Sur cette simulation de Simscale, plus la couleur quitte le vert, plus les vents sont inconfortables pour les piétons. Les calculs sur le HPC permettront aux ingénieurs et architectes d’ajuster le design urbain. (Photo d’illustration: Simscale)

Sur cette simulation de Simscale, plus la couleur quitte le vert, plus les vents sont inconfortables pour les piétons. Les calculs sur le HPC permettront aux ingénieurs et architectes d’ajuster le design urbain. (Photo d’illustration: Simscale)

À quoi sert Meluxina, le high performance computer (HPC) du Luxembourg? À calculer. Des millions de milliards d’opérations simultanées pour tester des options et conserver la meilleure. Exemples avec ceux qui vont profiter des possibilités de test dès la semaine prochaine.

Sur la 23e rue, à l'intersection de la Cinquième Avenue et de Broadway, des mocassins avaient pris l’habitude de se réunir. Ces voyous new-yorkais attendaient là que des jupes s’envolent au-dessus de la tête des dames qui passaient à proximité du Flatiron Building pour se moquer d’elles. Régulièrement, la police venait les déloger, matraque en main.

Le bâtiment, construit par Corydon Purdy sur la base des plans de l’architecte Daniel Burnham, était capable de résister à un vent quatre fois plus fort que la moyenne des vents de la région. En ce début de 20e siècle, les deux hommes n’avaient pas encore entendu parler de PWC. De «pedestrian wind comfort», rien à voir avec l’autre PwC. Ils ne s’étaient pas du tout souciés des mouvements du vent et des conséquences que cela pouvait avoir, au ras du sol, pour les habitants et les passants. Un bookmaker new-yorkais prenait même des paris sur la distance que pourrait parcourir un objet emporté par le vent.

Le PWC est une des choses auxquelles le supercalculateur luxembourgeois, ou high performance computer (HPC), a été confronté avant même son inauguration: Alban Rousset, un ingénieur de LuxProvide, a simulé les flux de circulation du vent… autour de la Philharmonie.

Dans un pays qui mesure sa bonne santé économique au nombre de grues de construction visibles à l’œil nu, cette simulation, qui nécessite des outils de pointe, est comme un appel au monde de l’immobilier, pour qu’il prenne en compte l’impact de ses bâtiments sur la vie de ceux qui fréquentent les quartiers dans lesquels ils sont construits.

L’appel à candidatures de LuxProvide, pour vérifier que le superordinateur acheté à Atos fonctionne, a attiré 20 sociétés et centres de recherche – dont 84% luxembourgeois – autour de 40 projets, dont six pour l’espace, qui est le secteur le plus représenté. 40% de ceux qui ont postulé sont des entreprises privées et 60% des universités et centres de recherche. L’Université du Luxembourg est d’ailleurs la mieux représentée, avec 12 projets, suivie par l’université nationale de Singapour avec trois projets, l’université technologique de Nanyang (Singapour) avec deux projets et le jeune institut indien des technologies de l'information de Kottayam (Inde) avec un projet.

Les matériaux ferroïques, le plasma de l’espace et la finance verte

Très impatient, le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) avait déjà annoncé qu’un de ses projets avait été retenu, celui qui s’intitule «Visualising simulation ensembles of ferroelectric/dielectric superlattices for energy applications». Rien de barbare dans cette appellation, il s’agit d’étudier les caractéristiques des matériaux ferroïques artificiels – de tout petits matériaux – pour plusieurs applications, potentiellement pour le stockage d’énergie et d’appareils électroniques de faible puissance. Des algorithmes vont étudier leurs capacités en fonction de leurs assemblages et le HPC permet d’essayer tous les assemblages et d’imaginer toutes les propriétés. Un enjeu-clé pour les voitures électriques et toutes sortes d’objets bientôt connectés jour et nuit.

Ce projet entre deux unités du List a un deuxième niveau de lecture, comme l’explique Mohammad Ghoniem, responsable du projet côté ITIS: générer des données pour les scientifiques et les visualiser sur d’autres infrastructures, , pour faciliter la vie de chercheurs qui ne sont pas forcément des champions de la visualisation.

La start-up de l’espace, Sparc Industries, a elle aussi déjà annoncé qu’elle ferait partie des projets retenus, pour tester son outil de simulation de plasma au service des satellites. Dans l’espace, les satellites sont confrontés à des plasmas qui vont avoir un impact sur leurs déplacements. Pouvoir concevoir des propulseurs capables d’évoluer de la meilleure manière possible est là encore un enjeu-clé, mis en avant par les équipes de Dejan Petkov, qui avaient signé un partenariat avec l’Université du Luxembourg en 2019.

Un troisième exemple, dans le domaine de la finance, réunit l’Université du Luxembourg et la Banque européenne d’investissement dans le projet Stairs, pour «Sustainable and Trustworthy Artificial Intelligence Recommitment System». Stairs permettra d’élaborer des stratégies d’investissement dans des technologies innovantes et durables. Le HPC va pouvoir digérer tous les critères utiles à la bonne décision des investisseurs et en ressortir des analyses risques-bénéfices quasiment sur mesure.

En mai, ceux que l’opérateur luxembourgeois a retenus ont été informés par courrier qu’ils auraient un mois d’accès aux capacités dont ils ont besoin, entre le 1er juillet et la mi-septembre. La totalité des projets retenus utilisera une équivalence de 250.000 heures de calculs, une goutte d’eau pour la capacité du supercalculateur, mais qui permettra de vérifier que tout fonctionne et aussi de mettre en place les transitions entre les différents programmes.

LuxProvide, qui mettra 35% des capacités de calcul au service de la joint-venture européenne EuroHPC, pourra alors accélérer dans la commercialisation de ses capacités de calcul au service des entreprises et des institutions du pays.