Pour certains analystes, la récession devient le scénario de base pour 2022. (Photo: Shutterstock)

Pour certains analystes, la récession devient le scénario de base pour 2022. (Photo: Shutterstock)

Même si, dans un contexte de hausse de l’inflation et de ralentissement de la croissance, tous les acteurs ne s’accordent pas sur un constat de stagflation, des commentateurs considèrent que la persistance du scénario actuel pose les bases d’une récession prochaine.

Le terme de «stagflation»  dans les discussions autour des marchés européens au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février. Arrivant dans un contexte de fièvre inflationniste par le biais des prix des matières premières, le début du conflit armé en Ukraine annonçait, sans équivoque, un ralentissement de l’économie. Depuis lors, la flambée des prix de l’énergie n’a fait qu’alimenter les braises de la surchauffe inflationniste.

Face au constat macroéconomique global, le 12 avril, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoyait du PIB mondial en 2022 après une hausse de 5,7% en 2022, «dans l’hypothèse d’une incertitude géopolitique et économique persistante».

Quelques jours plus tard, le 19 avril, c’était au tour du Fonds monétaire international (FMI) de faire part de ses estimations. Tablant plutôt sur au niveau mondial cette année, le FMI indiquait que l’une des grandes perdantes de la guerre serait la zone euro avec une perspective de croissance plafonnant à 2,8%, contre 3,9% précédemment.

Une question de sémantique

Un scénario de hausse d’une inflation qui persiste, combiné à celui d’un recul des perspectives de croissance, c’est justement ce qui décrit un contexte de stagflation. Pourtant, la Banque centrale européenne (BCE) a toujours tenu à soigneusement éviter d’utiliser le terme de stagflation lors de chacune de ses communications, y compris . À en croire Luis de Guindos, vice-président de la BCE, cela dépend de la définition donnée à la stagflation. «Si nous la définissons comme une croissance négative d’une année à une autre avec une inflation très élevée, alors, même dans le scénario sévère, nous ne voyons pas de stagflation», au média Bloomberg le 20 avril.

Nous pensons que les risques de baisse de la croissance mondiale ont augmenté dans toutes les régions, en particulier en Europe. La stagflation est un scénario de base pour cette année.
Salman Ahmed

Salman Ahmedglobal head of macro and strategic asset allocationFidelity International

Même si la BCE maintient sa position sur l’utilisation du terme de stagflation, il s’agit de l’un des thèmes désormais étudiés lors des discussions sur les marchés financiers. Un thème par exemple majeur abordé par Fidelity International, ce 26 avril, à l’occasion de son événement de présentation de ses perspectives macroéconomiques du deuxième trimestre. «Nous pensons que les risques de baisse de la croissance mondiale ont augmenté dans toutes les régions, en particulier en Europe», expliquait à cette occasion Salman Ahmed, global head of macro and strategic asset allocation chez Fidelity International. «La stagflation est un scénario de base pour cette année.»

La récession, un scénario de base

Poursuivant son exposé, Salman Ahmed anticipe la suite du scénario: «Nous pensons que l’inflation diminuera lentement, alors que dans le même temps, il y a un risque que la dynamique de croissance ralentisse.» Ce qui l’amène à conclure: «Nous pensons que la récession en Europe devient un scénario de base, notamment en raison des liens directs entre l’Europe et la Russie.»

À partir de deux trimestres consécutifs qui témoignent d’un déclin significatif de l’activité économique dans une certaine région, les économistes ont pour habitude de s’accorder sur un constat de récession.

Nous pensons que la récession en Europe devient un scénario de base, notamment en raison des liens directs entre l’Europe et la Russie.
Salman Ahmed

Salman Ahmedglobal head of macro and strategic asset allocationFidelity International

Entre stagflation et récession, l’un pourrait même amplifier l’autre. Comme le rappelle Salman Ahmed, «le risque de stagflation s’intensifie à l’approche de la récession en Europe». Ce dernier ajoute: «La stagflation s’intensifie alors que la guerre en Ukraine exacerbe les pressions inflationnistes et augmente le risque de baisse de la croissance (…), et aura des répercussions mondiales par les biais, canaux commerciaux et financiers.»

L’effet inattendu de la Chine

Selon certains analystes, il se pourrait même que les données relatives à la mesure des répercussions de la guerre en Ukraine n’aient pas encore été toutes prises en compte. Donc que les estimations soient révisées à la baisse dans les semaines à venir.

Alors que l’impact macroéconomie de la guerre en Ukraine est en cours d’évaluation, les analystes tournent désormais leur regard vers la Chine, où la politique zéro Covid de Pékin confronte l’économie chinoise à des blocages massifs. De quoi provoquer d’éventuelles futures ruptures dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Une étude de la banque japonaise Nomura, publiée en avril, notait qu’en Chine, «le risque de récession est en hausse, ce qui remet en question l’objectif de croissance du PIB».

Pour l’heure, un rapport de la Deutsche Bank, daté du 26 avril, observe que la récession se trouve déjà aux portes de l’économie américaine. Émettant l’hypothèse que l’inflation y mettra du temps avant de revenir au taux attendu de 2%, «nous considérons (…) comme très probable que la Fed devra freiner encore plus fermement, et qu’une profonde récession sera nécessaire pour faire reculer l’inflation», commentent les économistes de la Deutsche Bank.