Les taux atteignent de nouveaux planchers. Les conséquences pour l’épargnant ne sont pas neutres: les placements monétaires et obligataires offrent des perspectives de rendement très dégradées et le statut de valeur refuge de la dette souveraine de qualité semble largement révolu.

La tendance baissière des taux à long terme, amorcée au début des années 80, résulte largement d’éléments structurels influençant l’épargne et l’investissement telles une productivité et une démographie moins porteuses.

Par ailleurs, les récessions très sévères enregistrées suite à la crise financière de 2008 et plus récemment lors de la pandémie de Covid-19 ont incité les banques centrales à adopter des mesures non conventionnelles de très grande envergure. La plus emblématique d’entre elles est le lancement de vastes programmes de rachat d’obligations, contribuant ainsi à exercer une pression à la hausse sur le prix de ces actifs et entraînant davantage les taux à la baisse. L’objectif des banques centrales est double: favoriser un rebond cyclique de l’activité en assouplissant les conditions de financement et lutter contre les pressions déflationnistes. Ces autorités monétaires sont aujourd’hui déterminées à poursuivre dans cette voie ultra accommodante au cours des prochaines années, repoussant toute éventualité de normalisation de leur politique.

Cet environnement de taux durablement bas – taux directeurs à des niveaux planchers pour une durée indéterminée couplés à des interventions massives des banques centrales sur les marchés obligataires souverains et privés – n’est toutefois pas sans conséquence pour l’investisseur.

L’investisseur très défensif doit en effet accepter depuis quelques années une perte structurelle de pouvoir d’achat sur les dépôts libellés en euros.
Damien Petit

Damien PetitHead of Private Banking InvestmentsBanque de Luxembourg

L’investisseur très défensif doit en effet accepter depuis quelques années une perte structurelle de pouvoir d’achat sur les dépôts libellés en euros. L’inflation, bien que contenue, ne peut en effet être compensée par la rémunération nulle, voire négative, des produits monétaires. Cet investisseur subit donc une véritable taxation de l’épargne.

Pour un investisseur privé, l’exposition d’un portefeuille aux obligations souveraines de première qualité a également perdu de son attrait. Les taux allemands sont en effet ancrés en territoire négatif jusqu’à une maturité de 30 ans! Le risque d’un tel placement paraît dès lors totalement asymétrique.

D’une part, le rendement à l’échéance est négatif. Le détenteur de l’obligation rémunère en effet l’État allemand pour lui prêter ses liquidités. D’autre part, il s’expose à des moins-values potentiellement importantes en cas de hausse des taux au cours de la période de détention de l’obligation. En outre, le rôle de protection historiquement dévolu à de la dette de première qualité au sein d’un portefeuille semble en grande partie épuisé compte tenu du potentiel de hausse limité de la valeur de ces obligations.  

L’investisseur plus dynamique, s’exposant aux obligations d’entreprises de qualité, devra se contenter de primes de risque – spreads – très faibles et d’une rémunération également très limitée. Il pourrait alors être tenté de s’orienter vers des obligations à haut rendement afin de viser une performance supérieure, mais les spreads sont également très comprimés dans ce segment. L’investisseur s’expose en outre à des pertes définitives en capital significatives en cas de défauts, événements malheureux qui tendent logiquement à augmenter dans des environnements conjoncturels peu porteurs.

L’environnement de taux durablement bas pénalise lourdement l’épargnant défensif.
Damien Petit

Damien PetitHead of Private Banking InvestmentsBanque de Luxembourg

Pour autant que sa capacité et sa volonté à prendre des risques le permettent, cet investisseur devrait plutôt opter pour des investissements dans des actions. Il s’expose certes à la volatilité des marchés actions, mais le risque de perte définitive en capital est limité s’il mise exclusivement sur des actifs de qualité. Ces entreprises bénéficiant d’avantages compétitifs durables, de bilans solides et disposant d’une capacité à fixer les prix permettront à l’investisseur d’accroître son pouvoir d’achat dans la durée en capitalisant notamment sur le versement régulier de dividendes. En outre, la valorisation relative de ces sociétés présente toujours de l’intérêt.

En conclusion, l’environnement de taux durablement bas pénalise lourdement l’épargnant défensif. Ce dernier devra accepter des perspectives de rendement déprimées et, en toutes circonstances, maintenir une stratégie d’investissement en adéquation avec son profil de risque. L’épargnant plus dynamique devrait par contre accroître son pouvoir d’achat dans la durée grâce à une exposition à des actions de qualité achetées à un prix raisonnable.