Les investissements dans les politiques climatiques et environnementales sont à la hausse dans le budget de l’État, mais l’existence d’un «budget vert» détaillant les montants de toutes les mesures liées aux politiques climatiques et environnementales manque, selon l’économiste Vincent Hein. (Photo: Shutterstock)

Les investissements dans les politiques climatiques et environnementales sont à la hausse dans le budget de l’État, mais l’existence d’un «budget vert» détaillant les montants de toutes les mesures liées aux politiques climatiques et environnementales manque, selon l’économiste Vincent Hein. (Photo: Shutterstock)

Tout semble indiquer que les annonces du gouvernement en matière de climat et d’environnement sont suivies d’effets: dans le budget, les dépenses qui y sont consacrées sont à la hausse. Mais l’examen reste difficile, faute d’une évaluation transparente suffisamment précise.

«Dans le budget, plusieurs groupes de dépenses en faveur de la lutte contre le changement climatique marquent une très forte hausse pour les prochaines années», juge Vincent Hein, économiste au sein de la Fondation Idea, à la lecture du par le ministre des Finances, (DP).

Le tournant vert que laissait augurer,  du Premier ministre, (DP), semble donc se matérialiser dans les faits. L’enveloppe en faveur des investissements dans le domaine du climat et de l’environnement est ainsi passée de 445 millions d’euros en 2019 à 765 millions d’euros dans le projet de budget 2022. Et cela ne devrait pas s’arrêter là: le montant atteindra près de 900 millions d’euros en 2025. Soit un doublement en six ans.

Dans le détail, en 2022, la moitié de ces 765 millions d’euros sera dédiée au transport public, dont 48 millions pour le tramway, mais surtout 336 millions pour le fonds du rail. Entre 2021 et 2025, 1,5 milliard d’euros seront ainsi consacrés au fonds du rail.

Bond pour le fonds climat et énergie

Même si ce montant est à relativiser – l’enveloppe consacrée au fonds du rail augmentant de 6% sur cinq ans, elle croît moins vite que le total des dépenses du budget, qui augmente, lui, de 16% –, «c’est tout de même beaucoup, le top mondial en termes d’investissement dans le domaine», remarque Vincent Hein.

Deux autres fonds connaissent une hausse importante en termes d’enveloppe budgétaire: le fonds pour la protection de l’environnement, avec un budget de 55 millions d’euros en 2022, et surtout le fonds climat et énergie, avec un budget de 262 millions d’euros.

Le fonds climat et énergie connaît ainsi, sur la période 2021-2025, un bond de ses dépenses de 80% (de 182 millions d’euros en 2021 à 329 millions en 2025). D’ici à 2025, ce poste de budget devrait atteindre près de 1,5% du budget de l’État. «Rien que sur les énergies renouvelables, les dépenses passeront de 7 millions d’euros en 2021 à 42 millions en 2025», note Vincent Hein.

1,9 milliard pour le PNEC

Au-delà de cette enveloppe budgétaire de 765 millions d’euros, le budget identifie aussi toutes les dépenses qui contribuent à la réalisation du plan national énergie et climat (PNEC). Ici aussi, les moyens financiers sont en hausse, pour atteindre près de 1,9 milliard en 2022. Ce qui représente une augmentation de 8% par rapport à 2021 et de 20% sur la période 2021-2025 – les dépenses pour le PNEC devraient alors atteindre plus de 2 milliards d’euros. Soit un taux d’augmentation cette fois supérieur à celui du total des dépenses (+16% sur la même période).

Tout semble donc indiquer, si ce n’est une révolution, du moins une hausse claire des dépenses consacrées au climat et à l’environnement. Mais difficile d’en dire davantage, selon Vincent Hein: «Le problème de cette ligne budgétaire, c’est qu’on n’en a pas le détail», constate-t-il. «Les dépenses en faveur du PNEC augmentent et atteignent 2 milliards d’euros, mais je dois faire confiance au ministère quant à ce qu’il déclare comme relevant du PNEC. Je ne sais pas dire pourquoi cela augmente, dans quel domaine exactement, je n’ai pas une vision d’ensemble assez précise pour pouvoir vérifier si ces annonces de politique publique se matérialisent bien dans les faits.»

Une étape manque

Selon l’économiste, «il manque clairement une étape importante par rapport au discours: l’évaluation annuelle de l’intégralité des dépenses publiques vis-à-vis des objectifs environnementaux». Une évaluation qui existe d’ailleurs dans certains pays. C’est le cas en France qui, avec la Grèce, le Mexique, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse et l’Irlande, s’attelle à l’exercice depuis l’année dernière.

Une évaluation, appelée «budget vert», est alors adossée sous forme d’annexe au projet de budget de l’État, et permet d’avoir accès à une analyse détaillant les montants de toutes les mesures liées aux politiques climatiques et environnementales, que celles-ci y soient favorables ou défavorables.

Le Premier ministre a bien annoncé, lors du discours sur l’état de la Nation, la création d’un mécanisme s’en rapprochant. Il s’agit de l’évaluation de l’impact écologique du fonctionnement de l’administration ainsi que celui de tous les nouveaux projets de loi.

Travail considérable

«C’est intéressant, mais très loin d’être aussi exhaustif qu’un budget vert», estime néanmoins Vincent Hein. «Vous pouvez avoir une administration neutre climatiquement qui produit des politiques défavorables, et inversement. Surtout, on ne réforme pas tout tous les ans, donc les nouveaux projets de loi ne représentent qu’une petite partie des politiques publiques.» Ce qui rend impossible, à l’inverse d’un budget vert, une vision exhaustive de toute l’action des politiques publiques. «Un budget vert permettrait de faire ce type d’analyse plus précise», confirme Vincent Hein.

Toutefois, pour établir une telle évaluation, le travail est considérable, peut-être trop important pour l’administration d’un pays de la taille du Luxembourg, reconnaît l’économiste. «Mais étant donné qu’il existe des groupes de coordination internationaux, cela nous semblerait vraiment une mesure adéquate pour répondre à la question: les annonces se matérialisent-elles dans les faits?» Pour le moment, il faudra se contenter d’y croire.

Cet article a été rédigé pour la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité en matière d’environnement, de climat, de mobilité, de RSE et de green finance.