«C’est ma dixième et dernière présentation du budget avant de passer la main à Yuriko Backes au début de l’année prochaine», a rappelé le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP). (Photo: Micael Borges/Chambre des députés)

«C’est ma dixième et dernière présentation du budget avant de passer la main à Yuriko Backes au début de l’année prochaine», a rappelé le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP). (Photo: Micael Borges/Chambre des députés)

Avant le vote qui aura lieu ce jeudi 16 décembre, le ministre des Finances Pierre Gramegna a présenté son dernier budget mercredi matin, suivi des commentaires des chefs de fractions.

«C’est ma dixième et dernière présentation du budget avant de passer la main à au début de l’année prochaine. Et pour ma dernière intervention à la Chambre des députés, je suis fier de montrer l’image d’un ciel où les nuages s’éloignent», a lancé le ministre des Finances (DP) ce mercredi 15 décembre à la Chambre des députés, à l’entame de son exposé sur le budget 2022. Sur la couverture de son document est en effet représentée une vigne avec un ciel bleu et quelques nuages.

Durant son discours, Pierre Gramegna a notamment fait le bilan de ses huit années passées à la tête du ministère des Finances, expliquant que «le plus important, c’est une situation saine des finances. Quand suis devenu ministre des Finances en 2013, la durabilité de nos finances n’était plus certaine, et la Commission européenne avait prévenu que si l’on ne faisait rien, les règles du pacte de stabilité n’étaient pas respectées. Au final, nous sommes le seul pays de la zone euro à avoir respecté ce pacte.»

Un budget «sans vision» pour le CSV

«Nous faisons partie des pays qui sont sortis le plus vite de la crise. Le Statec table désormais sur une croissance du PIB de l’ordre de 7% pour cette année 2021, au lieu des 6% que l’on espérait; nos finances sont saines», a insisté Pierre Gramegna. «Je vous ai présenté 10 budgets, on m’a déjà qu’ils étaient trop ou pas assez optimistes, et ces critiques ne sont pas fondées. Les finances de l’État sont grosso modo en bon ordre, et je suis particulièrement heureux d’en remettre les clés à l’esprit tranquille.» Et, remerciant les députés et les membres du gouvernement, le ministre sortant a salué le Luxembourg «et sa société équitable qui est une perle sur terre. Faites-y très attention.»

Le discours de Pierre Gramegna a ensuite laissé place aux débats des députés de la majorité et de l’opposition toute la journée de mercredi.

Pour , co-chef de fraction CSV avec , cette vision «bucolique des vignes et du ciel bleu est du marketing. Derrière les chiffres, ce sont plutôt les illusions qui priment sur le fond. Comment affirmer qu’on a trouvé une solution pour sortir de la crise? Moi, je ne vois pas de sortie de crise, c’est un budget sans vision, sans objet, un budget de l’immobilisme, et aussi un budget de promesses qui n’ont pas été honorées.»

Alors que le rapporteur du budget,  (LSAP), avait insisté , pour Gilles Roth, «il n’y a pas d’aspect social dans ce budget».

Un budget «ambitieux» pour le LSAP

Globalement, les réactions à la sortie de la Chambre des députés, et alors que les débats se poursuivront jeudi matin – avant de faire place au vote du projet de loi –, diffèrent évidemment fortement entre les partis de la majorité et ceux de l’opposition.

Pour (DP), «je ne pense pas comme le CSV, le budget 2022 est un bon cru pour le pays, la croissance du PIB est bonne, et il ne faut pas oublier les conséquences de la pandémie. Il faut investir massivement dans le pays. Je tiens d’ailleurs à rappeler que c’était le CSV qui était au pouvoir et aux manettes des Finances avant 2013, quand il y a eu des problèmes au niveau des finances, donc ils jouent un peu à Docteur Jekyll et Mister Hyde.»

Même son de cloche du côté du LSAP. Pour son chef de fraction, , la dimension sociale mise en avant par son collègue et rapporteur du budget Dan Biancalana «est bien réelle. La hausse de 200 euros de l’allocation de vie chère est un pas très important, et le LSAP considère qu’avoir des finances étatiques saines est un prérequis pour avoir une économie de l’avenir. Je me félicite que nous ne soyons pas allés vers l’austérité, les investissements élevés font marcher l’économie, et cet ambitieux budget 2022 permet la reprise.»

Le climat, «pas assez détaillé» pour déi Gréng

Georges Engel nuance toutefois, notant que «le déficit est en baisse, mais nous devons faire attention à certains éléments, comme la situation de notre sécurité sociale, qui est certes excellente par rapport à celle de nos voisins, mais, comparé à nos chiffres passés, nous sommes sur une pente plutôt descendante. Nos systèmes sociaux doivent être établis de manière plus viable.»

Pour la chef de fraction déi Gréng , «quand on regarde les finances du pays, au niveau macroéconomique, le Luxembourg a su traverser cette crise d’une bien meilleure manière que les autres pays de la zone euro. C’est notamment grâce aux aides débloquées par l’État, qui ont représenté 4% du PIB. Mais notre pays est face à des défis énormes, qui nécessitent de très grands investissements, et le risque est d’augmenter fortement notre dette. Cela sera donc un des grands enjeux des années à venir.»

Pour l’élue verte, «la thématique de la crise climatique n’a pas été assez détaillée pas le rapporteur, alors qu’elle impacte toutes les structures de la société. Les questions climatiques et sociales sont intimement liées», rappelle-t-elle.

Huit motions déposées par l’ADR

(ADR) a profité de son intervention pour déposer huit motions, notamment sur l’«adaptation réaliste du coût du logement et de l’énergie à l’indexation», ou le «reclassement des familles monoparentales dans la classe d’impôts 2 et l’adaptation du crédit monoparental». «Nous sommes pour une meilleure dépense pour les familles», précise-t-il.

Pour (déi Lénk) – qui a déposé une motion sur l’élaboration d’un plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – «l’indicateur de pauvreté stagne à un niveau historiquement élevé, le taux de ‘working poors’ est à 12% dans le pays. Si le travail ne protège plus de la pauvreté, alors nous avons vraiment un problème», analyse la députée. «Et comment est-ce possible que les prix de l’énergie n’aient pas été considérés pour réaliser ce budget?»

(Piratepartei), qui a déposé trois motions, dont une sur «l’attribution automatique et la revalorisation du crédit d’impôt monoparental», explique de son côté que la dimension sociale, bien qu’évoquée par Dan Biancalana, «n’est pas assez prise en compte dans ce budget. Alors que le Luxembourg a le risque de pauvreté le plus élevé depuis 2005. Et au sujet du climat, il vaudrait mieux récompenser quelqu’un qui consomme moins de CO2 que punir quelqu’un qui en consomme trop.»