Un incitant fiscal pour les particuliers qui investiraient dans des start-up serait utile au développement de ces dernières, assurent les entrepreneurs. (Photo: Shutterstock)

Un incitant fiscal pour les particuliers qui investiraient dans des start-up serait utile au développement de ces dernières, assurent les entrepreneurs. (Photo: Shutterstock)

La réforme fiscale promise en 2018 est repoussée à 2023. Ce sera au successeur de Yuriko Backes d’imaginer comment corriger une «bizarrerie» luxembourgeoise: l’absence d’incitation fiscale à investir dans des start-up… qui existe en Belgique, en Allemagne ou en France.

Pascal Saint-Amans n’a pas perdu de temps. À peine s’est-elle assise dans le fauteuil de au 3, rue de la Congrégation que le «Monsieur Propre de la finance internationale» s’est invité à , histoire de vérifier que le Luxembourg reste aligné avec l’OCDE sur la mise en œuvre du plan de réforme à deux piliers, dont le second prévoit un taux minimum d’imposition de 15% pour la centaine de multinationales qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 750 millions d’euros.

À la sortie, après avoir brandi le «level playing field», étendard du Start-Up Nation branding, la nouvelle ministre des Finances assure que «les règles fiscales mondiales permettront de mettre en lumière les nombreux avantages du Luxembourg. En tant que pays stable, classé AAA avec une économie ouverte et diversifiée, le Luxembourg a tous les atouts pour rester attractif et compétitif dans les années à venir.»


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Tous les atouts? Vraiment? Rembobinons. Arrivé à la surprise générale au ministère des Finances comme celle qui lui a succédé, le directeur de la Chambre de commerce s’était engagé à effacer l’image de paradis fiscal qui colle comme un chewing-gum aux semelles du Luxembourg. Quitte à renvoyer les jeunes entrepreneurs innovants à leurs bricolages dans les incubateurs et autres accélérateurs.

Le trou post-«love money»

On sait depuis près d’un an qu’il n’y aura plus de réforme fiscale assez large avant que soit connu le successeur de Mme Backes, l’an prochain.

Où est le problème? Dans leur phase initiale, les start-up ont d’énormes difficultés à trouver des sources de financement. Une fois dépensé le «love money» – cet argent apporté par les économies de l’entrepreneur, sa famille ou quelques amis – le tissu des business angels n’est pas doublé par la possibilité, pour des investisseurs amateurs, de pouvoir profiter d’un avantage fiscal à mettre quelques milliers d’euros dans une start-up. Et quand l’organisation faîtière des business angels luxembourgeois dépense plus d’argent à l’étranger qu’au Luxembourg, comme ce fut le cas en 2020, où ses membres ont lâché 2,9 millions d’euros au pays et 3,6 à l’étranger, selon les statistiques de la LBAN, que leur reste-t-il?

Certainement pas les VC, qui ne s’intéressent qu’aux projets capables de scaler en termes de revenus et d’emplois. Et encore dans la limite de leur enveloppe. Les chiffres sont intraitables: là où les VC américains ont injecté, au cours des trois premiers trimestres de 2021, 238,7 milliards de dollars, ont tiré plus de 500 milliards de dollars pour la première fois des exits et ont collecté 96 nouveaux milliards, leurs pairs européens ont dépensé 74 milliards de dollars (trois fois moins), ont engrangé 115 milliards (quatre fois moins) et ont collecté 20 milliards (cinq fois moins).

Feu était l’un des rares à assumer publiquement discuter avec les autorités d’un incitant fiscal, histoire qu’au moment où la start-up a besoin d’engrais et d’eau, elle ne sèche pas en utilisant ses dernières gouttes à essayer de convaincre un banquier de «bridger» en attendant l’étape suivante.

46 mécanismes étudiés à Bruxelles

Dans un rapport de 2017, qui date forcément un peu au vu de l’emballement de ces dernières années, la Commission européenne concluait que ces dispositifs étaient très positifs… s’ils étaient bien «designés». Mais, sur 46 mécanismes étudiés, dans 19 pays, les tax shelters et dispositifs comparables, étaient plutôt mal notés: 25e place pour le belge, 29e pour le français et même 41e place pour l’allemand.

Londres, aujourd’hui en dehors de l’UE et qui continue à attirer le capital utile aux start-up, trustait déjà les bons points avec quatre mesures sur cinq dans le top 5, seule la France lui contestant l’hégémonie avec son impôt sur la fortune (3e).

Dispositif préféré des auditeurs qui ont réalisé le rapport pour la Commission européenne? Les fiducies britanniques de capital-risque (VCT en bon français) permettent à un particulier d’investir jusqu’à 200.000 livres par an pour une réduction d’impôt allant jusqu’à 60.000 livres, les dividendes étant nets d’impôts. La VCT a trois ans pour investir le capital levé dans des sociétés très ciblées. L’an dernier, le dispositif a permis de collecter le record de 685 millions de livres, chiffre dopé par le gel des retraites…

La Belgique double la mise

Le numéro 2, le «Seed Enterprise investment scheme» a apporté 170 millions de livres sterling l’an dernier à 2.090 start-up, chiffres très réguliers depuis la première édition au cours de l’année fiscale 2012-2013. Les montants sont plafonnés à 150.000 livres, toutes aides d’État incluses, pour des sociétés enregistrées au Royaume-Uni, dont les actifs sont inférieurs à 200.000 livres et le nombre de salariés à 25. Les investisseurs bénéficient d’avantages fiscaux.

Il existe de nombreux modèles d’incitants mais, dans les discussions «off the record», les entrepreneurs évoquent le plus souvent un modèle à la belge, à l’instar de ce que fait régulièrement le pays sur de nombreux sujets, benchmarker les idées des voisins et se les approprier.

25e pour la Commission européenne, le dispositif belge, régulièrement critiqué pour être inefficace, a été «doublé» l’an dernier: les plafonds d’investissement sont passés à 500.000 euros pour une start-up et un million d’euros pour une entreprise en croissance, l’avantage fiscal étant de 30 à 45% pour le premier type de société et de 25% pour le second.

Pour la présidente du plus grand réseau de business angels en Belgique, BeAngels, qui a posé un pied au Luxembourg en décembre, Claire Munck, il aurait aussi fallu s’interroger sur la durée pendant laquelle l’investisseur doit laisser son argent dans la société pour profiter de l’avantage fiscal: quatre ans, ça peut être long quand la start-up connaît des difficultés.

Preuve, s’il en est, que le sujet doit se regarder sur un mode dynamique. Ce que le gouvernement avait promis dans son accord de coalition en 2018. «Afin de stimuler l’esprit d’entreprise et la création de start-up, le gouvernement analysera l’introduction de mesures fiscales pour favoriser les investissements des personnes physiques dans les entreprises innovantes», disait le texte.

L’analyse semble toujours en cours, mais la Start-up Nation ne peut pas se contenter du programme Fit4start, aussi excellent soit-il.