Najat Diederich Skeate, présidente de la Luxembourg Association of Wealth Managers (LAWM). (Photo: Maison Moderne)

Najat Diederich Skeate, présidente de la Luxembourg Association of Wealth Managers (LAWM). (Photo: Maison Moderne)

L’activité de gestion de fortune doit relever de nombreux défis. Au-delà des impacts de la crise, les acteurs luxembourgeois du métier doivent se repenser pour rester compétitifs, tant vis-à-vis des sociétés fintech que des places financières concurrentes.

L’année 2020 n’a rien d’une sinécure pour les acteurs de la gestion patrimoniale. Ceux à qui des clients fortunés ont confié la préservation de leur patrimoine doivent tenir compte des impacts de cette crise à long terme. «Les investisseurs devront s’adapter à un monde plus endetté, moins global et plus numérique», résume Najat Diederich Skeate, présidente de la Luxembourg Association of Wealth Managers (LAWM). «Ces tendances doivent être intégrées par les acteurs de la gestion de fortune, pour garantir à leurs clients des rendements acceptables dans un contexte où les taux d’intérêt sont nuls, alors que l’imposition pourrait repartir à la hausse et le coût de la réglementation reste important.»

Un monde qui change

Les changements induits par la crise vont obliger les métiers de la gestion de patrimoine à formuler des stratégies nouvelles et à proposer de meilleurs outils et solutions pour servir leurs clients. «Le gestionnaire de fortune devra redoubler d’efforts, maintenir et augmenter ses interactions avec ses clients», assure la présidente. «L’investisseur a besoin d’informations précises et constantes sur son portefeuille de placements ainsi que sur les stratégies adoptées par l’entreprise face à un contexte de marchés volatils.»

Il est impératif pour les acteurs traditionnels de s’armer afin de s’engager dans une bataille féroce contre les sociétés fintech.
Najat Diederich Skeate

Najat Diederich SkeateprésidenteLAWM

L’adoption des nouvelles technologies dans ce contexte constitue évidemment un préalable indispensable pour envisager sereinement l’avenir. D’une part, il est impératif pour les acteurs traditionnels de s’armer afin de s’engager dans une bataille féroce contre les sociétés fintech. Ces dernières font en effet de plus en plus d’adeptes au niveau des jeunes générations d’investisseurs. D’autre part, pour mieux servir et conseiller leurs clients, les gestionnaires de fortune doivent parvenir à personnaliser leurs services, à investir davantage dans la relation.

Accélérer la transformation numérique

«Malheureusement, près de la moitié des acteurs traditionnels ne disposent toujours pas de système CRM performant, à même de les aider à conseiller et à gérer efficacement les prospects et les relations», poursuit Najat Diederich Skeate. Si la plupart des acteurs traditionnels de la gestion de fortune sont désormais conscients de ces enjeux, la transformation engagée reste encore insuffisante. «Les gestionnaires de fortune doivent mieux appréhender les technologies liées à l’automatisation, à la data analytics et à l’intelligence artificielle, pour améliorer les processus, gagner en efficacité, réduire les coûts et surtout proposer une expérience améliorée aux clients.»

La crise a révélé que les acteurs les plus avancés dans leur transformation numérique sont ceux qui ont le mieux résisté, qui se sont adaptés le plus facilement et qui sont aujourd’hui les mieux positionnés pour profiter des nouvelles opportunités.

Luxembourg tire son épingle du jeu

C’est un enjeu réel pour des acteurs qui, ces dernières années, ont vu leurs ratios coûts-revenus se dégrader. En cause? Les évolutions réglementaires et des coûts croissants liés à la mise en conformité, le rapatriement de certains actifs liés à l’échange automatique des données, la nécessité d’opérer un changement de modèle pour servir une clientèle plus fortunée…

Les meilleurs centres de wealth management, comme le Luxembourg, la Suisse, Singapour, Hong Kong jusqu’à l’année dernière, sont toutefois parvenus à relever le défi de la transition.
Najat Diederich Skeate

Najat Diederich SkeateprésidenteLAWM

«Les meilleurs centres de wealth management, comme le Luxembourg, la Suisse, Singapour, Hong Kong jusqu’à l’année dernière, sont toutefois parvenus à relever le défi de la transition. D’autres Places, comme les Émirats arabes unis, le Bahreïn et plus particulièrement le Panama et les Caraïbes, ont moins bien appréhendé cette transition», poursuit Najat Diederich Skeate.

Trouver de nouvelles voies de différenciation

L’alignement réglementaire entre les principaux centres de gestion de patrimoine contraint chacun à explorer de nouvelles voies pour se distinguer. «Nous savons désormais que le succès dépend moins de la réglementation que de la qualité du service», poursuit Najat Diederich Skeate. «Les banques privées ont compris que, pour préserver et développer des flux d’actifs internationaux, elles devaient changer leur manière de penser, innover et transformer leur modèle d’entreprise, pour mieux répondre à l’évolution des préférences des clients. L’éducation financière du client, les enjeux liés à la responsabilité sociale des entreprises et aux investissements responsables doivent pouvoir être pris en compte au niveau des portefeuilles des clients.»

À ce titre, les acteurs du wealth management ont notamment tout intérêt à accompagner et soutenir la transition vers la finance durable initiée à l’échelle de la Place luxembourgeoise, qui jouit déjà d’une reconnaissance internationale dans ce domaine. «Pour le gestionnaire, cela implique des changements fondamentaux, avec la nécessité d’être mieux informé sur les développements de la réglementation, de prendre en compte tous les risques liés au climat, de considérer les opportunités d’investissement associées aux enjeux d’une transition durable», conclut la présidente de la Luxembourg Association of Wealth Managers (LAWM).