Bruno Perdu a été ambassadeur de France pendant quatre ans. Sa mission prenant fin au 31 août. (Photo: Maison Moderne)

Bruno Perdu a été ambassadeur de France pendant quatre ans. Sa mission prenant fin au 31 août. (Photo: Maison Moderne)

La mission de Bruno Perdu prenant fin, l’ambassadeur de France a accepté de répondre à une dernière interview avant l’arrivée de .

Vous quittez votre poste d’ambassadeur de France au Luxembourg. Que retenez-vous de votre mandat de quatre ans?

«J’ai choisi de venir au Luxembourg et je dois dire que je n’ai pas été déçu. C’est avec une très grande sincérité que je peux affirmer que j’ai connu ici une mission d’une extrême richesse. J’ai été merveilleusement bien accueilli par les Luxembourgeois et les résidents, qui sont des gens chaleureux et accueillants. J’ai pu les rencontrer, aller chez eux et dans leurs entreprises. Dès lors que l’on s’intéresse à ce qu’ils font, ils nous le rendent bien.

Vous soulignez vouloir rester un ambassadeur pour le Luxembourg. C’est-à-dire?

«Je vais continuer à expliquer aux personnes qui ne connaissent pas le pays ce qu’il est vraiment. Au-delà de cette image autour d’une attractivité fiscale dont certains aiment faire le raccourci, ce pays a de nombreux atouts. Il offre un écosystème riche pour les entreprises et pour les jeunes ou pour tous ceux qui souhaitent s’y installer. Il y a un environnement dynamique avec la House of Startups, les instituts de recherche, un environnement financier, certes, mais aussi un environnement avec des services par le biais de la sphère juridique, la présence des Big Four, etc. Peu de gens à l’extérieur le savent, mais le pays dispose d’un secteur logistique impressionnant ou encore d’un cluster maritime.

Il y a aussi des entreprises fascinantes comme Cargolux, Luxair, ArcelorMittal, Bofferding et bien d’autres encore. Le secteur de l’automobile est hyper développé, notamment dans la recherche. Ajoutons à cela une stabilité politique et sociale en plus d’indicateurs économiques à faire pâlir d’envie d’autres pays. C’est un ensemble qui fait du Luxembourg un pays agile, sans doute aidé par sa taille, mais également audacieux et avant-gardiste sur plusieurs sujets.

On retient souvent, à tort, sa place financière, mais il faut se rappeler que c’est le Luxembourg qui a lancé l’actuel premier opérateur européen de satellite (SES). Rebelote avec Spaceresources.lu, la cybersécurité, le supercalculateur européen, la recherche. Cela fonctionne. Le pays a l’innovation dans son ADN.

Le Grand-Duc m’avait également demandé de faire en sorte de continuer à diffuser la culture française et la langue française au Luxembourg.
Bruno Perdu

Bruno Perduambassadeur de FranceFrance

Quelle fut votre mission au Luxembourg?

«Ma mission principale était une mission traditionnelle pour un diplomate, c’est-à-dire faire en sorte que les relations entre les deux pays soient entretenues et améliorées. Au Luxembourg, les relations avec la France sont naturelles du fait du partage de la langue, de la culture et de notre proximité. Mais au-delà de ça, je dois dire que le Luxembourg est un partenaire et un allié précieux. Politiquement, l’importance du Luxembourg est inversement proportionnelle à sa taille. Nous sommes sur des positions communes en permanence. Sur le climat, le maintien de la paix au Moyen-Orient, la recherche de la stabilité dans le monde, la défense des droits de l’Homme, des valeurs européennes, du droit d’asile et des questions sur l’immigration, sur la liberté de la presse. est très engagé et nous le sommes également à ses côtés. Nous l’avons encore vu concrètement avec les opérations d’évacuation d’Afghanistan. On a pu travailler et collaborer nuit et jour pour rapatrier et ramener des gens.

