nos employés peuvent organiser le reste de leur semaine entre notre siège central, ces bureaux satellites et leur domicile. Tout en étant tenus de gérer les problématiques fiscales et liées à la sécurité sociale qui leur sont propres. Si le Covid a démontré une chose chez nous, c’est que le télétravail peut s’appliquer à 98% de notre staff.» 

Et maintenant, à l’étranger?

Le bail des locaux de Howald (plus de 5.700 m2), le deuxième bureau du cabinet dans la capitale, n’a, lui, pas été renouvelé, «le parti pris étant plutôt de développer ces bureaux frontières». On peut donc penser que d’autres vont suivre dans le futur. Ou que les satellites actuels vont avoir tendance à s’agrandir.

Des bureaux périphériques dont l’avenir se situe peut-être même de l’autre côté des frontières. «C’est en tout cas ce qu’on entend à droite à gauche pour diverses sociétés…», glisse Stanislas Dutreil. Chez PwC, on avoue d’ailleurs «y avoir déjà regardé par le passé et y regarder à nouveau», selon Anne-Sophie Preud’homme. «Ce ne serait pas pour y installer de vrais bureaux, mais plutôt pour des travailleurs isolés souhaitant opérer de chez eux. Mais pour le moment, il n’y a rien de concret. Parce qu’une telle option engendrerait de grosses problématiques organisationnelles, fiscales ou liées à la sécurité sociale, ou même à l’impôt des sociétés…»

Si la crise a mis au jour le souhait des ­salariés de travailler selon de nouvelles modalités, elle a aussi mis en lumière la capacité des employeurs à faire preuve d’innovation pour retenir leurs talents tout en composant avec des paramètres tels que la législation, la mobilité et le prix de l’immobilier.