L’inflation s’accélère, et la croissance se réduit. Alors que le terme de «stagflation» est désormais lâché par plusieurs commentateurs pour décrire la situation macroéconomique en cours en Europe, la Banque centrale européenne (BCE) se refuse à en faire usage. Et si tout n’était qu’une question de définition, au final?
Interrogé par le média Bloomberg, le 20 avril dernier, si la situation actuelle s’apparente à de la stagflation, Luis de Guindos, vice-président de la BCE, a en effet déclaré que «cela dépend de la définition de la stagflation». Selon lui, «si nous la définissons comme une croissance négative d’une année à une autre avec une inflation très élevée, alors, même dans le scénario sévère, nous ne voyons pas de stagflation».
Même s’il ne qualifie pas les circonstances de stagflation, Luis de Guindos reconnaît cependant que «le niveau d’incertitude est énorme». Les projections et différents scénarios devant être mis à jour en juin.
La fin de l’APP
Moins d’une semaine plus tard, le 26 avril, c’était au tour de Martin Kazaks, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE et gouverneur de la banque centrale lettone, de s’exprimer publiquement à l’occasion d’une interview donnée au média Reuters. «Une hausse des taux en juillet est possible et raisonnable», a-t-il déclaré, ajoutant: «Les marchés évaluent deux ou trois hausses de 25 points de base d’ici la fin de l’année. Je n’ai aucune raison de m’y opposer, c’est un point de vue tout à fait raisonnable.»
Par contre, un tel plan ne ressort pas de la communication faite par la BCE le 14 avril à l’issue de de son Conseil de gouvernance, expliquant qu’elle ne relèverait ses taux qu’après avoir achevé son programme de rachats d’actifs (APP). Il était alors annoncé que les achats nets mensuels au titre de l’APP s’élèveront à 40 milliards d’euros en avril, 30 milliards en mai et 20 milliards en juin. Pour la suite, «le calibrage des achats nets tiendra compte des données et de l’évolution de l’évaluation des perspectives par le Conseil des gouverneurs», expliquait alors la BCE.
Pourtant, le gouverneur de la banque centrale de Lettonie semble se distinguer de cette approche: «Mettre fin au programme d’achat d’actifs début juillet est approprié (…). L’APP a rempli son objectif, il n’est donc plus nécessaire.»
Une probable hausse d’ici la fin de l’année, selon Christine Lagarde
Martin Kazaks n’est pas le seul membre du Conseil des gouverneurs de la BCE à faire pression en faveur d’une première hausse des taux dans la foulée de la fin de l’APP au troisième trimestre de cette année. Joachim Nagel, président de la Bundesbank, et Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale de Belgique, se sont également exprimés publiquement en ce sens.
Luis de Guindos ne s’est pas non plus opposé de façon manifeste à l’idée d’une hausse des taux au troisième trimestre, laissant planer le flou: «Mon opinion est que le programme devrait se terminer en juillet, et pour la première hausse des taux, il faudra voir nos projections, les différents scénarios et, alors, seulement, décider.» Selon lui, cela dépendra donc des données disponibles.
Toutes ces prises de position de la part de membres du Conseil des gouverneurs de la BCE ont fait fi du rappel à l’ordre effectué par sa présidente, Christine Lagarde, le 22 avril. Elle a ainsi demandé aux membres du Conseil de ne pas déclarer publiquement leurs opinions divergentes en matière de politique monétaire de la zone euro.
Malgré tout, la présidente de la BCE ne semble pas fermer la porte à un premier relèvement des taux. Dans une intervention sur la chaîne télévisée américaine CNBC le 22 avril, elle a confirmé que la BCE devrait mettre un terme à l’APP au début du troisième trimestre et rehausser ses taux avant la fin de l’année. La prochaine réunion des gouverneurs de la BCE aura lieu le 21 juillet. De nouveau, tout dépendra des données.