La Banque centrale européenne s’inquiète de l’orientation des marchés immobiliers, lui laissant craindre une crise. (Photo: Shutterstock)

La Banque centrale européenne s’inquiète de l’orientation des marchés immobiliers, lui laissant craindre une crise. (Photo: Shutterstock)

Dans la dernière livraison de sa «Revue de stabilité financière», la BCE met en garde contre une accumulation de vulnérabilités potentiellement plus dévastatrices que la pandémie. Dans son viseur, l’exubérance régnant tant sur les marchés actions que sur le marché immobilier.

Selon les analystes de la BCE, les risques que fait peser la pandémie sur la stabilité financière diminuent avec la reprise économique. «La récente reprise dans la zone euro a permis de relancer l’activité des entreprises et réduit par conséquent nos pires craintes sur l’économie et le risque crédit», indique Luis de Guindos, vice-président de la BCE, pour qui «les risques de taux élevés de défaillances d’entreprises et de pertes bancaires sont désormais nettement moins élevés qu’il y a six mois». De fait, les défaillances d’entreprises sont restées en deçà des niveaux antérieurs à la pandémie, «bien qu’elles aient augmenté dans les secteurs économiques les plus touchés par la pandémie et qu’elles puissent encore augmenter».

«Mais les risques liés à la pandémie n’ont pas totalement disparu», poursuit-il, en pointant le fait que les tensions dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et la hausse des prix de l’énergie pourraient compromettre la reprise et les perspectives d’inflation.


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Mais ce qui inquiète vraiment l’institution de Francfort, ce sont les vulnérabilités croissantes observées sur les marchés immobiliers, ainsi que les valorisations tendues des actifs financiers où le risque de correction a augmenté sur certains segments.

«Les vulnérabilités des marchés immobiliers résidentiels se sont accrues, notamment dans les pays où les évaluations étaient déjà élevées avant la pandémie», analyse la BCE. Au deuxième trimestre, les prix de l’immobilier ont bondi de 7,3% dans la zone euro, «soit la plus forte hausse constatée depuis 2005, dans un contexte d’assouplissement des conditions de crédit».

La pandémie n’a donc pas freiné la hausse des prix de la pierre, favorisée par les taux d’intérêt très bas et par la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne. Elle l’aurait même accélérée, profitant de l’excès d’épargne accumulée, qui a tendance à s’orienter vers l’immobilier, de la hausse de la demande pour des biens plus grands, suite au confinement et à la généralisation du télétravail.

La BCE s’alarme de la forte dynamique du marché hypothécaire qui va de pair avec une détérioration progressive des conditions de prêts, même si les banques de la zone euro ont commencé à resserrer, au troisième trimestre, les conditions d’octroi de prêts au logement consenties aux ménages.

En réaction, l’institution appelle à l’application de politiques macroprudentielles contraignantes.

Un tour de vis réglementaire pour le secteur financier

La BCE souhaite également un tour de vis dans le secteur financier, «notamment par la mise en œuvre intégrale et dans les délais des réformes de Bâle III et par un cadre stratégique plus solide pour le secteur financier non bancaire». Un secteur financier dont l’évolution des prix de certains actifs financiers suscite des craintes de surévaluation sur certains marchés, ce qui accroît la probabilité de corrections du marché, tout comme la prise de risque accrue des établissements non bancaires. «Cette catégorie, qui comprend les fonds d’investissement, les assureurs et les fonds de pension, a continué d’accroître son exposition aux dettes d’entreprises moins bien notées et pourrait subir des pertes de crédit substantielles si les conditions dans le secteur des entreprises devaient se détériorer. Les fonds d’investissement restent également très exposés au risque de liquidité.»

Si la situation des banques semble favorable, comme en témoigne la baisse des provisions, la BCE reste vigilante face au retrait progressif des mesures nationales de soutien à l’économie et rappelle que le niveau de rentabilité des établissements de la zone euro demeure toujours inférieur à celui de ses rivaux non européens. «À plus long terme, la faible efficacité des coûts et la surcapacité restent des défis structurels majeurs pour la rentabilité des banques de la zone euro.»