Le m’avait également demandé de faire en sorte de continuer à diffuser la culture française et la langue française au Luxembourg. Je pense que nous l’avons fait. Nous avons organisé beaucoup d’événements culturels en collaboration avec les institutions du pays comme les théâtres, la Philharmonie, les écoles et les lycées, les musées, l’Université du Luxembourg.


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Tout au long de la crise sanitaire, La France et le Luxembourg sont restés très proches…

« (DP) avait souligné que c’est ‘dans la crise que l’on voit ses vrais amis’. Nous sommes alliés et partenaires, mais surtout des amis. Au plus fort de la crise, nous avons été ‘amis’ dans les deux sens. Le Luxembourg a accueilli des patients français alors que la situation était également compliquée ici. Nous avons, en retour, fait beaucoup de choses en laissant la libre circulation des biens et des marchandises, nous avons accordé des dérogations fiscales dans le cadre du télétravail permettant de maintenir une activité économique dans les entreprises. Cet accord a tout de même coûté 240 millions d’euros à la France. Nous l’avons fait spontanément, nous n’avons pas discuté sur la question et nous avons aidé le mieux possible. Les exemples sont nombreux et parfois sur des détails comme sur l’organisation de la période des soldes des deux côtés de la frontière. J’ai pu permettre aux différents ministres de se parler. Là encore, les exemples sont nombreux, parfois c’est du plus petit des détails, mais nous sommes tout le temps dans l’échange. On a parfois reproché un manque de solidarité en Europe. Entre le Luxembourg et la France, c’est tout le contraire.

Quel a été, pour vous, le moment le plus marquant de votre mandat?

«J’ai des collègues ambassadeurs qui rêvent d’avoir la visite d’un seul ministre français pendant leur mission. Moi, j’en ai eu régulièrement du fait du Conseil des ministres européen, mais j’ai aussi eu la visite de deux Premiers ministres. À peine arrivé au Luxembourg, j’ai eu une visite présidentielle puis une visite d’État, une première depuis 40 ans. On a la chance d’avoir une proximité entre nos dirigeants, une relation qui se décline à tous les niveaux.

Avez-vous un regret?

«Si nous avons rempli notre mission en ce qui concerne l’entente entre les deux pays et la diffusion de la culture française, il a été plus difficile de le faire dans la sphère économique. Nous avons une relation naturelle entre nos deux pays, mais je pense qu’elle gagnerait à être davantage développée. Nous sommes une toute petite ambassade, mes services économiques sont à Bruxelles et mes services Business France sont partis à La Haye. Sur place, je suis tout seul avec ma première conseillère. Je ne peux pas organiser de grands colloques sur l’économie, l’entreprise au sens large. C’est un domaine où l’on doit faire plus, car la part de marché de la France, ici, au Luxembourg, est trop basse.

Je suis aussi un peu frustré de ne pas pouvoir travailler avec les Luxembourgeois sur la présidence française ou encore de ne pas participer à Esch2022 qui va être un lieu de rencontre important entre la France et le Luxembourg puisqu’Esch2022 a été sélectionnée pour le bassin minier historique qui réunit des populations diverses – Italiens, Polonais, Français, Luxembourgeois, pour ne citer qu’eux. Cela va célébrer ce bassin minier et huit villes françaises vont y participer. J’aurais voulu être là, c’est la culture européenne, la francophonie.

Quels sont vos projets?

«Je rentre à Paris. J’ai plusieurs propositions. Nous sommes en train d’en discuter.

Des conseils pour votre successeur?

« On se connaît et nous sommes amis. Nous allons nous voir à Paris très prochainement, même si nous sommes déjà en contact depuis l’annonce de sa nomination. Je n’ai pas de conseil à lui donner, elle a une très grande expérience diplomatique. Ce que je peux lui dire, c’est de profiter de l’accueil qui est offert ici, de sortir du bureau et d’aller vers les gens. Ils sont tellement accueillants et la relation est tellement intense qu’il ne faut pas hésiter à y aller.»